Résiliation du contrat de franchise

TOUSSAINT-DAVID Gaëlle

Avocat

Conditions de fond et de forme

Conformément au droit commun, la validité de la résiliation d’un contrat de franchise est subordonnée au respect de conditions de fond et de forme, à défaut desquelles la responsabilité de son auteur est engagée.

Conformément au droit commun, la validité de la résiliation d’un contrat de franchise est subordonnée au respect de conditions de fond (1.) et de forme (2.), à défaut desquelles la responsabilité de son auteur est engagée.

1. Conditions de fond nécessaires à la résiliation des contrats : Le contrat de franchise est le plus souvent conclu à durée déterminée. Or, un contrat à durée déterminée ne peut s’achever qu’à l’expiration de son terme. Toute rupture anticipée par l’un des cocontractants constitue une faute, en violation de l’article 1134 du Code civil qui dispose : « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi ».

Il est en outre de jurisprudence constante que la résiliation avant terme d’un contrat de franchise à durée déterminée constitue à elle seule une faute engageant la responsabilité du franchisé à l’égard du franchiseur (Cass. com. 17 novembre 1998, bull. 1998 IV n°271 p.226 ; CA Paris, 7 juin 2006, Jurisdata n°2006-312420 ; CA Montpellier, 21 septembre 2004, Jurisdata n°2004-255385 ; CA Nîmes, 6 octobre 2005, arrêt n°473, RG n°04/00563). La faculté de résiliation unilatérale en cas de manquement grave de l’autre contractant a parfois été admise de longue date (Civ. 26 févr. 1898, S. 1897, 1, 187) avant d’être reprise par une jurisprudence récente de la Cour de cassation (Cass. civ. 1ère, 13 oct. 1998, Bull. I n° 300).

Néanmoins, la faculté de résiliation unilatérale reste une exception au régime de principe de la résiliation qui, en dehors de l’hypothèse d’une faculté de résiliation d’origine conventionnelle, est celui de la résiliation judiciaire.

Ce socle juridique, auquel la jurisprudence récente de la Cour de cassation n’entend pas mettre fin, ressort en effet de l’article 1184 du Code civil, selon lequel : « pour le cas où l’une des deux parties ne satisfera point à son engagement (…), le contrat n’est point résolu de plein droit (…) : la résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances ».

Or, la résiliation ne peut être accordée en justice que si, et seulement si, le juge constate que le manque est d’une gravité telle qu’elle implique l’anéantissement du contrat, ou si l’allocation de dommages-intérêts n’est pas suffisante pour assurer la réparation de l’inexécution ou de la mauvaise exécution du contrat par l’autre partie (Civ. 14 avr. 1891, DP 1891, 1, 329, note Planiol ; Civ. 1°, 15 juill. 1999, pourvoi n°97-16001). Il en va ainsi de la violation de l’obligation de paiement incombant au franchisé, qui constitue une obligation essentielle du contrat de franchise (CA Toulouse, 11 déc. 2007, RG n°06/02396, inédit ; CA Rennes, 25 sept. 2007, Juris-Data n°367062 ; CA Paris, 25 janv. 2007, Juris-Data n°338239 ; CA Poitiers, 22 mars 2005, Juris-Data n°273930 ; CA Montpellier, 21 janv. 2003, Juris-Data n°257318 ; Cass. com., 5 déc. 2000, pourvoi n°98-16.524, inédit ; CA Lyon, 11 févr. 2000, Juris-Data n°151453 ; CA Paris, 21 mai 1999, Juris-Data n°024685 ; CA Paris, 14 avr. 1999, Juris-Data n°118661 ; CA Paris, 11 déc. 1998, Juris-Data n°024235 ; CA Versailles, 4 juill. 1996, Juris-Data n°043384 ; CA Nîmes, 27 juin 1996, Juris-Data n°030264 ; Cass. com., 17 oct. 1995, pourvoi n°92.13.098, inédit ; CA Lyon, 16 déc. 1994, Juris-Data n°048772 ; CA Bordeaux, 14 nov. 1994, Juris-Data n°049779 ; CA Paris, 12 sept. 1994, Juris-Data n°023157 ; CA Paris, 21 oct. 1993, Juris-Data n°024037 ; CA Paris, 8 juill. 1993, Juris-Data n°022475 ; CA Poitiers, 16 juin 1993, Juris-Data n°048649 ; CA Versailles, 27 mai 1993, Juris-Data n°045068 ; CA Rouen, 6 mai 1993, Juris-Data n°042781 ; CA Paris, 14 déc. 1992, Juris-Data n°024262 ; CA Paris, 22 oct. 1992, Juris-Data n°023058 ; CA Montpellier, 4 juin 1992, Juris-Data n°034292 ; CA Paris, 4 mars 1991 (deux arrêts), Juris-Data n°020964 et 020830 – Cass. com., 18 déc. 1990, Juris-Data n°003680 ; CA Toulouse, 4 juill. 1990, Juris-Data n°043605 ; CA Paris, 25 janv. 1990, Juris-Data n°020165 ; CA Paris, 7 déc. 1989, Juris-Data n°025997 ; CA Paris, 26 avr. 1989, Juris-Data n°021444 ; CA Pau, 21 févr. 1989, Juris-Data n°040495 ; CA Paris, 13 déc. 1988, Juris-Data n°026467 ; CA Paris, 11 mars 1988, Juris-Data n°020795 ; CA Paris, 4 mars 1988, Juris-Data n°020797 ; CA Reims, 18 janv. 1988, Juris-Data n°042486 ; CA Paris, 10 nov. 1987, Juris-Data n°027263).

