Réseau de distribution sélective et interdiction de vente en ligne

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GRANDMAIRE Justine

Counsel - Docteur en droit

CA Paris, 2 février 2016, RG n°15/01542

Dans le cadre d’un réseau de distribution sélective, la tête de réseau interdit à ses distributeurs la revente des produits sur internet en dehors de leurs propres sites internet, sans toutefois apporter de raison objective justifiant une telle interdiction…

Ce qu’il faut retenir : Dans le cadre d’un réseau de distribution sélective, la tête de réseau interdit à ses distributeurs la revente des produits sur internet en dehors de leurs propres sites internet, sans toutefois apporter de raison objective justifiant une telle interdiction ; dès lors, elle ne peut se plaindre d’un trouble manifestement illicite par suite de la commercialisation de ses produits via une plate-forme internet.

Pour approfondir : La société C. assure la fabrication et la distribution de produits cosmétiques au travers d’un réseau de distribution sélective constitué de pharmacies et de parapharmacies, lesquelles commercialisent les produits de la société C., soit dans un point de vente, soit par internet (selon le canal de commercialisation, le distributeur conclu un contrat de distribution sélective différent). 

La société E., tierce au réseau, propose aux pharmaciens une plate-forme internet sur laquelle ils peuvent commercialiser leurs produits.

Considérant qu’une telle plate-forme affecte son réseau de distribution sélective et constitue une violation des dispositions de l’article L.442-6, I, 6° du Code de commerce, la société C. a assigné en référé, sur le fondement de l’article 873 alinéa 1er du Code de procédure civile, la société E. en vue notamment qu’il soit enjoint à cette dernière de cesser toute commercialisation des produits de la société C. sur la plate-forme qu’elle propose sur internet. Le juge des référés a fait droit à la demande de la société C. et la société E. a interjeté appel.

S’agissant de la commercialisation des produits de la société C., les juges du fond commencent par rappeler la distinction entre les distributeurs commercialisant lesdits produits via internet, et ceux les commercialisant via des points de vente physiques, en soulignant que, l’agrément donné pour un canal de distribution ne vaut pas automatiquement pour l’autre.

Il ressort également des contrats signés par les distributeurs que ces derniers ne peuvent commercialiser les produits en ligne que sur leurs propres sites : la société C. interdit de ce fait par principe aux distributeurs de commercialiser les produits via des plates-formes de vente en ligne, telle que celle proposée par la société E.

Les juges du fond considèrent que l’interdiction de principe faite aux distributeurs des produits de la société C., de recourir à une plate-forme de vente en ligne, quelles qu’en soient les caractéristiques, est susceptible de constituer, sauf justification objective, une restriction de concurrence exclue du bénéfice de l’exemption communautaire individuelle visée à l’article L.442-6, I, 6° du Code de commerce. De ce fait, la société C. ne peut se prévaloir d’un trouble manifestement illicite. Il est à préciser que les juges du fond soulignent à l’appui de leur décision que la société C. n’établit pas de justification objective qui pourrait rendre licite l’interdiction pesant sur les  distributeurs de ne pas commercialiser les produits sur internet en dehors de leurs propres sites internet et donc, par là-même, qui pourrait établir le trouble manifestement illicite subi par la société C. du fait de la violation de cette interdiction par les distributeurs.

La Cour se réfère à deux décisions de l’Autorité de la concurrence du 3 juillet 2014 et du 24 juin 2015 (affaire Samsung), à un communiqué de presse de cette autorité (affaire Adidas), à une décision de l’autorité de la concurrence allemande, et à la consultation d’un professeur de droit et considèrent qu’ils constituent un faisceau d’indices concordants tendant à établir, avec l’évidence requise en référé, que l’interdiction de principe du recours pour les distributeurs des produits en cause à une plate-forme en ligne est susceptible de constituer, sauf justification objective, une restriction de concurrence caractérisée exclue du bénéfice de l’exemption communautaire individuelle visée à l’article L442-6 I 6° qui fonde les demandes litigieuses.

En conséquence, la société C. a été déboutée de sa demande fondée sur la prétendue violation de son réseau de distribution sélective. Il résulte toutefois de ce qui précède que, si la société C. avait pu apporter les explications et justifications nécessaires, l’interdiction de principe imposée aux distributeurs aurait pu être justifiée. Il conviendra de suivre la suite de cette affaire, la société E. ayant saisi l’ADLC d’une plainte à ce sujet.

A rapprocher : ADLC, 12 déc. 2012, déc. 12-D-23

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