Précisions sur les obligations de la tête de réseau française en cas de crise de la marque

CA Paris, 16 décembre 2015, RG n°13/14048

La filiale française d’un groupe international n’engage pas sa responsabilité auprès de ses distributeurs lorsque, en période délicate, son comportement est conforme aux solutions espérées.

Ce qu’il faut retenir : La filiale française d’un groupe international n’engage pas sa responsabilité auprès de ses distributeurs lorsque, en période délicate, son comportement est conforme aux solutions espérées.

Pour approfondir : La société française, filiale d’un groupe international, contractuellement liée à des distributeurs, se trouve dans une situation délicate lorsque la marque objet de la distribution traverse une crise et que les solutions adoptées par le groupe, au niveau international, impactent ses distributeurs.

La Cour d’appel de Paris, au sein de la décision commentée, a tenu compte de cette situation afin de préciser les obligations pesant sur la filiale française dans ce type de situation.

Les faits ayant donné lieu à cette décision étaient schématiquement les suivants. La société mère d’un groupe international de distribution automobile avait contrôlé pendant 8 ans une société fabriquant des automobiles sous sa marque. La filiale française du groupe international, importateur en France des produits de ladite marque, était liée à plusieurs distributeurs sélectifs habilités à distribuer ces produits. Au milieu de l’année 2008, le groupe international avait connu de grandes difficultés de trésorerie qui l’avaient conduit à céder la branche d’activité relative aux produits précités.

Les distributeurs de la filiale française recherchaient la responsabilité de cette dernière sur plusieurs points.

En premier lieu, les distributeurs cherchaient à imputer à la filiale française les fautes de sa société mère, en se fondant sur l’absence d’indépendance de la filiale et son indissociabilité de la société mère. Sur ce point, la Cour rappelle que la filiale ne saurait répondre que des fautes qu’elle a commises et qu’elle ne saurait réparer que le préjudice causé par ses fautes. L’argumentation des distributeurs à ce titre est entièrement écartée.

En second lieu, les distributeurs reprochaient à la filiale un manque de loyauté dans la communication, soutenant qu’elle les avait entretenus dans de faux espoirs sur l’avenir de la marque. Ce grief est néanmoins également écarté, pour deux raisons essentielles :

  • les courriers mentionnés ne comprenaient aucun mensonge et seulement de l’enthousiasme et de l’espoir, jugés par la Cour indispensables dans le contexte délicat ;
  • le professionnalisme et l’expérience des distributeurs les mettaient nécessairement en mesure d’apprécier la juste valeur de ces propos.

En troisième lieu, les distributeurs reprochaient à la filiale de leur avoir fait espérer en vain, lors de l’information précontractuelle, une progression significative des ventes. Ce grief, formulé après plusieurs années d’exécution des contrats, est écarté dans la mesure où, d’une part, aucun engagement n’avait été pris par la tête de réseau (seuls des « objectifs » voire des « rêves » avaient été mentionnés) et où, d’autre part, la filiale française, importateur, ne pouvait garantir de niveaux de vente, dans la mesure où elle ne maitrisait pas la sortie de nouveaux modèles.

En quatrième lieu et enfin, les distributeurs reprochaient à la filiale française de ne pas leur avoir proposé, compte tenu des circonstances, de quitter le réseau avec un préavis de deux ans. A ce titre, la Cour, rappelant à nouveau le statut de commerçants indépendants et responsables des distributeurs, relève que la filiale française n’avait pas à leur proposer une telle solution alors que des moyens de pérenniser la marque étaient précisément recherchés et susceptibles d’être trouvés à l’époque. La Cour ajoute que la filiale française, une fois la cession de la branche d’activité décidée par sa société mère, n’avait pu que proposer à ses distributeurs la cession des contrats au cessionnaire de la branche d’activité, cession que les distributeurs ont refusé. Ce dernier grief est donc également écarté.

A rapprocher : CA Paris, 4 septembre 2013, RG n°11/14609

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