Fenêtre sur la Turquie

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ALBARIC Cristelle

Avocat associée - Docteur en droit

A l’occasion de la réforme judicaire initiée en Turquie en Janvier dernier, nous avons mis la lumière ce mois-ci sur ce partenaire commercial majeur à la fois pour l’Europe et l’Asie.

Alors qu’aucune visite officielle française en Turquie n’a été organisée depuis celle de François Mitterrand en 1992, le Président de la République, François Hollande, s’est rendu à Ankara les 27 et 28 janvier dernier. Dans le prolongement de ce voyage officiel, nous avons décidé de mettre la lumière sur la Turquie, partenaire commercial majeur à la fois pour l’Europe et l’Asie.

  • · La situation géographique

Au carrefour entre l’Orient et l’Occident, la Turquie compte la majeure partie de son territoire, soit l’Anatolie (97%), en Asie, où se trouve sa capitale Ankara et une autre petite partie du pays en Europe (3 %), la Thrace orientale. La Turquie bénéficie ainsi d’une position stratégique au confluent des deux mondes, européen et asiatique.

  • · La situation économique

Une croissance ralentie mais toujours positive. Au cours des dix dernières années, la croissance de la Turquie a été florissante. Toutefois depuis 2012, des signes de ralentissement se font ressentir. En 2012, l’économie turque a ralenti avec une progression du produit intérieur brut de seulement 2,2%, contre 8,8% en 2011. La Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement (BERD) a cependant prévu une croissance de 3,3% pour Ankara pour 2013. En 2014, la BERD prévoit une croissance économique de 2,7% dans l’ensemble des pays d’Europe de l’Est, d’Asie Centrale et du sud de la Méditerranée, à la hausse par rapport à 2013 (2%).

Les flux d’investissements. Alors que les flux d’investissements directs étrangers (IDE) en Turquie se chiffraient autour de 1 milliard de dollars US par an entre 1993 et 2002, ceux-ci ont grimpé en flèche au cours de la dernière décennie, atteignant une moyenne annuelle de 12 milliards de dollars US. Selon Ilker AYCI, Président de l’Agence turque pour la promotion et le soutien à l’investissement (ISPAT) et Vice-président de l’Association mondiale des organismes de promotion de l’investissement (WAIPA), « la croissance économique rapide de la Turquie a encouragé un afflux d’investissements étrangers. Au cours des dix dernières années en effet, notre PIB a plus que triplé passant de 231 à 786 milliards de dollars US. En même temps, les exportations sont passées de 36 à 153 milliards de dollars US. Bien évidemment, les investisseurs étrangers ont pris note de la constante croissance et de l’intégration totale de la Turquie dans l’économie mondiale ». La Turquie aurait bénéficié des investissements directs étrangers d’une valeur de 123 milliards de dollars US au cours de cette période.

Selon le rapport sur l’investissement dans le monde de 2013 préparé par la Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement (CNUCED), la Turquie est devenue un important investisseur, avec une augmentation de 73 % en 2012 de ses investissements à l’étranger, soit un niveau record de 4 milliards de dollars.

Le président de l’ISPAT a précisé que la Turquie envisageait d’être parmi les dix plus grandes économies mondiales d’ici 2023, année du centenaire de la république turque, avec un PIB de 2000 milliards de dollars US, comprenant un volume d’exportation de 500 milliards dollars US et un PIB par habitant de 25.000 dollars US.

  • · Le facteur démographique

La population turque est estimée à 76 millions d’habitants. Celle-ci devrait atteindre, selon les projections du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), 82,6 millions d’habitants d’ici 2015. De fortes disparités concernant les revenus, la pauvreté, les infrastructures et les services existent entre l’Est et l’Ouest, ainsi qu’entre les zones urbaines et rurales du pays.

Dans l’hypothèse de son adhésion à l’Union européenne, on peut imaginer que la Turquie disposerait, de par sa démographie, d’au moins 85 députés au Parlement européen et viendrait ainsi se placer à côté des pays « forts » de l’Europe dont l’Allemagne, la France, l’Italie et le Royaume Uni.

Se poserait également la question de la pondération des voix au Conseil. Le Traité de Lisbonne prévoit en effet un système de double majorité dans lequel toute décision doit être approuvée par au moins 55% des Etats membres, représentant au moins 65% de la population. La Turquie disposerait ainsi d’un pouvoir politique et de blocage conséquent.

