Compétence du juge français et concurrence déloyale

Cass. com., 20 septembre 2016, n°14-25.131

Une même juridiction peut être compétente pour statuer sur une action en concurrence déloyale à l’encontre de codéfendeurs établis dans différents territoires et réparer l’intégralité des préjudices subis, tant en France qu’à l’étranger.

Ce qu’il faut retenir : Une même juridiction peut être compétente pour statuer sur une action en concurrence déloyale à l’encontre de codéfendeurs établis dans différents territoires et réparer l’intégralité des préjudices subis, tant en France qu’à l’étranger.

Pour approfondir : L’affaire ayant donné lieu à l’arrêt commenté opposait une société française intervenant dans le secteur du prêt à porter à deux autres sociétés : la société mère suédoise et sa filiale française, en raison de la commercialisation, par ces dernières, de vêtements dans des conditions telles qu’il leur était fait grief d’avoir commis des actes de concurrence déloyale. L’affaire avait été portée devant le Tribunal de grande instance de Paris.

La compétence du juge français avait été contestée dès la première instance : le juge de la mise en état s’était estimé compétent pour connaître du litige à l’égard de l’ensemble des défendeurs, approuvé par la Cour d’appel. La Haute juridiction avait par la suite rejeté le pourvoi à l’encontre de l’arrêt d’appel (Cass.com., 26 février 2013, pourvoi n°11-27139) aux motifs que « … l’article 6, point 1, du règlement CE n° 44/2001 du 22 décembre 2000 s’applique lorsqu’il y a intérêt à instruire et à juger ensemble des demandes formées contre différents défendeurs afin d’éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément, sans qu’il soit nécessaire en outre d’établir de manière distincte que les demandes n’ont pas été formées à la seule fin de soustraire l’un des défendeurs aux tribunaux de l’Etat membre où il est domicilié ; que l’arrêt, qui relève par motifs adoptés que chacune des sociétés H&M était accusée séparément de contrefaçon des mêmes modèles de vêtements et des mêmes actes de concurrence déloyale et parasitaire, a pu en déduire, en l’absence d’harmonisation du droit d’auteur et de la concurrence déloyale au sein de l’Union, qu’il existait un risque de décisions inconciliables si les demandes étaient jugées séparément) ».

Dès lors, la compétence du juge français était acquise, la solution étant fondée sur le Règlement dit « Bruxelles I » (Règlement UE n°44/2001, 22 décembre 2001), en particulier son article 6 qui prévoit qu’une personne domiciliée dans un Etat-membre peut être attraite devant le Tribunal d’un autre Etat membre, en particulier, lorsqu’il y a plusieurs codéfendeurs devant celui du domicile de l’un d’eux à condition que les demandes soient liées entre elles par un rapport si étroit qu’il y a un intérêt à les instruire et les juger en même temps afin d’éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément.

Jugeant du fond de l’affaire, la Cour d’appel de Paris avait toutefois considéré que sa compétence pour connaître du litige et des conséquences dommageables résultant des actes commis par tous les codéfendeurs (conformément au texte et à l’arrêt précité) n’avait pas pour effet de faire entrer dans sa compétence la réparation des faits dommageables commis à l’étranger dans lesquels la société française (codéfendeur d’ancrage) n’était pas impliquée.

La Cour de cassation va sanctionner le raisonnement des juges du fond au visa de l’article 6 du Règlement du 22 décembre 2001 précité et de l’article 2. Elle va ainsi juger que la Cour d’appel était compétente pour statuer sur l’intégralité du préjudice résultant des actes de concurrence déloyale et parasitaire reprochés aux sociétés X et Y, peu important que cette dernière société, établie en France, n’ait elle-même commis aucun fait dommageable à l’étranger ».

Intéressante sur le plan des principes, cette décision l’est tout autant voir surtout pour ses conséquences pratiques en ce qu’elle permettra de simplifier les aspects procéduraux d’actions judiciaires initiées à l’encontre de sociétés françaises et étrangères à raison des mêmes faits. Une juridiction unique sera compétente pour statuer et ordonner la réparation des préjudices subis du fait des actes délictueux.

A rapprocher : Règlement UE n°44/2001, 22 décembre 2001 ; Cass. com. 26 févr. 2013, n° 11-27.139

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