La franchise en Inde

SYED Suraya

Stagiaire avocat

Étude 2018

L’Inde est devenue l’une des principales puissances économiques au monde, dont l’occidentalisation croissante suscite l’intérêt de chacun. Il nous faut rappeler ici les principales données économiques et juridiques que tout praticien devra garder à l’esprit afin de s’interroger sur l’opportunité de s’y développer en franchise.

Ce qu’il faut retenir : L’Inde est devenue l’une des principales puissances économiques au monde, dont l’occidentalisation croissante suscite l’intérêt de chacun. Il nous faut rappeler ici les principales données économiques et juridiques que tout praticien devra garder à l’esprit afin de s’interroger sur l’opportunité de s’y développer en franchise.

Pour approfondir :

I. DONNÉES ECONOMIQUES

I.A. Données macro-économiques

Population 2016

1.324.000.000 habitants

Superficie

3.287.590 km2

Densité 2016

445 hab./km

PIB (nominal) 2016

2.264 Md$ (3ème)

PIB/hab. 2016

1.709 $ (134ème)

Taux de croissance 2016

7,6 %

IDH 2016

0,624 (131ème)

Taux d’alphabétisation 2015

72,23 %

Espérance de vie 2015

68,35 ans

Depuis l’amorcement en 1990 d’un vaste chantier de réformes économiques, l’Inde a connu une croissance parmi les plus élevées au monde (croissance annuelle réelle du PIB en moyenne de 6,8 % entre 1991 et 2016) et fait aujourd’hui partie des grands pays émergeants. Après avoir connu un ralentissement à partir de 2010, l’Inde a renoué une forte croissance s’élevant à 7,6 % en 2016.

Actuellement 7ème puissance mondiale entre la France et l’Italie, l’Inde pourrait passer devant la France en 2018.

Malgré l’émergence rapide d’une classe moyenne dynamique, qui correspond à environ 10% de la population, une large partie de la population vit sous le seuil de pauvreté. Après avoir connu une très forte inflation à deux chiffres, l’économie indienne s’est néanmoins largement stabilisée depuis 2014 et l’inflation est maintenant maîtrisée avec un taux moyen établi à 4,5% en 2016-2017.

Ce tableau général doit être affiné : d’une superficie de plus de 3 millions de kilomètres carrés et d’une population de plus d’1 milliard d’habitants, l’Inde recouvre des réalités culturelles et économiques très diverses. Aussi, et bien que l’Inde, placée au 131ème rang mondial en matière d’indice de développement humain, ne figure pas encore aujourd’hui au rang des pays développés, le développement et le niveau de vie de la population diffèrent fortement d’une région à l’autre.

Les Etats généralement considérés comme les plus favorables aux affaires sont Dehli, Goa, le Gujurat, le Maharashtra (où se situe Mumbai (Bombay)) et le Tamil Nadu.

Cette perspective doit encore être affinée à l’échelle des villes : aux cotés de Bombay – capitale économique du pays, marquée par un prix élevé de l’immobilier – et de Dehli se développent plusieurs villes très dynamiques, où s’implantent de nombreuses entreprises et dont la population a un fort pouvoir d’achat. On citera parmi celles-ci les villes de Gurgaon (Haryana) et de Noida/Greater-Noida (Uttar Pradesh) qui, avec Dehli, forment la National Capital Region (NCR), l’un des centres économiques les plus dynamiques du pays, ainsi que la Chandigarh Tricity (Chandigarh, Pachkula et Mohali), située à cheval sur le Punjab et l’Haryana, et Bengalore (Karnataka), capitale indienne des nouvelles technologies.

La politique d’amélioration des infrastructures favorise le développement d’autres villes et régions. Un quadrilatère d’autoroutes reliant Dehli, Mumbai, Chennai (Madras) et Calcutta est notamment en cours de construction. Par ailleurs, de nombreuses zones économiques spéciales (offrant un milieu favorable aux affaires en matière d’économie et d’infrastructures) se créent dans plusieurs Etats.

