Obligation précontractuelle d’information et cession de contrat – Cass. com., 21 février 2012, pourvoi n°11-13.653

L’obligation d’information précontractuelle, édictée par l’article L. 330-3 du code de commerce, et qui se traduit par la remise d’un DIP, s’impose au concédant lors d’une cession d’un contrat en cours entre concédants prédécesseur et successeur.

L’information précontractuelle irradie par son importance la plupart des contrats de distribution. Le concédant qui agréé un nouveau concessionnaire par suite de la cession du contrat est tenu de respecter l’obligation précontractuelle d’information prévue à l’article L. 330-3 du code de commerce.

Aux termes de l’article L. 330-3 du code de commerce, toute personne qui met à la disposition d’une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d’elle un engagement d’exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l’exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l’intérêt commun des deux parties, de fournir à l’autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s’engager en connaissance de cause.

Dans l’affaire commentée, un fonds de commerce de négoce de bateaux et matériels nautiques avait été cédé à une société ; le cédant avait conclu un contrat de concession avec une société qui, par un avenant à ce contrat de concession, avait agréé la société cessionnaire en qualité de nouveau concessionnaire aux lieu et place du cédant sans pour autant lui transmettre les informations prévues par les articles L. 330-3 et R. 330-1 du Code de commerce.

Invoquant que le concédant n’avait pas respecté l’obligation précontractuelle d’information prévue par l’article L. 330-3 précité, la société cessionnaire l’avait fait assigner en paiement de dommages-intérêts.

Pour rejeter cette demande, un arrêt passé presque inaperçu (CA Poitiers, 11 janvier 2011, RG n°08/03425, Juris-Data n°2011-015457) avait retenu que l’obligation d’information précontractuelle, édictée par l’article L. 330-3 du code de commerce, s’impose au concédant avant la conclusion du contrat de concession, et « non lors d’une cession d’un contrat en cours entre concédants prédécesseur et successeur ».

Le pourvoi formé contre cette décision faisait notamment valoir que le concédant a le devoir d’informer le concessionnaire substitué sur les conditions de la concession, en particulier sur l’état du réseau qu’il s’apprêtait à rejoindre, et qu’en disant que le concédant n’avait aucune obligation d’information à l’égard du concessionnaire substitué, aux motifs de ce qu’il n’y avait pas « conclusion » d’un nouveau contrat de concession mais « cession » de ce contrat, la Cour d’appel de Poitiers avait donc violé ensemble l’article 1134 du code civil, et les articles L.330-3 et R.330-1 5° du code de commerce.

Il faut dire que la question méritait réflexion dans la mesure où l’article L. 330-3 précité vise la seule « conclusion » du contrat, donnant ainsi à penser que l’application de ce texte à la cession du contrat serait contra legem.

L’arrêt rendu par la chambre commerciale de la cour de cassation, dont il faut souligner qu’il a été publié au Bulletin, se singularise par la grande netteté de son attendu de principe, rendu au visa de l’article L. 330-3 précité, selon lequel : « en statuant ainsi, alors que le concédant avait agréé la société cessionnaire en qualité de nouveau concessionnaire et qu’une telle modification du contrat initial imposait que le concédant fournisse à son nouveau cocontractant les informations lui permettant de s’engager en connaissance de cause à exécuter le contrat de concession, la cour d’appel a violé le texte précité ».

Ce faisant, cet arrêt de principe est à mettre en perspective avec la jurisprudence antérieure rendue en la matière. Par un arrêt du 7 janvier 2004, la chambre commerciale avait déjà laissé augurer que le franchiseur devait, en cas de cession par le franchisé de son contrat, fournir un document d’information précontractuelle conforme aux prescriptions des articles L.330-3 et R.330-1 du code de commerce (Cass. com., 7 janvier 2004, pourvoi n°02-12.366, Let. distrib. février 2004). Pour autant, cet arrêt était demeuré inaperçu et une jurisprudence postérieure ne l’avait d’ailleurs pas suivie, cette dernière ayant considéré qu’en pareil cas, il incombait au franchisé cédant de donner au cessionnaire les informations suffisantes pour qu’il contracte en connaissance de cause et, donc, de se conformer aux exigences de l’article L. 330-3 du code de commerce (CA Metz, 23 septembre 2008, Juris-Data n°2008-371948).

L’arrêt commenté est également à rapprocher d’une autre décision – bien connue – rendue par la Cour de cassation (Cass. com., 14 janv. 2003, pourvoi n°00-11.781, Juris-Data n°2003-017359, Lettre distrib. mars 2003, p. 1 ; RTD civ., 2003, p. 497, obs. J. Mestre et B. Fages) ayant imposé le respect des prescriptions légales en cas de formation d’un nouveau contrat par suite de la tacite reconduction du premier. Le franchiseur devra notamment veiller à informer le franchisé quant aux modifications éventuelles de l’état du marché local et de la situation du réseau, qui sont les plus évolutives.


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