EXECUTION DU CONTRAT : Le sort des griefs formulés tardivement par les parties au contrat de franchise

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SIMON François-Luc

Avocat Associé-Gérant - Docteur en droit

CA Angers, 17 février 2015, RG n°13/00964

L’une des parties à un contrat de franchise ne peut se prévaloir d’un manquement de l’autre partie lorsqu’il ne l’a pas critiqué au cours de l’exécution du contrat.

Ce qu’il faut retenir :

L’une des parties à un contrat de franchise ne peut se prévaloir d’un manquement de l’autre partie lorsqu’il ne l’a pas critiqué au cours de l’exécution du contrat.

Pour approfondir :

En l’espèce, le franchiseur prétendait que le franchisé était à l’origine de plusieurs manquements contractuels importants justifiant la résiliation du contrat de franchise, tout en précisant qu’avant d’être assignée en résiliation du contrat, elle avait fait le choix de ne pas s’en prévaloir « afin de préserver son réseau et de tenter de trouver une solution amiable, mais sans aucunement renoncer à les invoquer ». La Cour considère toutefois que : « …s’il ne peut en être déduit qu’elle a renoncé à s’en prévaloir, en revanche, son attitude démontre qu’elle ne considérait pas cette obligation comme importante, se satisfaisant de ce que la redevance était payée sur le chiffre d’affaires total ».


§  Un arrêt en rupture avec la jurisprudence antérieure spécifique au silence du franchiseur : Cet arrêt dénote par rapport à la jurisprudence antérieure qui avait tendance à se montrer prudente quant à l’interprétation à donner au silence du franchiseur en présence d’une faute contractuelle commise par le franchisé. Ainsi, des décisions avaient admis la possibilité pour le franchiseur de se prévaloir de la violation du concept par le franchisé alors même que ces manquements n’avaient donné lieu à aucune réclamation (CA Bordeaux, 24 janvier 2007, RG n°04/06594), ou que le fait de percevoir des redevances sur la totalité du chiffre d’affaires en ce compris la vente de produits non référencés ne constituait pas une acceptation de la vente par le franchisé desdits produits (CA Angers, 19 décembre 2006, Juris-Data n°2006-330903).


§  Le cas des griefs tardifs du franchisé à l’encontre du franchiseur : Cette décision doit être mise en perspective avec la jurisprudence qui tend à rejeter les demandes formulées tardivement par le franchisé contestant l’existence du savoir-faire lorsque, durant l’exécution du contrat, il n’a émis aucune critique (CA Rennes, 22 avril 2014, RG n°12/08326 ; CA Paris, 15 mai 2013, RG n°11/08620 ; CA Toulouse, 4 mai 2000, RG n°1998/02908 ; CA Rennes, 3 juin 1998, RG n°9703091 ; CA Toulouse, 16 octobre 1995, RG n°5759/93). Une jurisprudence similaire le déboute encore de ses demandes tendant à critiquer (tardivement) l’assistance du franchiseur (Trib. com. Paris, 31 janvier 2007, RG n°2001073161, inédit ; Cass. com., 20 juin 2006, n°04-14.663 ; CA Paris, 22 novembre 1995, Juris-Data n°1995-025081 ; CA Rouen, 6 mai 1993, Juris-Data n°1993-042781 ; CA Paris, 29 octobre 1992, Juris-Data n°1992-023213).

Ces décisions conduisent à rappeler l’intérêt qui s’attache aux clauses d’immutabilité qui consistent à interdire à une partie d’opposer à son cocontractant l’inapplication par ce dernier de l’une des clauses du contrat. Une telle clause évite d’analyser le comportement du franchiseur comme une renonciation à invoquer un droit qu’il tient des stipulations du contrat. Toutefois, à la lecture de la motivation de la décision commentée, il est à craindre que, même en présence d’une telle clause, le juge considère que la faute ne présente pas une gravité suffisante (ressortant de l’absence de réaction pendant un certain laps de temps) justifiant la résiliation du contrat de franchise aux torts du franchisé.

A rapprocher : CA Bordeaux, 24 janvier 2007, RG n°04/06594 – CA Angers, 19 décembre 2006, Juris-Data n°2006-330903


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