Exportation et contrefaçon de marque : revirement de jurisprudence

Cass. com., 17 janvier 2018, n°15-29.276

L’usage en France d’une marque française sur des produits destinés à l’exportation en Chine constitue un acte de contrefaçon.

Ce qu’il faut retenir : L’usage en France d’une marque française sur des produits destinés à l’exportation en Chine constitue un acte de contrefaçon.

Pour approfondir : L’arrêt de la Cour de cassation du 17 janvier 2018 opère un revirement de jurisprudence pour rétablir une solution conforme aux textes qui sanctionnent la contrefaçon de marque française, peu important si les produits revêtus de la marque sont destinés à l’exportation sur un marché où ils peuvent être licitement vendus.

L’affaire ayant conduit à cet arrêt opposait une société française (Castel) titulaire de marques française et européenne constituées d’une expression rédigée en langue chinoise dont la translitération en alphabet français se lit « Ka Si Té » (forme chinoise du terme « Castel »), aux personnes ayant effectué le dépôt d’une marque identique dont il était fait usage.

Les personnes poursuivies faisaient valoir que l’usage d’une marque française par un tiers uniquement pour procéder à la première mise sur le marché de produits revêtus du signe incriminé dans un pays où il dispose de ce droit procède d’un motif légitime. Selon elles, le motif légitime résidait dans le fait que les produits revêtus de la marque était destinés à être exportés vers la Chine, où elles disposaient d’un droit de marque sur ledit signe.

La défense reposait sur une jurisprudence qui semblait établie depuis 2007 : la Cour de cassation (Cass.com., 10 juillet 2007, n° 05-18.571) avait introduit une exception dite de motif légitime en faveur de celui qui détenait des produit reproduisant une marque protégée en vue de leur exportation vers des pays tiers dans lesquels ils sont licitement commercialisés et sans être mis sur le marché en France.

La Cour de cassation revient sur cette exception dans cet arrêt rendu au visa des articles L.713-2 et L.716-10 du code de la propriété intellectuelle : le premier interdit la reproduction d’une marque et second prévoit l’interdiction de « a) De détenir sans motif légitime, d’importer ou d’exporter des marchandises présentées sous une marque contrefaisante »

La Cour justifie son revirement : « … toutefois, les directives de l’Union européenne instituent, notamment par l’article 5, paragraphe 1, de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques, une harmonisation complète, en définissant le droit exclusif dont jouissent les titulaires de marques dans l’Union (CJUE, 20 novembre 2001, C-414/99 à C-416/99, Zino Davidoff et Levi strauss, point 39 ; CJUE,12 novembre 2002, C-206/01, Arsenal Football Club) ; que la solution retenue par l’arrêt précité ne fait donc pas une application correcte de ce principe d’harmonisation, puisque ni cette directive, ni celles adoptées par la suite, ne prévoient une telle exception, de sorte que le refus de constater la contrefaçon en pareil cas ne peut être maintenu ».

En l’espèce, la marque avait été apposée en France, territoire sur lequel elle était protégée, l’arrêt approuve donc les juges d’appel d’avoir considéré que la contrefaçon était caractérisée quand bien même les produits marqués étaient destinés à l’exportation vers la Chine.

L’arrêt va donc dans le sens d’une meilleure protection des titulaires de marques et de la lutte contre la contrefaçon : les produits seraient-ils vendus à l’étranger, leur présence en France justifie de retenir la commission d’actes de contrefaçon.

A rapprocher : Articles L.713-2 et L.716-10 du code de la propriété intellectuelle

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