En conséquence, pour qu’un contractant puisse mettre régulièrement fin au contrat, par sa seule volonté, il faut :

  • d’une part, qu’il existe des manquements de l’autre partie contractante qui soient parfaitement caractérisés,
  • d’autre part, que ces manquements présentent une gravité telle qu’elle rende totalement impossible la poursuite du contrat.

C’est à cette double condition (de fond) que le cocontractant peut unilatéralement résilier le contrat.

2. Conditions de forme nécessaires à la résiliation des contrats : Les hypothèses pouvant justifier la rupture unilatérale du contrat qui, comme souvent, n’est pas précédée d’une mise en demeure préalable, sont encore plus exceptionnelles.

En effet, la condition de gravité de la faute exigée en cas de résiliation unilatérale est encore plus stricte lorsqu’il s’agit d’apprécier la régularité d’une décision de résiliation unilatérale prise sans que son auteur n’ait mis l’autre contractant en demeure de respecter les obligations prétendument inexécutées. C’est pourquoi, la jurisprudence sanctionne régulièrement le contractant qui a unilatéralement résilié le contrat en ne justifiant que de « simples inexécutions contractuelles » (Cass. civ. 1ère, 20 février 2001, Bull.civ. I n°40, D.2001 p.1587), lesquelles sont toujours insuffisantes pour justifier la résiliation unilatérale du contrat, ainsi qu’il ressort de deux arrêts de principe récents (Cass. civ. 1ère, 20 févr. 2001 : Bull. I n° 40 ; Cass. civ. 1ère, 28 oct. 2003 : Bull. I n°211). Ainsi, la jurisprudence sanctionne la résiliation fautive du contrat à durée déterminée en raison de l’absence de toute mise en demeure préalable adressée au cocontractant (CA Paris, 2 juillet 2008, Jurisdata n°367733).

En particulier, deux arrêts peuvent être cités. Un arrêt de la Cour d’appel de Paris en date du 12 décembre 2007 a sanctionné une résiliation fautive en ces termes : « Considérant que si la société FME soutient que sa cocontractante n’aurait pas respecté « ses objectifs financiers » et que « l’inexécution de ses obligations justifie la rupture sans préavis des relations commerciales les liant » et si les courriers échangés entre les intéressés témoignaient effectivement du mécontentement de la part de l’intimée vis-à-vis des performances commerciales de son partenaire, les pièces et documents produits n’établissent, cependant, pas l’existence de manquements imputables à l’appelante d’une telle gravité qu’ils puissent être de nature à justifier une rupture unilatérale et immédiate des relations alors, surtout, qu’aucune mise en demeure expresse n’avait jamais été préalablement adressée à la société THE SPRING (…) » (CA Paris, 12 décembre 2007, Jurisdata n°354707). Un arrêt de la Cour d’appel de Metz a rejeté la demande de résiliation d’une partie aux torts de son cocontractant. En effet, le comité d’établissement d’un hypermarché avait cru pouvoir résilier, sans mise en demeure préalable le contrat qu’il avait conclu avec la société SO.DI.SAND. au motif que celle-ci n’avait pas réglé un paiement. Il a également assigné SO.DI.SAND. afin de voir prononcer la résiliation du contrat à ses torts. La cour d’appel retient notamment que « la société SO.DI.SAND. n’a reçu aucune mise en demeure préalable et a été assignée dès le 25 novembre 2002 devant le Tribunal de grande instance de Metz (…) » pour rejeter la demande du comité d’établissement, refusant ainsi de déclarer le contrat résilié aux torts de SO.DI.SAND. (appelante), et déclare abusive la résiliation du contrat par l’intimée : « Qu’il en résulte que si la Sarl SO.DI.SAND. a effectivement manqué à ses obligations en ne réglant pas la participation due au comité d’entreprise à la fin du mois d’octobre 2002, ce manquement n’est pas suffisamment important, compte tenu des circonstances rappelées précédemment dans lequel il est intervenu, pour justifier la résiliation du contrat. Que la demande sera donc rejetée » (CA Metz, 21 juin 2007, Jurisdata n°342465).

Le plus souvent, le contrat organise lui-même les conditions de forme que tel ou tel contractant devra observer pour le résilier valablement.

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