  • · La Turquie et l’Union Européenne – Etat des discussions

Lors du Conseil Européen d’Helsinki en 1999, la Turquie a officiellement obtenu le statut de candidat à l’adhésion à l’Union Européenne. Les négociations ont alors débuté en octobre 2005, mais n’ont pu progresser depuis 2010. La Turquie et la Commission Européenne ont toutefois adopté, en mai 2012, un agenda « positif » visant la poursuite des négociations d’adhésion du pays à l’Union européenne. Selon le rapport de suivi de la Commission Européenne en date du mois d’octobre 2013, ce processus d’adhésion doit s’inscrire au travers d’un dialogue sur les questions de politique étrangère et de sécurité, un renforcement de la compétitivité économique et une coopération accrue dans les domaines de l’énergie, de la justice et des affaires intérieures. A ce jour, 14 chapitres de négociation (sur un total de 35) ont été ouverts, mais un seul a été provisoirement clôturé.

  • · Le cadre juridique

Le 1er juillet 2012, la Turquie a adopté un nouveau Code de commerce. La modernisation du droit turc des affaires s’inscrit dans un souci d’harmonisation avec les normes européennes et internationales. Cette réforme du droit commercial turc s’explique en partie par l’ouverture du marché turc aux investisseurs étrangers.

Les principaux objectifs de ce nouveau Code de commerce sont les suivants :

– promouvoir plus de transparence dans les affaires ;

– favoriser une professionnalisation de la direction d’entreprise ;

– harmoniser le droit commercial et le fonctionnement des sociétés turques avec l’Union européenne et les standards internationaux.

Les entreprises turques doivent désormais ouvrir un site internet, sur lequel devront figurer des informations les concernant, et ce sous peine de sanction administrative.

Un effort général de transparence sera opéré, avec notamment la certification notariale des documents comptables et procès-verbaux de l’entreprise, ainsi que leur conformité aux normes comptables internationales IFRS.

Le nouveau Code de commerce prévoit également l’obligation de mener des audits indépendants et agréés par une autorité administrative (Public Observation, Accounting and Auditing Standards Authority) qui édictera un ensemble de règles pour encadrer l’exercice par les auditeurs de leurs missions et surveillera leur action.

En outre, la direction d’entreprise a été revue. Il est désormais possible de diriger une entreprise en Turquie sans avoir nécessairement la qualité d’associé.

Un renforcement de la responsabilité pénale des dirigeants a été mis en place avec cependant une mutation des nombreuses peines de prison en amendes judiciaires et les peines de prison ont été substituées en grande partie par des sanctions administratives.

La notion de groupe de sociétés est désormais définie par le droit commercial turc. Chaque année, les Conseils d’administration des sociétés mères et des filiales devront rédiger une présentation des relations capitalistiques et financières qu’entretiennent leurs sociétés. Ce document devra être intégré au rapport annuel de gestion. Les situations d’autocontrôle sont règlementées par le nouveau Code de commerce turc et les abus de contrôle seront sanctionnés.

La réforme a également permis la représentation des associés par une institution et la possibilité pour chaque associé de solliciter la mise en place d’un audit.

Par sa réforme du droit commercial, la Turquie entend attirer les investissements étrangers. Ainsi, le nouveau Code de commerce turc a intégré les sociétés unipersonnelles et a abrogé, pour les sociétés à responsabilité limitée, la loi imposant que l’un des gérants réside en Turquie.

Par ailleurs, il n’est plus obligatoire qu’un quart au moins des membres du Conseil d’Administration soit titulaire d’un diplôme du supérieur ou aussi qu’au moins un membre du CA, parmi ceux autorisés à représenter la société, soit citoyen turc et réside en Turquie. La tenue des assemblées générales à distance par visioconférence est à présent autorisée par le Code de commerce turc.

Par ailleurs, depuis le mois de janvier dernier, une réforme judiciaire, apparemment très controversée par l’opposition et l’UE, observateur du processus de réforme, ayant également émis des réserves, a été engagée par le gouvernement de Recep Tayyip ERDOGAN, qui effectue concomitamment une véritable purge au sein de la justice et de la police en réponse aux soupçons de fraude et de corruption le visant.

 

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