La cessation de paiement des redevances par le franchisé sanctionnée – CA Montpellier, 10 déc. 2013, RG n°12/01380

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GRANDMAIRE Justine

Counsel - Docteur en droit

Un récent arrêt de la Cour d’Appel de Montpellier sanctionne le «manquement fautif» d’un franchisé qui avait cessé de payer ses redevances. Il est condamné à payer les redevances et la résiliation unilatérale du contrat à ses torts exclusifs est prononcée.

Présentation des faits

L’arrêt rendu par la Cour d’appel de Montpellier le 10 décembre dernier concerne les faits suivants.

En l’espèce, la société CF. exploite un concept de restauration sous la forme d’un réseau de franchise et conclut un contrat de franchise avec la société C. pour une durée de 9 ans ; en contrepartie du bénéfice de l’exclusivité qui lui était accordée concernant l’exploitation d’un restaurant sous l’enseigne du franchiseur, la société C. s’engageait à payer un droit d’entrée et une redevance dont le montant était calculé en considération du chiffre d’affaires HT réalisé. Le contrat prévoyait la clause suivante : « les causes d’extinction du contrat sont l’arrivée du terme et la clause résolutoire : le franchiseur sera en droit de mettre fin au contrat en cas de manquement grave ou répété du franchisé à l’une de ses obligations (…) ».

La société franchisée exploite le restaurant à compter de juillet 2007 puis rencontre des difficultés de trésorerie dont elle fait part à son partenaire en février 2009, en lui proposant la reprise du restaurant qu’elle avait pris à bail, sa revente au prix d’acquisition, son transfert sur un autre site ou toute autre solution lui permettant d’atteindre les chiffres annoncés. 

En avril 2009, la société franchisée a annoncé au franchiseur qu’elle cessait de payer ses redevances jusqu’à ce qu’elle réalise des résultats conformes au prévisionnel. Le franchiseur a alors adressé plusieurs courriers par lesquels il demandait à son partenaire de bien vouloir respecter ses engagements contractuels et régler les redevances dues sous peine de résilier le contrat conformément à la clause résolutoire prévue dans le contrat. 

A défaut pour le franchisé de s’être conformé aux mises en demeure, le franchiseur a considéré que le contrat de franchise était résilié et a assigné son partenaire afin que soit constatée, ou prononcée judiciairement, la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la société C. Cette dernière faisait quant à elle état de différents manquements commis par le franchiseur et réclamait le remboursement du droit d’entrée et l’indemnisation du manque à gagner, sollicitant la nullité du contrat ou, à défaut, sa résiliation aux torts du franchiseur.

Appréciation par la Cour d’appel de Montpellier

Les juges du fond relèvent le fait que le franchiseur a mis en demeure à plusieurs reprises la société franchisée de se conformer à ses obligations contractuelles et que les différents manquements reprochés par cette dernière à l’encontre de son partenaire, à savoir le défaut de délivrance d’un restaurant « clé en main », l’absence de protection de la marque, et la remise d’un prévisionnel trompeur, n’étaient pas établis et ne sauraient donc justifier le non-paiement des redevances.

S’agissant des manquements commis par le franchiseur relatifs à son devoir d’assistance, les magistrats rappellent que « si la franchise permet au franchisé d’exploiter son fonds dans un système de gestion commerciale conçu et expérimenté par le franchiseur pour réduire les risques, la franchise ne donne pas lieu à la suppression des risques inhérents à toute activité commerciale ».

Cette décision est ainsi l’occasion de rappeler que le franchisé est un commerçant indépendant et assume en principe seul les risques de son entreprise dont il assure la gestion. L’assistance apportée par le franchiseur en matière de gestion doit donc se limiter à l’apport de méthodes et conseils sans que celle-ci ne doive avoir pour objet ou pour effet de se substituer au franchisé dans la gestion de son entreprise. Il est en effet à rappeler que dans l’hypothèse où le franchiseur irait au-delà de son devoir d’assistance, en s’immisçant dans la gestion du franchisé et en commettant des fautes de gestion, il pourrait voir sa responsabilité engagée. 

Le devoir d’assistance auquel est tenu le franchiseur constitue une simple obligation de moyens, ce qui signifie qu’il ne peut être tenu pour responsable en raison du simple fait que l’assistance apportée n’a pas entraîné la réussite du franchisé. 

En l’espèce, les magistrats ont considéré que le franchiseur avait assisté la société franchisée dans le cadre de la renégociation à la baisse du montant du loyer du local exploité par cette dernière et il ne pouvait être reproché au franchiseur de ne pas avoir accepté la proposition de vente ou de reprise du restaurant et la cessation de paiement des redevances par son partenaire.

En conséquence, en cessant de régler les redevances en dépit des relances réitérées du franchiseur, la société franchisée a commis un manquement fautif suffisamment grave pour justifier la résiliation unilatérale du contrat à ses torts exclusifs, laquelle est condamnée au paiement des redevances échues et impayées. 

S’agissant de la demande de remboursement du droit d’entrée et de la demande indemnitaire formulée par la société franchisée, celles-ci ont été rejetées dans la mesure où la rupture du contrat lui était imputable et, qu’en tout état de cause elle a bénéficié du savoir-faire durant la période d’exécution du contrat de franchise.


Article paru sur Toute la Franchise : www.toute-la-franchise.com le 13 janvier 2014 

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