La résiliation du contrat de franchise à l’initiative du franchisé

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SIMON François-Luc

Avocat Associé-Gérant - Docteur en droit

Etude d'ensemble

Lorsque le contrat de franchise ne prévoit pas de conditions particulières à la résiliation du contrat à l’initiative du franchisé, c’est alors le droit commun qui s’applique, de sorte que la rupture unilatérale du contrat par le franchisé n’est admise que de manière exceptionnelle.

La résiliation du contrat de franchise à l’initiative du franchisé


Lorsque le contrat de franchise ne prévoit pas de conditions particulières à la résiliation du contrat à l’initiative du franchisé, c’est alors le droit commun qui s’applique.

Aussi, pour mettre fin de manière anticipée au contrat, le franchisé doit se conformer à l’article 1184 du Code civil, selon lequel : « La condition résolutoire est toujours sous entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l’une des deux parties ne satisfera point à son engagement. Dans ce cas, le contrat n’est point résolu de plein droit (…). La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances ».

Compte tenu des termes de l’article 1184 du Code civil, la rupture unilatérale du contrat aux risques et périls du contractant n’est-elle admise en jurisprudence que de manière exceptionnelle. Une jurisprudence traditionnelle sanctionne en effet régulièrement le contractant qui a unilatéralement résilié le contrat en ne justifiant que de « simples inexécutions contractuelles », (Cass. civ. 1ère, 20 février 2001, Bull. civ. I, n°40, D.2001 p.1587 : « Attendu que pour rejeter la demande de M. F… en indemnisation des conséquences de la rupture unilatérale du contrat par la société, l’arrêt retient par motifs propres et adoptés que le manquement par M. F… à ses obligations contractuelles pouvait entraîner la rupture prématurée des relations contractuelles ; Attendu qu’en statuant ainsi sans rechercher si le comportement de M. F… revêtait une gravité suffisante pour justifier cette rupture, la Cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision »).

De telles inexécutions contractuelles sont toujours insuffisantes pour justifier la résiliation unilatérale du contrat, ainsi qu’il ressort de deux arrêts de principe récents (Cass. civ. 1ère, 20 févr. 2001 : Bull. I n° 40, D. 2001 p. 1568 note C. Jamin ; Cass. civ. 1ère, 28 octobre 2003 : Bull. I n° 211, Defrénois 2004,  jurisp., article 37894, p. 378-381, note R. Libchaber). Cette solution est parfaitement logique car, à défaut, le lien contractuel perdrait toute efficacité et l’exception de l’article 1184 précité deviendrait la règle.

C’est pourquoi jurisprudence et doctrine considèrent que l’admission de la résiliation unilatérale doit être subordonnée à la preuve d’une faute particulièrement grave, et non seulement de simples inexécutions contractuelles.

En effet, selon la jurisprudence, la résiliation unilatérale du contrat ne pourrait-elle éventuellement se justifier qu’en présence de véritables « violations graves et renouvelées » du contrat (Cass. civ. 1ère, 13 oct. 1998 : Bull. I n° 300, D. 1999, p. 197, note C. Jamin ; JCP 1999, II, 10133, p. 1413 : approuvant une cour d’appel d’avoir validé la résiliation unilatérale (CA Rouen, 11 septembre 1996) dès lors que les juges du fond avaient relevé que le contractant fautif avait commis des « violations graves et renouvelées » du contrat).

De même, la doctrine n’admet-elle la résiliation unilatérale du contrat :

  • qu’à la condition que le contractant fautif ait commis un manquement compromettant radicalement la réalisation même du projet constituant le « champ contractuel » (L. Aynès, Le droit de rompre unilatéralement le contrat : principes, limites, Revue des Contrats, 1er avril 2004, n°2, p.273) ;
  • ou lorsque la poursuite du contrat cause un péril imminent pour le contractant créancier de l’obligation inexécuté ; Ainsi, « les juges (…) assortissent fréquemment leur motivation d’une considération autre [que celle de la faute grave], qui tient aux conséquences de la faute reprochée. Tant que la résolution n’est pas prononcée, en effet, le lien contractuel perdure. Or la faute commise par une partie peut entraîner un préjudice qui mette en péril les intérêts de son cocontractant. L’urgence impose alors de mettre fin au contrat au plus tôt sans attendre l’issue d’un procès. La faute commise peut encore, en raison des relations de confiance sur lesquelles reposait la convention, avoir irrémédiablement compromis la poursuite des relations contractuelles » (N. Rzepecki, commentaire de l’arrêt : Cass. civ. 1ère, 13 oct. 1998, JCP 1999, II, 10133, p. 1413. L’auteur fait ici référence aux arrêts et jugements antérieurs à la décision du 13 octobre 1998, et donc antérieur au critère de la gravité du comportement dégagé par cette décision).

Les hypothèses justifiant la rupture unilatérale du contrat sont donc très strictes.

Les hypothèses justifiant la rupture unilatérale du contrat non précédée d’une mise en demeure préalable (adressée au contractant prétendument défaillant) sont encore plus exceptionnelles.

Par un arrêt de principe en effet, la Cour de cassation a clairement posé depuis 1998 que la résiliation unilatérale par une partie du fait du comportement grave de son cocontractant n’est pas nécessairement exclusive d’un délai de préavis (Cass. civ. 1ère, 13 oct. 1998, Bull. civ. I n°300, D. 1999, p.197 ; JCP 1999, p.1413). La jurisprudence exige en effet que l’auteur d’une telle résiliation rapporte la preuve que le comportement de son cocontractant rend impossible le maintien du lien contractuel (Cass. com. 15 octobre 2002, Contrats Conc., Consom., 2003, n°19). Cette solution est parfaitement logique car c’est précisément par ce que ce maintien du contrat devient impossible que l’on peut comprendre que l’envoi d’une mise en demeure préalable devienne inutile. La justification de l’absence de préavis se trouve dans l’impossibilité de continuation de la relation contractuelle due aux conséquences négatives voire préjudiciables que le préavis pourrait avoir sur celui qui prend l’initiative de la rupture aussi court soit-il : un arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence a admis qu’une clause de résiliation prévoyant un délai de préavis de six mois soit écartée au profit de la résiliation sans préavis admise au nom de la condition résolutoire toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques pour le cas où l’une des deux parties ne satisfait pas à son engagement visée à l’article 1184 alinéa 1 du Code civil. D’après les termes employés par l’arrêt, l’absence de préavis est justifié plus par la situation dans laquelle se serait trouvée le débiteur s’il avait respecté le délai de préavis prévu au contrat, et donc par l’urgence, plutôt que par la gravité de la faute (Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 24 juin 2004 : « Attendu que la faculté de résiliation unilatérale reconnue à M. P… au contrat, lui imposant un préavis de six mois, n’est pas applicable à la condition de l’espèce relevant de la condition résolutoire toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l’une des parties ne satisfait pas à ses engagements visée à l’article 1184 alinéa 1 du Code Civil. Attendu que l’appelant, compte tenu de ses doléances déjà formulées le 5 juin 1999 et la situation où il se trouvait en début de stage au début du mois de juillet justifiait qu’il rompe le contrat sans attendre la vérification des promesses formulées par l’intimée dans son courrier du 16 juin 1999 »).

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