Accord économique et commercial global (AECG ou CETA – Comprehensive Economic Trade Agreement)

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ALBARIC Cristelle

Avocat associée - Docteur en droit

Ratification en 1ère lecture par l’Assemblée nationale le 23 juillet 2019

Le 23 juillet 2019, l’Assemblée nationale a adopté le projet de loi autorisant la ratification du CETA (Accord économique et commercial global entre l’UE et ses Etats membres, et le Canada) en première lecture, avec une majorité de 266 voix pour, 213 contre (dont 54 abstentions).

En France, l’autorisation de ratification doit désormais être débattue devant le Sénat.

Le CETA (le « Traité ») était déjà entré en application provisoire le 21 septembre 2017. Cette application portait sur l’ensemble de ses dispositions commerciales, à l’exclusion des dispositions relatives à la protection des investissements et le mécanisme de règlement des différends investisseurs/Etats (cf. Lettre du Cabinet – Septembre 2017).

Dans l’avis n°2/15 du 16 mai 2017, la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) avait indiqué que les accords de « nouvelle génération », relèvent à la fois de la compétence exclusive de l’UE et d’une compétence partagée entre l’UE et les Etats membres. Ainsi, chaque Etat membre doit autoriser individuellement la ratification par les 38 parlements nationaux et régionaux pour entrer en vigueur.

Au 23 juillet 2019, treize Etats membres ont ratifié l’accord à savoir : Autriche, Croatie, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, Lettonie, Lituanie, Malte, Portugal, République Tchèque, Royaume-Uni et Suède. Au Canada, les deux assemblées ont autorisé la ratification dès 2017.

***

Cet accord de commerce contient, outre les dispositions traditionnelles relatives à la réduction des droits de douane et des obstacles non tarifaires affectant les échanges, des dispositions dans diverses matières liées au commerce, telles que la propriété intellectuelle, les investissements, les marchés publics, la concurrence et le développement durable.

En pratique, le Traité doit réduire 99% des barrières d’importations, permettre aux entreprises canadiennes et européennes de participer aux marchés publics, de services et d’investissements de l’autre partenaire, et renforcer la coopération entre le Canada et l’UE en termes de normes et de régulation. 

Parmi les innovations de l’Accord, l’instauration d’un système juridictionnel des investissements (Investment Court System, ICS) au chapitre 8. Ce mécanisme a vocation à permettre à une entreprise d’attaquer un Etat devant un tribunal arbitral d’exception ICS si elle estime qu’une décision politique a violé les règles du Traité et lésé ses intérêts économiques. Le CETA opère ainsi une réforme des mécanismes de protection des investissements en mettant fin au système d’arbitrage qui a suscité de nombreuses inquiétudes dans le débat public, notamment sur la capacité des Etats à règlementer dans l’intérêt général.

Cette juridiction se substitue aux mécanismes traditionnels d’arbitrage utilisés pour le règlement des différends entre investisseurs et Etats dans 1400 accords conclus depuis la fin des années 1950 par les 28 membres de l’UE pour protéger leurs investissements étrangers.

Exclu du champ d’application provisoire, ce mécanisme a fait l’objet d’une décision de la CJUE dans l’avis 1/17 du 20 avril 2019. La Belgique avait en effet demandé l’avis de la CJUE au sujet de la compatibilité de ce mécanisme de règlement des différends avec le droit primaire de l’Union.

La Cour conclut à la compatibilité de ce mécanisme avec le droit primaire de l’UE. La Cour rappelle qu’un accord international prévoyant la création d’une juridiction chargée de l’interprétation de ses dispositions et dont les décisions lient l’Union est, en principe, compatible avec le droit de l’UE, à la condition que ne soit pas porté atteinte à l’autonomie de l’ordre juridique de l’Union, qui repose sur un cadre constitutionnel qui lui est propre.

Ainsi la Cour estime :