Du fait du développement, principalement dans les villes mais également, dans une mesure beaucoup plus faible, dans les campagnes, d’une classe moyenne de consommateurs, la consommation de biens et de services est en augmentation rapide, et la grande distribution s’accroit.

Selon Ubifrance, la France est un acteur mineur par ses échanges directs avec l’Inde et ne représente qu’1,2% des importations indiennes en 2016 et -1,8% des exportations, bien que ces statistiques soient en partie masquées par des plateformes de commerce intermédiaire. Le dynamisme de la relation entre l’Inde et la France se manifeste davantage par l’implantation des entreprises françaises en Inde. Toujours selon Ubifrance, on recenserait plus de 1000 implantations françaises relevant de plus de 400 maisons mères, qui emploient près de 300.000 salariés (4 fois plus qu’en 2005), sur des emplois en majorité qualifiés.

Plusieurs entreprises s’y sont installées au cours des années 2000 et celles qui y étaient déjà présentes ont développé leur activité, pour être présentes dans la plupart des Etats.

I.B. Données spécifiques à la franchise

  • Historique

L’Association indienne de la franchise (Franchising association of India – FAI) a été créée en 1999 et a pour objectif de promouvoir le concept de la franchise en Inde. Le secteur de la franchise connait un développement rapide. Comme dans d’autres pays, le nombre de candidats franchisés a augmenté à la faveur de la crise, l’ouverture d’un magasin franchisé constituant une alternative au chômage pour les personnes licenciées disposant d’une indemnité. La franchise a été définie par le Finance Act de 1999 comme « un contrat par lequel le franchisé se voit accorder le droit de vendre ou de fabriquer des biens, de fournir des services ou de suivre un quelconque procédé découvert par le franchiseur, indépendamment du fait qu’une marque de produit ou de service, un nom commercial, un logo ou tout autre symbole soit impliqué ».

  • Statistiques

Le secteur de la distribution en Inde a généré un chiffre d’affaires d’environ 648,9 milliards de dollars en 2015-2016.

On recense en Inde près de 470 centres commerciaux représentant 12 millions de mètres carrés de surface commerciale, dont 30% sont occupés par les hypermarchés et supermarchés. Ces centres commerciaux réalisaient en 2015 un chiffre d’affaires estimé à 40 milliards de dollars.

L’Inde qui, à l’instar d’autres pays comme les Etats-Unis adopte une définition de la franchise plus large que celle employée en France, compte environ 4750 franchiseurs, et plus de 3000 marques indiennes ont adopté le modèle de la franchise.

Forme montante de distribution en Inde, le chiffre d’affaires consolidé généré par la franchise était  évalué à 13,4 millions de dollars en 2015-2016 avec environ 45.000 points de vente franchisés et environs 11 millions de personnes employées. En grande majorité, ces réseaux sont originaires d’Inde. Si les secteurs dominants sont l’alimentaire, la restauration et l’habillement, on note un progrès des services à la personne et notamment des salles de sport et des salons de beauté.

De plus en plus de réseaux d’origine étrangère s’implantent en Inde. A l’heure actuelle, il s’agit essentiellement de réseaux de restauration et notamment des grands réseaux de restauration originaires des Etats-Unis. Les réseaux de franchise français implantés en Inde sont aujourd’hui très minoritaires.

  • Salons

Franchise India Exhibitions, branche de la société Franchise India Holdings Ltd consacrée à l’organisation d’évènements (salons, prix, conférences), organise chaque année plusieurs salons de la franchise et du magasin de détail, à travers tout le pays. Ainsi, ces expositions sont organisées au Nord (Chandigarh (Haryana et Penjab) Indore (Madhya Pradesh), Ahmedabad (Gujurat) et Mumbai (Maharashtra), à l’Ouest (Calcutta (Bengale Occidental) et au sud (Chennai (Tamil-Nadu), Hyderabad (Andhra Pradesh), Cochin (Kerala) et Bengalore (Karnataka). Le salon annuel Franchise India de Dehli est le plus grand salon de la franchise organisé en Asie. Fin 2017, a eu lieu la 15ème édition de ce salon, comportant plus de 500 exposants, tant indiens qu’internationaux, pour 35.000 visiteurs venant d’une vingtaine de pays.

