Entente et entreprise commune

CJUE, 18 janvier 2017, aff. C-623/15

La responsabilité d’une société-mère peut être reconnue dans le cadre d’une entente dès lors que le faisceau d’indices prouve l’influence déterminante exercée sur sa filiale commune.

Ce qu’il faut retenir : La responsabilité d’une société-mère peut être reconnue dans le cadre d’une entente dès lors que le faisceau d’indices prouve l’influence déterminante exercée sur sa filiale commune.

Pour approfondir : La société X et la société Y ont créé une société commune, la société Z. Les deux sociétés mères et la société fille ont toutes été condamnées pour entente par le Tribunal de l’Union Européenne le 9 septembre 2015 à payer la somme de plus de 82.826.000 euros.

La société X a formé un pourvoi devant la Cour de Justice de l’Union Européenne demandant l’annulation de l’arrêt rendu.

La Cour de Justice de l’Union Européenne a rappelé que « selon une jurisprudence constante, la responsabilité du comportement d’une filiale peut être imputée à la société mère notamment lorsque, bien qu’ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques (arrêt du 16 juin 2016, Evonik Degussa et AlzChem/Commission, C‑155/14 P, EU:C:2016:446, point 27 ainsi que jurisprudence citée). » (Point 45 de l’arrêt)

La société X a contesté sa responsabilité sur différents fondements.

Tout d’abord, la société X reprochait au Tribunal d’avoir appliqué les règles de la présomption de l’influence déterminante comme s’il s’agissait d’une filiale détenue à 100% par la société X et non pas comme s’il s’agissait d’une filiale commune.

La Cour de Justice de l’Union Européenne a répondu à cet argument en évoquant les éléments ci-dessous :

« Aux fins de l’examen du point de savoir si la société mère peut exercer une influence déterminante sur le comportement sur le marché de sa filiale, il convient de prendre en considération l’ensemble des éléments pertinents relatifs aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent la filiale à sa société mère et, ainsi, de tenir compte de la réalité économique (arrêt du 24 juin 2015, Fresh Del Monte Produce/Commission et Commission/Fresh Del Monte Produce, C‑293/13 P et C‑294/13 P, EU:C:2015:416, point 76 ainsi que jurisprudence citée).

Par ailleurs, l’exercice effectif d’une influence déterminante de la société mère sur le comportement de la filiale peut être déduit d’un faisceau d’éléments concordants, même si aucun de ces éléments, pris isolément, ne suffit pour établir l’existence d’une telle influence (arrêt du 24 juin 2015, Fresh Del Monte Produce/Commission et Commission/Fresh Del Monte Produce, C‑293/13 P et C‑294/13 P, EU:C:2015:416, point 77 ainsi que jurisprudence citée).

Enfin, la Cour a déjà jugé que l’exercice d’un contrôle conjoint, par deux sociétés mères indépendantes l’une de l’autre, sur leur filiale ne s’oppose pas, en principe, à la constatation, par la Commission, de l’existence d’une unité économique entre l’une de ces sociétés mères et la filiale en cause (arrêt du 24 juin 2015, Fresh Del Monte Produce/Commission et Commission/Fresh Del Monte Produce, C‑293/13 P et C‑294/13 P, EU:C:2015:416 point 78 ainsi que jurisprudence citée). Elle a également admis que deux sociétés mères détenant chacune 50 % d’une société commune puissent toutes deux être considérées comme exerçant effectivement une influence déterminante sur cette société commune, dès lors que la Commission l’avait démontré sur la base d’un ensemble d’éléments factuels (voir, en ce sens, arrêt du 26 septembre 2013, EI du Pont de Nemours/Commission, C‑172/12 P, non publié, EU:C:2013:601, point 47, et du 26 septembre 2013, The Dow Chemical Company/Commission, C‑179/12 P, non publié, EU:C:2013:605, point 58).» (Nous soulignons).

La Cour de Justice de l’Union Européenne rappelle ici le principe selon lequel la preuve de l’influence déterminante des sociétés mères sur la société commune est rapportée dès lors qu’il peut être établi que les règles régissant la société commune, que celles-ci soit légales ou contractuelles, ont eu pour conséquence que le comportement de la société commune a été, de fait, dirigé par les sociétés mères. C’est aux sociétés mères d’apporter la preuve contraire. Il importe peu que la filiale soit une filiale à 100 % ou une filiale commune.

La Cour a ainsi conclu que « En effet, il résulte d’une lecture conjointe des points 100 à 102 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a, en substance, considéré que, lorsqu’il découle des dispositions légales ou des stipulations contractuelles régissant une filiale commune que le comportement sur le marché de cette filiale est déterminé de manière conjointe par ses sociétés mères, il peut raisonnablement être conclu que ce comportement a effectivement été déterminé de manière conjointe, si bien que les sociétés mères doivent être considérées comme ayant exercé une influence déterminante sur leur filiale, à moins qu’il n’existe des preuves concrètes qui démontrent que les décisions relatives au comportement de cette dernière ont, dans les faits, été arrêtées selon des modalités différentes. » (Point 50).

La société X a par la suite contesté l’existence de son influence déterminante. Le Tribunal avait relevé l’existence d’un droit de véto de la société X sur le plan de développement de la filiale pendant toute la durée de son existence. Par l’arrêt commenté (CJUE, 18 janvier 2017, aff. C-623/15), la Cour de Justice de l’Union Européenne relève que « d’autre part, la conclusion énoncée au point 106 de l’arrêt attaqué, selon laquelle les deux sociétés mères de l’entreprise commune disposaient d’un droit de veto sur les questions revêtant une importance stratégique, lesquelles étaient fondamentales pour l’exercice des activités de l’entreprise commune, ce qui démontrerait l’exercice d’un contrôle conjoint sur cette dernière, est étayée à suffisance de droit par les références, opérées » (Point 56). La société X soutient que le fait qu’elle n’ait pas usé de son droit de véto pour exercer une influence déterminante sur la société Z prouve qu’elle n’a pas influencé la gestion de sa filiale. La Cour de Justice de l’Union Européenne retient que le Tribunal n’était pas tenu de déterminer si la société X avait ou non usé de son droit de veto : « Il s’ensuit que, contrairement à ce que fait valoir, en substance, [la société X], le Tribunal n’était pas tenu de déterminer si [la société X] avait influencé la gestion opérationnelle de l’entreprise commune, pour conclure qu’il existait, entre ces deux sociétés, une unité économique. » (Point 66). La Cour de Justice de l’Union Européenne a également relevé que la nomination par la société X du vice-président de la société commune était « un indice témoignant de la capacité de cette dernière d’exercer une influence déterminante sur le comportement de l’entreprise commune. La référence à la connaissance approfondie, par les vice-présidents de celle-ci, de la politique et des objectifs de [la société X] sert à motiver cette considération du Tribunal » (Point 77).

La Cour de Justice de l’Union Européenne a par conséquent rejeté le pourvoi de la société X et confirmé la condamnation de la société mère.

 

A rapprocher : Arrêt du Tribunal de l’Union Européenne du 9 septembre 2015, T-104/13, EU : T : 2015 : 610

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