Réticence dolosive du franchiseur et indemnisation des pertes réalisées – Cass. com., 14 janvier 2014, pourvoi n°12-28.209

Le franchiseur peut être condamné à payer des indemnités au franchisé au titre des pertes réalisées par celui-ci en exécution du contrat de franchise conclu en raison d’une réticence dolosive du franchiseur, dès lors que les pertes correspondent aux dépenses effectuées pour les travaux et investissements rendus nécessaires pour l’exploitation des fonds en exécution des contrats.

Ce qu’il faut retenir : Le franchiseur peut être condamné à payer des indemnités au franchisé au titre des pertes réalisées par celui-ci en exécution du contrat de franchise conclu en raison d’une réticence dolosive du franchiseur, dès lors que les pertes correspondent aux dépenses effectuées pour les travaux et investissements rendus nécessaires pour l’exploitation des fonds en exécution des contrats.

Pour approfondir : Par cet arrêt, la Cour de cassation confirme, pour l’essentiel, un important arrêt d’appel rendu en matière d’information précontractuelle. Par cet arrêt du 30 octobre 2012, la Cour d’appel de Douai avait sévèrement condamné une tête de réseau à verser à d’ex-affiliés des indemnités conséquentes pour informations précontractuelles « sciemment tues ou erronées ».

Une société a conclu deux contrats de franchises avec un franchiseur en 2006 et 2007. Ayant constaté que l’exploitation n’était pas rentable, la société franchisée et ses gérants ont assigné le franchiseur en annulation des deux contrats sur le fondement du dol et en indemnisation de leurs dommages respectifs.

La société franchisée a été mise en liquidation judiciaire le 11 juillet 2012, le liquidateur intervenant à l’instance.

En appel, le franchiseur est condamné à payer au franchisé la somme de 1.469.149 € au titre des pertes enregistrées par celui-ci. Ce montant résultait de l’annulation du contrat pour vice du consentement, prononcée en raison d’informations précontractuelles « sciemment tues ou erronées » par l’enseigne. Notamment : l’absence d’état du marché local, des « prévisions optimistes contraires à la réalité du réseau » et l’occultation de la réelle santé financière de l’affiliant.

Le franchiseur forme alors un pourvoi. Il fait grief à la Cour d’appel de l’avoir condamné à payer ces indemnités alors que la condamnation à la réparation d’un préjudice suppose l’existence d’un lien de causalité direct et certain entre la faute invoqué et le préjudice allégué.

A cet égard, le franchiseur estime que lorsqu’est invoquée une faute précontractuelle ayant conduit à la conclusion d’un contrat, la victime prétendue du dol ne peut obtenir réparation des pertes financières résultant des difficultés d’exécution du contrat que s’il est établi que le contrat conclu ne pouvait être exécuté sans occasionner ces pertes.

La Cour de cassation estime que la seule constatation de la Cour d’appel que les pertes réalisées étaient liées à l’exécution des contrats de franchise conclus en raison d’une réticence dolosive du franchiseur ne suffit pas en principe à condamner le franchiseur à indemniser le franchisé à hauteur de l’ensemble des pertes qu’il aurait subi en exécutant ledit contrat. En effet, en se prononçant ainsi, la Cour d’appel n’a pas recherché si les pertes ne résultaient pas des choix de gestion opérés par la société franchisée et non de la teneur des contrats conclus.

Selon la Cour de cassation en effet, la Cour d’appel s’est arrêtée à l’existence d’un lien entre la réticence dolosive alléguée et la conclusion du contrat, sans établir de lien entre le contrat conclu et les pertes invoquées : « qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée par l’exposante, si les pertes ne résultaient pas des choix de gestion opérés par la société F… et non de la teneur des contrats conclus, la cour d’appel, qui s’est arrêtée à l’existence d’un lien entre la réticence dolosive alléguée et la conclusion du contrat, sans établir de lien entre le contrat conclu et les pertes invoquées, n’a pas caractérisé de lien direct et certain entre la faute invoquée et le préjudice allégué et a, partant, privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382 du code civil ».

Néanmoins, la Haute juridiction rejette finalement le pourvoi formé contre la décision de la Cour d’appel aux motifs que le préjudice subi par les affiliés au titre des pertes réalisées correspond aux dépenses effectuées pour les travaux et investissements rendus nécessaires pour l’exploitation des fonds en exécution des contrats, ces dépenses trouvant leur cause, fût-ce pour partie dans la signature des contrats de franchise annulés. La Haute juridiction en déduit le que la Cour d’appel a fait ressortir l’existence d’un lien de causalité entre la faute et le préjudice subi, justifiant ainsi sa décision : « Mais attendu que l’arrêt retient que le préjudice subi au titre des pertes réalisées correspond aux dépenses effectuées pour les travaux et investissements rendus nécessaires pour l’exploitation des fonds en exécution des contrats, ces dépenses trouvant leur cause, fût-ce pour partie dans la signature des contrats de franchise annulés ; qu’ayant ainsi fait ressortir l’existence d’un lien de causalité entre la faute et le préjudice subi, la cour d’appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n’est pas fondé ».

A rapprocher : CA Douai, 30 octobre 2012, RG n°10/04080

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