Dol : preuve facilitée du caractère intentionnel

Photo de profil - ZANETTE Alissia | Avocat | Lettre des réseaux

ZANETTE Alissia

Avocat

Cass. com., 9 janvier 2019, n°17-28.725

Le cocontractant qui garde le silence sur des informations dont il ne pouvait ignorer l’importance pour l’autre partie, l’a nécessairement fait intentionnellement. La preuve du caractère intentionnel du dol – en fait souvent très difficile à rapporter – est donc facilitée.

Une société d’édition a acheté les actions d’une agence de publicité dans l’objectif d’avoir ainsi, par l’intermédiaire de cette agence de publicité, un contact direct avec les annonceurs (les annonceurs étant, dans ce domaine, les clients à l’origine des prestations de la société d’édition).

Après avoir compris le réel fonctionnement de l’agence de publicité, la société d’édition a assigné le vendeur des actions pour obtenir – notamment – la nullité de la vente pour dol. La société acheteuse reprochait au vendeur de lui avoir caché le fait que l’agence de publicité réalisait 85 % de son chiffre d’affaires via une autre société qui avait seule le contact direct avec les annonceurs et qui, en plus, était dirigée par la compagne du vendeur.

La Cour d’appel a rejeté le dol au motif que la société acheteuse ne rapportait pas la preuve que c’est de manière intentionnelle que le vendeur ne l’a pas informée (i) de l’existence de cette autre société qui avait le véritable contact direct avec les annonceurs, (ii) des liens personnels que le vendeur entretenait avec la dirigeante de cette autre société et (iii) de la dépendance économique dans laquelle se trouvait la société cédée à l’égard de cette société tierce.

S’il n’est pas discutable que la personne qui se fonde sur le dol doit prouver le caractère intentionnel, on doit reconnaître qu’il est souvent difficile – voire même impossible – de prouver que l’autre partie avait l’intention de cacher une information importante. En pratique, le demandeur à la nullité pour dol trouve rarement un mail ou un courrier où le cocontractant écrit noir sur blanc « je vais lui cacher cette information ».

Pour autant, la Cour de cassation a cru bon d’adopter une position souple pour apprécier la preuve de l’élément intentionnel du dol. Selon la Cour de cassation, dès lors que les juges d’appel avaient constaté que les informations cachées étaient de nature à affecter les résultats et les perspectives de la société cédée, alors ils auraient dû en tirer la conséquence que le silence gardé l’avait été intentionnellement : « le silence gardé par [le vendeur] sur ces informations, dont il ne pouvait ignorer l’importance dans la mesure où elles faisaient peser un aléa sur la pérennité des sociétés qu’il cédait, était nécessairement intentionnel ». Autrement dit, le titulaire des actions d’une société agit nécessairement dans le but de tromper le futur acquéreur lorsqu’il lui cache le fait que la quasi-totalité du chiffre d’affaires de la société cible est réalisé grâce à une société tierce.

Selon le contexte, il est possible de déduire le caractère intentionnel en examinant la nature des informations cachées. Cette souplesse ne pourra pas aider tous les cocontractants se prévalant d’un dol, mais elle permettra de rationaliser certains cas de preuve impossible.

A rapprocher : Nouvel article 1137 du code civil

Sommaire

Autres articles

some
La Minute des Réseaux #23 – La rupture brutale des relations commerciales imputable à l’ensemble des membres d’un même réseau de distribution
La rupture brutale des relations commerciales imputable à l’ensemble des membres d’un même réseau de distribution   La faute tirée de la rupture brutale des relations commerciales établies peut être attribuée à un ensemble de sociétés. Cette solution influe sur…
some
La Minute des Réseaux #22 – Le « Drop shipping » selon les nouvelles lignes directrices du 30 juin
Le « Drop shipping » selon les nouvelles lignes directrices du 30 juin   A la différence des anciennes lignes directrices de 2010, les nouvelles lignes directrices du 30 juin 2022 s’intéressent pour la première fois au mécanisme du « drop shipping…
some
La Minute des Réseaux #21 – La « Distribution duale » dans le nouveau règlement d’exemption n°2022/720 du 10 mai 2022
La « Distribution duale » dans le nouveau règlement d’exemption n°2022/720 du 10 mai 2022   La « distribution duale » correspond à l’hypothèse dans laquelle une tête de réseau vend des biens ou des services en amont, mais aussi en aval,…
some
La Minute des Réseaux #20 – Réseaux de distribution et places de marché selon le nouveau Règlement d’exemption n° 2022/720 du 10 mai 2022
Réseaux de distribution et places de marché selon le nouveau Règlement d’exemption n° 2022/720 du 10 mai 2022   Dans son arrêt Coty, la Cour de justice avait estimé qu’une interdiction de recourir à une place de marché ne constitue…
some
La Minute des Réseaux #19 – La publicité en ligne dans le nouveau Règlement d’exemption n° 2022/720 du 10 mai 2022
La publicité en ligne dans le nouveau Règlement d’exemption n° 2022/720 du 10 mai 2022   Dans le sillage de sa jurisprudence, la Commission consacre des développements volumineux intéressant la publicité en ligne (Comm., 17 déc. 2018, Aff. AT.40428 (Guess)).…
some
La Minute des Réseaux #18 – Le règlement d’exemption 2022/720 de la Commission du 10 mai 2022
Le règlement d’exemption 2022/720 de la Commission du 10 mai 2022   Le nouveau Règlement d’exemption (n°2022/720) de la Commission est entré en vigueur le 1er juin 2022 (Règlement d’exemption n°2022/720, art. 11, Publié au JOUE du 11 mai 2022).…