COVID-19 : Fermeture des commerces non essentiels et demande de restitution des loyers payés pendant la période de confinement

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MILLIER-LEGRAND Chantal

Avocat

TJ Paris, 18ème Chambre - 2ème section, 25 janvier 2021, RG n°18/02353

La 18ème chambre du tribunal judiciaire de Paris décide que le locataire n’est pas fondé à exciper, au soutien de sa demande de restitution de loyers payés pendant la période de fermeture administrative de son commerce de vente d’objets d’art et de décoration, de l’inexécution du bailleur de son obligation de délivrance des lieux loués et d’en garantir la jouissance paisible pendant cette période correspondant au premier confinement.

La question principale qui opposait bailleur et locataire portait sur les conditions d’un renouvellement de bail. Le locataire avait demandé le renouvellement d’abord refusé par le bailleur moyennant une offre d’indemnité d’éviction. Après expertise, le bailleur avait finalement notifié son droit de repentir. Le tribunal était saisi pour voir fixer l’indemnité d’occupation ainsi que le loyer de renouvellement et faire les comptes entre les parties.

C’est dans le cadre de ce litige que le locataire faisait valoir qu’en application du décret 2020-293 du 23 mars 2020 reprenant les arrêtés des 14 et 15 mars 2020 prescrivant les mesures pour faire face à l’épidémie de Covid-19, il avait été contraint de fermer son commerce du 15 mars au 11 mai 2020, soit pendant une période de 57 jours, cette mesure de fermeture des commerces non essentiels l’ayant empêché de jouir paisiblement des locaux commerciaux donnés à bail et d’exploiter son activité commerciale ; que cette circonstance constituait une inexécution suffisamment grave des obligations du bailleur pour justifier l’application de l’article 1719 du Code civil « (le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière : 1° De délivrer au preneur la chose louée et, s’il s’agit de son habitation principale, un logement décent. Lorsque des locaux loués à usage d’habitation sont impropres à cet usage, le bailleur ne peut se prévaloir de la nullité du bail ou de sa résiliation pour demander l’expulsion de l’occupant ; 2° D’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée ; 3° D’en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail) » ; et de l’exonérer du loyer correspondant à cette période.

Il était ainsi demandé au tribunal de juger qu’aucun loyer n’était dû pendant cette période de fermeture, étant précisé que le loyer avait été payé et que le locataire demandait au tribunal de condamner le bailleur à lui restituer à ce titre une somme de 1.216,96 euros.

Pour le tribunal, l’article 1719 du Code civil n’a pas pour effet d’obliger le bailleur à garantir au preneur « la chalandise des lieux loués et la stabilité du caractère normatif dans lequel s’exerce son activité. »

Le locataire est en conséquence débouté de sa demande de restitution du loyer correspondant à la période de fermeture administrative du commerce.

A la lecture de cette décision, on peut observer qu’il n’a notamment pas été fait référence à l’article 1104 du Code civil impliquant de vérifier, en cas de « circonstances exceptionnelles », si ces circonstances ne rendent pas nécessaire une adaptation des modalités d’exécution des obligations respectives des parties, soit à tout le moins un aménagement des loyers pendant la période concernée.

Par ailleurs, l’intérêt du litige qui portait sur une demande de remboursement se limitait à 1.216,96 euros et le locataire n’avait aucunement justifié de difficultés financières.

Cette décision rejoint l’arrêt de la Cour d’appel de Grenoble du 5 novembre 2020 n°16/04533 qui a refusé d’appliquer l’exception d’inexécution pour justifier le non- paiement des loyers par le locataire ayant fait l’objet d’une interdiction d’ouverture pendant la crise sanitaire Covid-19.

On peut toutefois remarquer que les moyens de défense du locataire n’étaient pas complets et que l’interdépendance des obligations réciproques a été gommée.

A rapprocher : TJ Paris, 21 janvier 2021, n°20/55750 ; CA Grenoble, 5 novembre 2020, n°16/04533 ; TJ Montpellier, 10 septembre 2020, n°20/30974 ; TJ Paris, 26 octobre 2020, n°20/55901

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