Le fabuleux destin de la clause pénale

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SIMON François-Luc

Avocat Associé-Gérant - Docteur en droit

CA Toulouse, 14 Octobre 2015 – RG n° 13/00325, et projet de réforme

On le sait, la clause pénale (D. Mazeaud, La notion de clause pénale, LGDJ, 1992, coll. Bibl. de droit privé, t. 223), régie par les articles 1152 et 1226 et suivants du code civil, fascine par sa simplicité et son apparente efficacité : par la stipulation d’une clause pénale, les parties peuvent évaluer par avance les dommages et intérêts dus par le débiteur en cas de retard ou d’inexécution par l’une des parties.

Ce qu’il faut retenir : Conformément à l’article 1152 du Code civil, le juge peut augmenter le montant de la clause pénale insérée dans un contrat de franchise.

Pour approfondir : On le sait, la clause pénale (D. Mazeaud, La notion de clause pénale, LGDJ, 1992, coll. Bibl. de droit privé, t. 223), actuellement régie par les articles 1152 et 1226 et suivants du code civil, fascine par sa simplicité et son apparente efficacité : par la stipulation d’une clause pénale, les parties peuvent évaluer par avance les dommages et intérêts dus par le débiteur en cas de retard ou d’inexécution par l’une des parties.

Ainsi, selon les cas, la clause pénale pourra prévoir soit un montant fixe et forfaitaire (v. par ex., CA Lyon, 7 Octobre 2015 – RG n° 13/09827 ; CA Lyon, 4 Décembre 2014 – RG n° 14/00912 ; CA Paris, 4 avr. 1998, Juris-Data n°022498 ; v. aussi, (Cass. civ. 1ère, 10 oct. 1995, n° 93-16.869, Bull. civ., I, n° 347, et notre commentaire), soit un montant variable, en pratique le plus souvent fonction de la durée restant à courir au moment du fait générateur jusqu’au terme du contrat (v. par ex., CA Nîmes, 7 mai 2015, RG n°14/02593 ; CA Lyon, 31 mars 2000, Juris-Data n°120706 ; CA Lyon, 11 févr. 2000, Juris-Data n°151453). Et, dans tous les cas, le juge dispose du pouvoir modérateur que lui confère l’article 1152 du code civil, qui lui permet notamment de réduire le montant ainsi prévu par le contrat lorsque celui-ci s’avère manifestement excessif (v. par ex., CA Colmar, 13 août 2013, RG n°12/04063 : réduisant le montant de la clause pénale faute de préjudice effectif ; CA Colmar, 17 juin 2013, RG n°12/03155 et CA Paris, 27 juin 2012, RG n°11/01181 : réduisant le montant de la clause pénale en raison d’objectifs irréalisables).

L’arrêt commenté (CA Toulouse, 14 Oct. 2015, RG n° 13/00325) fournit une illustration supplémentaire de ce pouvoir modérateur, mais la décision présente cette particularité de réviser le montant de la clause pénale à la hausse, ce montant étant manifestement dérisoire au sens de l’article 1152 précité. L’hypothèse est plus rare dans la pratique contentieuse ; cet arrêt méritait donc d’être souligné. En l’espèce, la clause pénale examinée prévoyait un montant égal à « la moyenne des 12 dernières redevances mensuelles payées par le franchisé multiplié par le nombre d’années restant à courir jusqu’au terme normal du contrat ». La Cour d’appel de Toulouse retient : « l’application de la clause ainsi stipulée, alors qu’il restait trois ans et six mois et donc trois années pleines à courir, conduit à une indemnité contractuelle d’un montant de 8.163 €. (…) Au regard du préjudice effectivement subi par le franchiseur, tel que la cour peut l’apprécier à la date où elle statue et alors que le franchisé a poursuivi l’exploitation du même fonds de commerce, sur le même site, mais sous sa propre enseigne, en s’abstenant du paiement de toute redevance, la clause pénale est manifestement dérisoire et le premier juge doit être confirmé en ce qu’il en a révisé le montant pour le porter à celui justement fixé de 50.000 € ».

De quoi évoquer enfin le fabuleux destin de la clause pénale. L’actuel projet de réforme définit la notion de clause pénale (sans la citer comme telle) et en précise le régime, par un article unique, l’article 1231-5, ainsi rédigé : « Lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l’exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte, ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Lorsque l’engagement a été exécuté en partie, la sanction convenue peut, même d’office, être diminuée par le juge à proportion de l’intérêt que l’exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l’application de l’alinéa précédent. Toute stipulation contraire aux deux alinéas précédents est réputée non écrite. Sauf clause contraire, la peine n’est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure ».

A rapprocher : CA Nîmes, 7 mai 2015, RG n°14/02593

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