Bien que de nombreux consommateurs, en Inde, soient familiarisés, notamment en raison des études qu’ils ont pu effectuer à l’étranger, avec les produits occidentaux, l’implantation d’un concept en Inde nécessitera le plus souvent une adaptation des produits et de la méthode de vente.

II. DONNÉES JURIDIQUES

II.A. Données juridiques directement liées à la franchise

L’Inde n’a pas légiféré spécifiquement en matière de franchise. Les relations entre le franchiseur et le franchisé sont donc principalement régies par le droit des contrats (issue du Indian Contract Act de 1872), à tous les stades de la vie de celui-ci : formation, exécution et extinction du contrat. Les franchiseurs étrangers ne sont pas soumis, en tant que franchiseurs, à des règles spécifiques. Certaines contraintes pourront s’imposer à eux, en revanche, en tant qu’investisseurs étrangers, ainsi que cela sera exposé plus loin. Certains domaines d’activité, touchant notamment à la santé, font l’objet d’une règlementation spécifique. Sous cette réserve, les parties jouissent en règle générale d’une très grande liberté pour organiser leurs relations contractuelles.

  • Forme du contrat

Aucune législation spécifique ne requiert que la langue des contrats de franchise ou des documents précontractuels d’information soient écrit dans une langue locale. Toutefois, en pratique, il est d’usage que les contrats soient rédigés en anglais.

  • Information précontractuelle

En l’absence de législation spécifique au domaine de la franchise, l’information précontractuelle n’a pas fait l’objet d’une loi particulière. Ce sont donc des principes voisins de la bonne foi qui régissent cette information. Ainsi, celle-ci ne doit pas être trompeuse et doit permettre aux parties de s’engager en disposant des mêmes informations. En l’absence de législation spécifique à l’information précontractuelle, il n’existe pas de sanction du manquement à une telle obligation en tant que telle. La sanction – dommages intérêts et éventuellement nullité – dépend par conséquent du cas d’espèce et du contenu du contrat. Il appartient à la juridiction saisie de déterminer si telle ou telle information aurait dû être donnée et, dans l’affirmative, d’appliquer la sanction appropriée.

  • Exécution et extinction du contrat

En l’absence de législation spécifique régissant la franchise, les relations entre les parties sont principalement régies par la loi sur les contrats de 1872. Le domaine est donc – comme en France – largement empreint de liberté contractuelle, les parties au contrat de franchise étant considérées comme étant sur un pied d’égalité. C’est ainsi la loi des parties qui régit les obligations réciproques et notamment la durée du contrat, les obligations de non-concurrence et de confidentialité, les conditions de résiliation anticipée, les intérêts de retard, ainsi que les modalités de règlement des litiges (désignation de la juridiction compétente ou instance arbitrale indienne ou internationale). Le contrat peut ainsi permettre au franchiseur de s’opposer à la cession de l’entreprise du franchisé.

Tout comme en France, il n’existe pas de droit au renouvellement du contrat : le franchiseur n’a pas l’obligation de renouveler un contrat arrivé à terme, à moins que le contrat ne prévoie le contraire. La liberté des parties est encadrée par une obligation générale de bonne foi, sanctionnée tant au plan civil qu’au plan pénal.

  • Marque

L’Inde est partie à diverses conventions internationales relatives aux droits de propriété intellectuelle, et notamment à la convention de Paris de 1967, qui prévoit que chaque Etat contractant accorde, en ce qui concerne la propriété industrielle, la même protection aux ressortissants des autres Etats contractants qu’à ses propres ressortissants.

En 2013, l’Inde a également adhéré au Système de Madrid, qui permet de protéger une marque dans un grand nombre de pays grâce à l’obtention d’un enregistrement international dont les effets s’étendent à chaque partie contractante désignée.

