Protection de l’image du réseau contre le repreneur du fonds d’un ancien franchisé

GUILLÉ Jérôme

Avocat

Cass. com., 20 février 2019, n°17-20.652

Le franchiseur est fondé à protéger l’image de son réseau contre toute utilisation illicite de ses signes distinctifs sans avoir à justifier d’un préjudice ni de l’existence d’un risque de confusion au jour de la délivrance de l’assignation.

Le 25 décembre 2003, la société HYPROMAT FRANCE a signé un contrat de franchise avec la société VEYDIS aux fins d’autoriser cette dernière à implanter et exploiter un centre de lavage rapide en self-service pour les véhicules sous l’enseigne ELEPHANT BLEU.

Ce contrat est venu à terme le 25 décembre 2006 et n’a pas été renouvelé.

Par acte du 8 mars 2007, la société VEYDIS a cédé son fonds de commerce à la société JULMAN, l’acte prévoyant que cette dernière s’engage à faire disparaître tout signe distinctif pouvant rappeler la charte graphique de la franchise ELEPHANT BLEU, au plus tard le 15 mai 2007.

Soutenant que la société VEYDIS n’avait pas respecté les dispositions du contrat de franchise qui imposent aux franchisés, dans cette hypothèse, de cesser immédiatement l’utilisation de quelque manière que ce soit de la marque France ELEPHANT BLEU de même que tout emblème, posters, affiches, documents publicitaires ainsi que modifier les couleurs spécifiques de la franchise, la société HYPROMAT FRANCE a assigné la société VEYDIS devant le juge des référés puis au fond aux fins d’obtenir la cessation sous astreinte de l’utilisation des signes distinctifs et la réparation de son préjudice.

La société VEYDIS a appelé en garantie la société JULMAN.

La société VEYDIS a ensuite été liquidée et radiée, de sorte que la société HYPROMAT FRANCE ne pouvait plus porter de demande d’indemnisation à son encontre.

Par arrêt du 10 mai 2017, la Cour d’appel de Colmar a constaté que la faute de la société JULMAN devait être retenue dès lors qu’il est établi que la station de lavage en cause a conservé une apparence rappelant fortement la charte graphique de la franchise « ELEPHANT BLEU » pendant plus de trois ans après sa cession à la société JULMAN, du 8 mars 2007 à novembre 2010. Cependant, elle a débouté la société HYPROMAT FRANCE de sa demande d’indemnisation à l’encontre de la société JULMAN en retenant que :

  • sur son dommage allégué, la société HYPROMAT, n’apporte aucun moyen ni pièce susceptible d’établir que la persistance des couleurs de la station de lavage lui a causé un préjudice ;
  • compte tenu du long délai entre la fin du contrat de franchise et les premières mises en demeure adressées par HYPROMAT à JULMAN, il n’y avait plus depuis longtemps, au moment de l’assignation initiale, de risque de confusion pour la clientèle.

Par arrêt du 20 février 2019, la Cour de cassation, se fondant sur l’article 1382 du C. civ., devenu l’article 1240 du C. civ. relatif à la responsabilité délictuelle, a cassé la décision précitée sur chacun des 2 points ayant justifié le débouté en retenant que :

  • l’utilisation illicite par le cessionnaire du fonds des signes distinctifs de ralliement de la clientèle du réseau de franchise « Eléphant bleu », portant atteinte à l’image du réseau, était de nature à causer un préjudice au franchiseur, lequel était fondé à la protéger contre toute banalisation ou altération ;
  • le droit à réparation naît au jour de la survenance du dommage, de sorte que la disparition éventuelle de celui-ci au jour où la victime saisit le juge pour en obtenir réparation ne la prive pas de son action.

Ce faisant, la Haute juridiction assure avec vigueur la protection des signes de ralliement du réseau de franchise contre toute utilisation illicite d’un tiers pouvant conduire à leur banalisation ou altération.

A rapprocher : article 1240 du code civil

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