Quand la valeur locative se trouve inférieure au loyer plafonné – Cass. civ. 3ème, 5 novembre 2014, pourvoi n°13-21.990

Le prix du loyer du bail renouvelé doit être fixé à la valeur locative, même si elle est inférieure au loyer plafonné.

L’article L.145-33 du Code de commerce pose le principe selon lequel le montant du loyer du bail renouvelé doit correspondre à la valeur locative.

A défaut d’accord, la valeur locative est déterminée par (i) les caractéristiques du local considéré, (ii) la destination des lieux, (iii) les obligations respectives des parties, (iv) les facteurs locaux de commercialité, (v) les prix couramment pratiqués dans le voisinage.

L’article L.145-34 du Code de commerce prévoit qu’à défaut d’une modification notable des éléments « mentionnés aux 1° à 4° de l’article L.145-33 », le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d’effet du bail à renouveler, si sa durée n’est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation de l’indice.

Ainsi, le prix du loyer du bail renouvelé doit en principe être fixé à la valeur locative, le plafonnement étant l’exception.

En l’espèce, le bailleur d’un local commercial a fait signifier au preneur un congé avec offre de renouvellement.

Le preneur a accepté l’offre de renouvellement mais a contesté le montant du loyer proposé, demandant la fixation du prix de loyer renouvelé à la valeur locative à un montant inférieur au montant du loyer plafonné.

La Cour d’appel avait retenu le plafonnement du loyer du fait de l’absence de modification notable des facteurs locaux de commercialité de nature à avoir une incidence favorable sur l’activité commerciale du preneur et de l’absence de toute autre modification des caractéristiques du local considéré, de la destination des lieux et des obligations respectives des parties.

La Cour de cassation casse l’arrêt reprochant aux juges du fond de n’avoir pas recherché si le loyer du bail renouvelé correspondait à la valeur locative, le locataire demandant que le loyer du bail renouvelé soit fixé à un montant inférieur au montant du loyer indexé.

Il convient donc de ne pas confondre plafond et plancher.

Ainsi, lorsque la valeur locative se trouve inférieure au montant du loyer plafonné, c’est à la valeur locative que doit être fixé le prix de loyer renouvelé et non au loyer plafonné.

Il est vrai que ces dernières années, la bataille que se livraient bailleur et preneur quant au montant du prix de loyer renouvelé tenait essentiellement au fait que la valeur locative se trouvait supérieure au loyer plafonné. Les preneurs demandaient de retenir le plafonnement du loyer alors que les bailleurs tentaient de démontrer que le prix de loyer renouvelé devait être fixé à la valeur locative.

La crise aidant conjuguée à la hausse continue des indices, les preneurs ont désormais tendance à solliciter la fixation du loyer du bail renouvelé à la valeur locative et non au montant du plafond.

A la différence de la valeur locative qui se trouve à un montant supérieur au loyer plafonné et qui implique d’établir une modification notable des éléments « mentionnés aux 1° à 4° de l’article L.145-33 », le locataire n’a pas à faire état d’une quelconque modification notable desdits éléments pour demander la fixation du prix de loyer renouvelé à la valeur locative.

Les juges du fond doivent rechercher l’adéquation entre valeur locative et loyer de renouvellement. C’est ce que rappelle la Cour de cassation qui, en l’espèce, reproche aux juges du fond de s’être abstenus d’effectuer cette recherche.

La jurisprudence avait déjà jugé que si le locataire n’est pas en mesure de rapporter la preuve, par la production de références, de la valeur locative réelle des lieux loués, c’est au juge de la rechercher (Cass. civ. 3ème, 3 décembre 2003, n°02-11.374).

En pratique, le juge du fond aura recours, préalablement à la fixation du loyer du bail renouvelé, de manière quasi systématique à la désignation d’un expert qui recherchera la valeur locative.

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