Distribution parallèle et contrefaçon

CA Paris, 15 septembre 2016, RG n°15/00108

La vente de produits authentiques hors réseau de distribution sélective peut être constitutive d’actes de contrefaçon.

Ce qu’il faut retenir : La vente de produits authentiques hors réseau de distribution sélective peut être constitutive d’actes de contrefaçon.

Pour approfondir : Dans cette affaire, deux sociétés du même groupe respectivement titulaires des marques et tête du réseau de distribution sélective en France, ont engagé une action en contrefaçon et en concurrence déloyale à l’encontre d’une société en raison de l’exploitation d’un site internet et d’un point de vente proposant à la vente des montres, vendues dans le réseau de distribution sélective. Cette assignation a fait suite à une saisie-contrefaçon au cours de laquelle ont été saisies des factures d’achat des produits auprès d’une société belge, celle-ci les ayant acquis auprès d’une autre société belge alors membre du réseau en question.

La société poursuivie a essayé de se retrancher derrière l’épuisement du droit sur la marque. Ce principe, prévu à l’article 13 paragraphe 1 du règlement sur la marque communautaire du 26 février 2009 (également à l’article L713-4 CPI), prévoit en effet une exception au droit sur la marque empêchant le titulaire d’une marque de s’opposer à la circulation des produits marqués qu’il a mis dans le commerce dans la communauté. La partie qui invoque l’épuisement doit en rapporter la preuve, ce qui implique d’établir : la mise dans le commerce par le titulaire de la marque ou avec son consentement, sur le territoire de l’espace économique européen.

Cette charge de la preuve peut être renversée en cas de risque réel de cloisonnement des marchés – risque que le défendeur doit prouver pour ne pas avoir à révéler la source de son approvisionnement. En l’espèce, la société poursuivie se contentait de faire état de l’existence d’un réseau de distribution sélective pour prétendre que la charge de la preuve de l’épuisement devait être renversée. L’argument ne va pas suffire à convaincre la Cour.

Les juges ont en effet relevé que le renversement de la charge de la preuve tend à permettre à la société qui se prévaut de l’épuisement de ne pas révéler sa source d’approvisionnement afin de ne pas la tarir ; or, en l’espèce, la société poursuivie ne cherchait pas à dissimuler sa source puisqu’au contraire elle en faisait état.

L’examen des pièces va conduire les juges à considérer que la preuve que les produits ont été initialement mis dans le commerce par le titulaire des droits ou avec son consentement n’est pas rapportée. En effet, les factures saisies, en particulier en raison de l’absence de correspondances entre les références y figurant et celles des produits vendus par la société poursuivie, ne permettaient pas de justifier dudit consentement du titulaire de la marque à la mise sur le marché initiale des produits.

L’épuisement des droits sur la marque étant écarté, la Cour va retenir l’existence d’actes de contrefaçon et entrer en voie de condamnation. Pour évaluer le préjudice subi, les juges vont s’attacher à rechercher chacun des éléments prévus à l’article L.716-14 CPI (conséquences économiques négatives, préjudice moral, bénéfices réalisés) pour fixer le montant des dommages-intérêts. Au vu des factures lui permettant de déterminer le nombre de produits achetés, le prix d’achat et de revente, les juges ont déterminé les bénéfices réalisés par le contrefacteur et ont forfaitairement évalué le préjudice moral. En revanche, le titulaire de la marque n’ayant fourni aucun élément relativement aux investissements engagés dont il se prévalait au titre des conséquences négatives de la contrefaçon, il n’a pu obtenir de dédommagement à ce titre.

La Cour va également retenir l’existence d’actes de concurrence déloyale dont se prévalait la tête du réseau en France également licenciée de la marque. Les actes de contrefaçon constituant des actes de concurrence déloyale à son égard dès lors que la société poursuivie s’est dispensée des contraintes pesant sur les membres du réseau. Les juges vont en outre considérer que la société poursuivie a méconnu les termes de l’article L. 121-1 du Code de la consommation, lequel réprime les pratiques commerciales trompeuses notamment lorsqu’elles reposent sur les allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant notamment sur la disponibilité ou la nature du bien ou du service, l’identité, les qualités, les aptitudes et les droits du professionnel.

En effet, le site internet litigieux comportait une mention « nous commandons nos produits uniquement auprès du représentant officiel en France pour l’ensemble de notre stock. Liste des représentants officiels : (…) » : cette mention étant mensongère et laissant entendre l’existence de liens commerciaux.

A rapprocher : article L713-4 du Code de la propriété intellectuelle ; article L716-14 du Code de la propriété intellectuelle ; article L.121-1 du Code de la consommation

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