Cass. com., 20 avril 2017, n°15-16.922 Publié au Bulletin
Les différents critères de rattachement à la France doivent nécessairement être présents pour que la loi du 31 décembre 1975, certes considérée comme loi de police, soit applicable.
Ce qu’il faut retenir : Les différents critères de rattachement à la France doivent nécessairement être présents pour que la loi du 31 décembre 1975, certes considérée comme loi de police, soit applicable.
Pour approfondir : Une société de droit italien, la société A, a commandé du matériel de télécommunication auprès d’une société de droit français, la société B, le 30 juillet 1999. La société B s’est vue consentir auprès d’un groupement de banques dépendant du Crédit Lyonnais, une ouverture de crédit garantie par les créances que la société B détenait sur sa clientèle le 15 septembre 1999.
La société B de droit français a conclu le 4 avril 2000 avec une société C de droit italien un contrat de sous-traitance pour la fabrication du matériel objet du contrat conclu entre la société A et la société B. Ce contrat de sous-traitance stipulait que « la conclusion et l’interprétation du présent contrat seront soumis au droit suisse ».
Le 2 avril 2001, la société B a autorisé son sous-traitant, la société C, à se faire régler les sommes dues directement par la société A.
Le 30 avril 2001, le Crédit Lyonnais a notifié à la société A « la cession de créances que lui avait consentie » la société B, laquelle a été placée en redressement judiciaire le 2 mai 2001.
La société C et le Crédit lyonnais ont déclaré leurs créances respectives.
La société C a alors assigné les sociétés A et B, les organes de la procédure collective de la société B, ainsi que le Crédit lyonnais, « aux fins de voir dire que la société [A] devait s’acquitter directement entre ses mains des factures résultant du contrat du 4 avril 2000 et que les cessions de créance que la société [B] avait consenties aux banques lui étaient inopposables ».
La question qui se posait était celle de savoir si l’article 13-1 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, qui interdit à l’entrepreneur principal la cession des « créances résultant du marché », était applicable en l’espèce.
La chambre commerciale de la Cour de cassation, dans un arrêt en date du 27 avril 2011, avait répondu en partie par l’affirmative estimant que « cette loi étant une loi de protection du sous-traitant et de sauvegarde de l’organisation économique du pays, elle doit être considérée comme une loi de police ».
La Cour de cassation avait en revanche énoncé que pour que cet article soit applicable, encore fallait-il « caractériser l’existence d’un lien de rattachement de l’opération avec la France au regard de l’objectif de protection des sous-traitants poursuivi par le texte précité ».
La Cour de cassation, jugeant une nouvelle fois cette affaire, est venue confirmer sa décision dans un arrêt du 20 avril 2017, aux termes duquel la Cour rappelle que « l’application de la loi française du 31 décembre 1975 à la situation litigieuse suppose de caractériser l’existence d’un lien de rattachement de l’opération avec la France au regard de l’objectif de protection des sous-traitants poursuivi par l’article 13-1 et qu’à cette condition, le sous-traitant étranger ayant contracté avec une société française bénéficie de la même protection que le sous-traitant français, l’arrêt retient que ni la circonstance que le recours à la société [C] ait permis à la société de droit français [B], dont le siège social est situé à Paris, de remplir ses obligations et de recevoir en contrepartie le paiement de ses factures, ni le fait que le financement de cette société soit assuré par des banques françaises ne suffisent à caractériser l’existence d’un tel lien dès lors que le financement de l’entrepreneur principal et la satisfaction de ses objectifs économiques ne répondent pas au but de cet article ; qu’il retient encore que la situation, sur le territoire français, du siège social de l’entreprise principale, ne constitue pas un critère suffisant ; qu’il retient enfin que l’Italie est, au premier chef, le pays bénéficiaire économique de l’opération de sous-traitance, les terminaux ayant été fabriqués sur le territoire italien par les ingénieurs de [C] et installés sur les réseaux italiens de la société [A] ; que, de ces énonciations, constatations et appréciations, la Cour d’appel a pu déduire qu’en l’absence de tout autre critère de rattachement à la France qui soit en lien avec l’objectif poursuivi, tels que le lieu d’établissement du sous-traitant, mais également le lieu d’exécution de la prestation ou la destination finale des produits sous traités, lesquels sont tous rattachés à l’Italie ».
Il ressort de cet arrêt que l’application de la loi du 31 décembre 1975 est subordonnée au fait que le critère de rattachement de l’opération en cause à la France soit bien rempli.
A défaut, la loi française ne trouvera pas à s’appliquer.
A rapprocher : Cass. com., 27 avril 2011, n°09-13.524