  • que le CETA ne confère aux tribunaux envisagés par l’accord aucune compétence d’interprétation ou d’application du droit de l’UE autre que celle portant sur les dispositions de cet accord ;
  • que le CETA contient des clauses pouvant priver ces tribunaux de toute compétence pour remettre en cause les choix démocratiquement opérés au sein d’une Partie à cet accord en matière, notamment, de niveau de protection de l’ordre public, de sécurité publique, de la moralité publique, de la santé et de la vie des personnes et des animaux ou de préservation de l’innocuité alimentaire, des végétaux, de l’environnement, du bien-être au travail, de la sécurité des produits, des consommateurs ou encore de droits fondamentaux. Il ne porte donc pas atteinte à l’autonomie de l’ordre juridique de l’Union ;
  • quant à la compatibilité du mécanisme avec le principe général d’égalité de traitement : si le CETA confère aux investisseurs canadiens qui investissent dans l’UE une voie spécifique d’action contre des mesures de l’Union, leur situation n’est pas comparable à celle des investisseurs des Etats membres qui investissent dans l’Union ;
  • que le CETA ne porte également pas atteinte à l’effectivité du droit de l’UE au seul motif qu’une sentence adoptée par le tribunal institué par cet accord pourrait avoir pour effet, dans des circonstances exceptionnelles, de neutraliser une amende pour infraction au droit de la concurrence infligée par la Commission ou par une autorité de la concurrence d’un Etat membre. En effet, le droit de l’UE permet lui-même l’annulation de l’amende lorsque celle-ci est entachée d’un vice correspondant à celui que le tribunal du CETA pourrait constater ;
  • que les engagements pris par la Commission et le Conseil, pour assurer l’accessibilité des tribunaux envisagés aux PME suffisent, dans le cadre de cette procédure d’avis, pour conclure que le CETA est compatible avec l’exigence d’accessibilité ;
  • que le CETA contient des garanties suffisantes pour assurer l’indépendance des membres des tribunaux envisagés.

Validé par la CJUE, le chapitre relatif à l’instauration du Tribunal arbitral d’exception ICS entrera donc en vigueur après la ratification du CETA par l’ensemble des parlements nationaux et régionaux

A noter – Quelques chiffres :

  • Une relation économique et commerciale franco-canadienne très riche, accentuée depuis l’entrée en vigueur provisoire du CETA :

En 2018

France

–> 

Canada

Canada

–> 

France

Echanges bilatéraux de biens : 6,27 Md €

Exportations françaises :

3,36 Md €

Importations canadiennes :

2,91 Md €

Investissements croisés

(Enquête INSEE)

+900 filiales de sociétés françaises au Canada employant 99 500 salariés

250 filiales canadiennes en France employant 21 000 salariés

Source : Entre la France et la Canada c’est une relation d’échanges, V.I.E – Business France

  • Les relations commerciales entre le Canada et l’Union européenne avant l’entrée en vigueur provisoire du CETA :

En 2016

UE

–>

Canada

Canada

–>

UE

Commerce de marchandises

(Canada : 10è partenaire commercial de l’UE)

Importations des marchandises en provenance de l’UE : 60,9 Md $

Augmentation de 5,8% par rapport à 2015

Exportations du Canada vers l’UE : 40,0 Md $

Commerce des services

 Importations à partir de l’UE se sont élevées à

24,1 Md $

Exportation des services vers l’UE ont atteint 17,3 Md $ (soit 16,9% des exportations totales de services)

Investissements directs étrangers (IDE)

2ème source d’IDE au Canada. Stocks connus ont atteint 246,9 Milliards $ (soit 29,9% des stocks totaux d’IDE au Canada)

Stock d’investissement direct du Canada dans l’UE ont atteint 232,1 Md $ (soit 1/5 de l’investissement direct total du Canada à l’étranger


Source :
Aperçu de l’Union européenne, Le Service des délégués commerciaux du Canada

  • Commerce annuel de marchandises Canada- UE jusqu’en 2017 :

 

Source : Evolution du commerce des marchandises du Canada avec l’UE dans le cadre de l’AECG, Affaires mondiales du Canada

  • Depuis l’entrée en vigueur provisoire du CETA :

Pour le Canada :

  • Cinq principales marchandises exportées vers l’UE ayant connu la croissance la plus rapide (octobre 2017 à juillet 2018 c/ année précédente) : augmentation de 3,8% par rapport à l’année précédente :

 

  • Croissance des importations canadiennes de l’UE selon le niveau de réduction tarifaire (octobre 2017 à juillet 2018 c/ année précédente) : augmentation de 3,8% par rapport à l’année précédente :

 

Source : Evolution du commerce des marchandises du Canada avec l’UE dans le cadre de l’AECG, Affaires mondiales du Canada

Pour l’Union européenne :

  • Augmentation des exportations de l’UE au Canada dans certains secteurs :

Octobre 2017 à juin 2018

Augmentation des exportations de l’UE au Canada (+7%)

Machines, appareils, engins mécaniques

+8%

Produits pharmaceutiques

+10%

Mobilier

+10%

Parfums/ cosmétiques

+11%

Chaussures

+8%

Vêtements

+11%

Fruits et fruits à coque

+29%

Vins mousseux

+11%

Whisky

+5%

Chocolat

+34%

Source : Un an après : l’accord commercial UE-Canada donne des résultats positifs, Commission Européenne

A rapprocher : Le CETA chapitre par chapitre, Commission Européenne

Sommaire

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