Précisions nouvelles sur les prêts libellés en francs suisses et les clauses abusives

Photo de profil - SAADOUN Claire | Avocat | Lettre des réseaux

SAADOUN Claire

Avocat

CJUE, 10 juin 2021, aff. C-609/19

La CJUE considère que les clauses prévoyant l’allongement de la durée d’un contrat de prêt et l’augmentation du montant des mensualités sont susceptibles de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.

En l’espèce, par acte notarié, un couple d’emprunteurs a acquis un bien immobilier et souscrit auprès d’une banque un contrat de prêt hypothécaire libellé en devise étrangère.

Ce contrat comportait les clauses contractuelles suivantes :

  • La souscription d’un prêt à un taux libellé en francs suisses et remboursable en euros ;
  • Le remboursement des mensualités à échéances fixes en euros et la conversion de celles-ci en francs suisses, les frais associés au crédit, tels que l’assurance, étant facturés en euros ;
  • La durée du crédit serait allongée de cinq années, les échéances prévues en euros étant imputées en priorité sur les intérêts lorsque l’évolution des parités augmente le coût du crédit pour l’emprunteur et que si le maintien du montant des règlements en euros ne permettait pas de régler la totalité du solde du compte sur la durée résiduelle initiale majorée de cinq années, le montant des mensualités serait augmenté.

S’ensuivit un litige ayant conduit un tribunal de première instance à poser à la CJUE des questions préjudicielles portant sur le point de savoir si les clauses litigieuses concernaient l’objet principal du contrat et si elles étaient suffisamment claires.

En principe, seules les clauses litigieuses ne portant pas sur l’objet principal du contrat ou sur l’adéquation entre le prix et la rémunération peuvent faire l’objet d’un contrôle. Or, l’une des difficultés des prêts en devises réside dans le fait que les clauses litigieuses portent souvent sur l’objet principal du contrat (v. CJUE 20 sept. 2017, aff. C-186/16).

Ceci étant précisé, même dans le cas où la clause porte sur l’objet principal du contrat, un contrôle de l’abus est admis dans l’hypothèse où ladite clause ne serait pas rédigée de manière claire et compréhensible.

La CJUE, dans son arrêt du 10 juin 2021, a ainsi considéré que les termes des clauses susvisées sont susceptibles de créer un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant dudit contrat au détriment du consommateur, dès lors que le professionnel ne pouvait raisonnablement s’attendre, en respectant l’exigence de transparence à l’égard du consommateur, à ce que ce dernier accepte, à la suite d’une négociation individuelle, un risque disproportionné de change qui résulte de telles clauses.

A rapprocher : CJUE, 20 sept. 2017, aff. C-186/16

Sommaire

Autres articles

some
Baux commerciaux : la demande de renouvellement aux clauses et conditions du bail expiré vaut offre de prix du bail en renouvellement
Le bailleur ayant accepté la demande du locataire sollicitant le renouvellement aux clauses et conditions du précédent bail, la demande en fixation du loyer du bail renouvelé doit être rejetée.
some
Covid-19 et non-paiement des loyers commerciaux pour la période d’avril et mai 2020
Si bailleur et preneur, en période de Covid-19, doivent, de bonne foi, se concerter sur la nécessité d’aménager les modalités d’exécution de leurs obligations respectives, les moyens du locataire – défaut dans l’obligation de délivrance du bailleur et...
some
[VIDÉO] Etat du marché en période de crise sanitaire, par Patrick COLOMER
Patrick COLOMER, Expert judiciaire près de la Cour d’appel de Paris et agréé par la Cour de cassation, intervient dans le cadre de contentieux locatifs et d’indemnités d’éviction.
some
[VIDÉO] Baux commerciaux et marché locatif, par Patrick COLOMER
Patrick COLOMER, Expert judiciaire intervenant dans le cadre de contentieux locatifs et d'indemnités d'éviction, aborde notamment dans cette vidéo le marché locatif, la baisse/hausse des loyers et la propriété commerciale.
some
Exploitation illicite : attention aux modifications apportées aux projets commerciaux en cours de réalisation !
Par un arrêt en date du 15 février 2021, la Cour administrative d’appel de Marseille, saisie par l’Association En Toute Franchise, a censuré le refus d’un Préfet de mettre en œuvre les pouvoirs de police qu’il détient en matière d’aménagement…
some
COVID-19 : Fermeture des commerces non essentiels et demande de restitution des loyers payés pendant la période de confinement
La 18ème chambre du tribunal judiciaire de Paris décide que le locataire n’est pas fondé à exciper, au soutien de sa demande de restitution de loyers payés pendant la période de fermeture administrative de son commerce de vente d’objets d’art…