Protection des informations précontractuelles du franchiseur

GUILLÉ Jérôme

Avocat

CA Paris, 13 avril 2018, RG n°16/22458

Le fait pour une personne de recueillir des informations auprès d’un franchiseur sur son modèle, puis de créer sa propre activité concurrente ne constitue pas un acte de parasitisme condamnable.

Ce qu’il faut retenir : Le fait pour une personne de recueillir des informations auprès d’un franchiseur sur son modèle, puis de créer sa propre activité concurrente ne constitue pas un acte de parasitisme condamnable.

Pour approfondir : La société Réparéco, créée en 2007, qui a pour objet notamment la réparation de véhicules automobiles, a mis au point un nouveau concept dit de « self-garage » permettant au client d’effectuer lui-même, sous le contrôle d’un technicien, des petites réparations de véhicules. Elle exerce son activité à Vert St Denis et à Melun (Seine-et-Marne). Elle a déposé la marque française semi-figurative « Réparéco » auprès de l’INPI le 14 mai 2012 ; celle-ci a été enregistrée le 7 septembre 2012 et avait pour perspective le développement de son activité dans le cadre d’une franchise.

La société E. Auto, immatriculée le 18 octobre 2012, exerce à la Chapelle Gonthier en Seine-et-Marne une activité de réparation et l’entretien de véhicules automobiles sous l’enseigne REPARAUTO. La société Réparéco soutient que les dirigeants de la société E. Auto avaient pris son attache pour obtenir des renseignements sur le contrat de franchise qu’elle proposait, sans y avoir donné suite.

Considérant que l’exercice par la société E. Auto d’une activité identique dans le même département, et l’homophonie de son enseigne avec la marque dont elle est titulaire, constituait une contrefaçon, la société Réparéco a mis en demeure puis assigné la société E. Auto devant le Tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de marque et à titre subsidiaire pour acte de parasitisme dans le cadre d’une concurrence déloyale.

Sur la demande principale de la société Réparéco au titre de contrefaçon, la Cour d’appel de Paris confirme la décision de première instance en ce qu’elle a débouté la demanderesse aux motifs notamment que :

  • les deux signes présentent le même phénomène labial d’attaque « REPAR » suivie du même nombre de syllabes (2) et se terminent par le même son « O » ; toutefois les sons ECO et AUTO sont deux sons ayant une résonnance distincte ;
  • conceptuellement le terme « Repar » a trait à une activité identique de réparation, étant en cela extrêmement banal ; la marque antérieure a ajouté le terme ECO mettant en valeur l’aspect économique ; en revanche l’enseigne de la société E. Auto comporte la mention Auto qui n’est pas distinctive de l’activité d’un garage ayant une activité de réparation de sorte que le consommateur d’attention moyenne ne sera pas amené à opérer une confusion avec un autre garage exerçant sous la marque Réparéco ;
  • les deux entités sont situées sur deux communes distinctes et ne se situent pas sur un axe de passage obligé pour le consommateur de sorte que celui-ci malgré la faible distance les séparant ne fera pas le rapprochement entre elles, d’autant que, dans un rayon proche il existe d’autres garages ayant une activité de réparation.

Sur la demande subsidiaire en réparation d’actes de concurrence déloyale, la Cour déboute également la demanderesse au motif notamment que « si la société Auto a pu recueillir des informations sur le modèle proposé par la société Réparéco, pour autant elle était libre de créer sa propre activité de réparation de voitures en dehors de toute franchise sans qu’il en résulte la démonstration d’actes de parasitisme. »

Ici, la Cour semble estimer que la société Réparéco ne démontre pas la volonté fautive de la société E. Auto de profiter « sans bourse délier » des informations recueillies auprès d’elle dès lors que ces informations portaient principalement sur la franchise et que la société E. Auto n’a pas créé une activité de franchise.

Cette décision est l’occasion de rappeler l’importance pour le franchiseur de bien penser sa stratégie de fourniture d’informations (avant le DIP, au sein du DIP, etc.) aux candidats à l’entrée dans son réseau et de protéger ces informations par des rédactions efficaces (clause de confidentialité, restitution de documents, etc.) insérées dès le stade précontractuel.

A rapprocher : article L.330-3 du Code de commerce

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