La procédure d’enregistrement initiale est issue du Trade Marks Act de 1999 et du Trade Marks Rules de 2002 et 2017. Les marques sont enregistrées au sein du Registre des marques (Trade Marks registry), tenu par le Contrôleur général des brevets, dessins et marques, qui dépend du ministère du commerce et de l’industrie. Bien que n’étant pas partie à l’Arrangement de Nice, l’Inde en a adopté la classification. Au dépôt de la marque, le Registre opère un contrôle portant essentiellement sur le caractère distinctif de la marque. La protection des marques d’ores et déjà enregistrées, identiques ou similaires à la marque nouvellement déposée, est en revanche laissée à l’initiative de leurs titulaires, par la voie de l’opposition ouverte pendant trois mois à compter du dépôt. La marque enregistrée a une validité de 10 ans et peut être renouvelée. A défaut de renouvellement, la marque est supprimée du Registre.

  • Résolution des litiges

Les litiges pouvait naître des relations contractuelles dans le domaine de la franchise peuvent être portés devant les juridictions nationales, être soumis à un arbitrage, à une conciliation ou une médiation. Toutefois, dans le cas de relations internationales, il est d’usage de résoudre les éventuels litiges par la voie de l’arbitrage international, soit en prévoyant en amont une clause d’arbitrage dans le contrat de franchise ou dans une convention distincte, soit a posteriori en soumettant un litige né à arbitrage.

L’avantage principal de l’arbitrage est que ce dernier permet en général une gestion rapide des litiges en comparaison aux délais judiciaires classiques en Inde, lesquels peuvent être longs.

II.B. Données juridiques périphériques

  • Droit de la concurrence

L’article 3 de la loi sur la concurrence de 2002 interdit à peine de nullité les accords ayant ou pouvant avoir pour effet de restreindre la concurrence sur le territoire indien. La Competition Commission of India (CCI) a été créée en 2003 et a pour mission d’empêcher et réguler les pratiques anti-concurrentielles en Inde. Certains accords, tels que les prix imposés et les partages de marché, sont présumés porter atteinte à la concurrence, sauf à prouver qu’ils apportent un gain d’efficience. La loi précise qu’elle ne fait pas obstacle aux mesures raisonnablement prises par une personne pour protéger ses droits de propriété intellectuelle.

  • Dispositions particulières aux investissements étrangers

Les investissements étrangers sont régis par la FDI Policy et le Foreign Exchange Management Act (FEMA) 1999. Le principe est la liberté des investissements étrangers dans les entreprises indiennes dans la grande majorité des secteurs. Néanmoins, ce principe connait des exceptions. Selon le cas, l’investissement est réalisé après simple notification à la Reserve Bank of India (RBI) ou soumis à autorisation du Foreign Investment Promotion Board (FIPB). Le plus souvent, l’investissement direct étranger est soumis à autorisation préalable des autorités indiennes. Concrètement, par conséquent, et sauf exception, seules les sociétés limitant la responsabilité des actionnaires et régies par le Companies Act de 1956 sont ouvertes aux investissements directs étrangers. Ainsi, deux formes de sociétés sont ouvertes : les Private limited Companies et les Public Limited Companies. Les premières, qui ne peuvent faire appel public à l’épargne, correspondent aux petites et moyennes structures ; elles ont au maximum 50 associés. Leur régime est moins onéreux que celui des Public Limited Companies, et les associés bénéficient d’une certaine liberté dans l’organisation de la société. Le capital minimum est de 100.000 Roupies (1.720 €). Les Public Limited Companies peuvent, sans que cela soit une obligation, ouvrir leur capital à l’épargne. Les formalités qui s’imposent à ces sociétés sont plus lourdes que celles imposées aux Private Limited Compagnies. En outre, les associés jouissent d’une liberté moins grande pour l’organisation de la société. Le capital minimum est de 500.000 Roupies (8.600€). Le régime de ces sociétés devrait très prochainement faire l’objet d’une réforme allant dans le sens d’un assouplissement. Les sociétés doivent être enregistrées auprès du Registre des sociétés.

A rapprocher : La franchise en Inde (Etude 2011)

Sommaire

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