Nullité du contrat de franchise : causes incertaines et conséquences pérennes – CA Colmar, 30 septembre 2015, RG n°14/02315

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ZANETTE Alissia

Avocat

Si le caractère largement ancien des informations de l’état général de marché peut entraîner l’annulation du contrat, l’absence d’établissement pilote paraît être un critère moins certain…

Ce qu’il faut retenir : Si le caractère largement ancien des informations de l’état général de marché peut entraîner l’annulation du contrat, l’absence d’établissement pilote paraît être un critère moins certain. Cependant, l’arrêt a le mérite d’être très rigoureux sur les conséquences de la nullité : pas d’indemnisation au-delà de la simple remise en l’état antérieur à la conclusion du contrat.

Pour approfondir : Plusieurs franchisés, membres d’un réseau portant sur la mise à disposition chez les très petites entreprises d’un logiciel de gestion, ont assigné leur franchiseur aux fins d’obtenir, à titre principal, l’annulation de leur contrat de franchise et, à défaut, leur résiliation.

L’intérêt de l’arrêt porte, d’une part, sur les causes retenues par la Cour pour prononcer l’annulation des contrats de franchise et, d’autre part, les conséquences circonscrites de cette annulation.

En premier lieu, s’agissant des causes de la nullité des contrats de franchise pour dol, la Cour d’appel de Colmar retient que :

  • les informations intégrées dans l’état général du marché sont trop générales (la proportion des entreprises disposant d’un outil informatique n’est pas renseignée alors que l’objet de la franchise est la distribution d’un logiciel informatique) et surtout obsolètes (les chiffres indiqués remontant à 2003/2004 alors que les contrats ont été conclus en 2009/2010 et le DIP avouant lui-même qu’il a été impossible de fournir des éléments plus récents) ;
     
  • aucune information n’est fournie relativement à l’état local de marché. Sur ce point, en relative contradiction avec d’autres décisions jurisprudentielles, la Cour refuse de retenir l’argument du franchiseur qui exposait que les candidats à la franchise auraient dû se livrer eux-mêmes à une étude du marché local puisque, selon la Cour, cette étude nécessiterait les données de l’état local du franchiseur pour être réalisée ;
     
  • le DIP ne fait pas mention de la proportion entre les partenaires présents et les partenaires sortants et se contente de détourner l’attention du candidat en relatant la progression du nombre de secteurs qui peut laisser croire à un développement important alors qu’en cinq ans, seuls sept nouveaux franchisés ont rejoint le réseau ;
     
  • enfin, et c’est là que l’incertitude demeure, les franchisés ont bénéficié d’une information précontractuelle trompeuse du fait de la vente d’un savoir-faire, d’abord, qui n’a pas été préalablement expérimenté dans un établissement pilote et, ensuite, dont la viabilité est contrariée par l’important renouvellement de ses membres en cinq ans (le réseau s’étant renouvelé deux fois et aucun franchisé n’ayant signé un second contrat).

En second lieu, s’agissant des conséquences de la nullité prononcée des contrats de franchise litigieux, la Cour rappelle aux franchisés égarés qu’ils « ne sauraient obtenir valablement une indemnisation allant au-delà de la seule stricte remise en état des parties dans l’état antérieur où elles se trouvaient avant la souscription des contrats ». Par conséquent, les différents postes d’indemnisation présentés par les franchisés sont tour à tour examinés par la Cour qui les accepte ou les écarte selon ce principe élémentaire. Est ainsi accordée, l’indemnisation correspondant : au droit d’entrée, aux redevances de formation et d’assistance, aux redevances de communication, aux frais de matériel publicitaire logoté à l’enseigne du réseau (flyers et cartes de visite notamment). En revanche, sont exclus des condamnations à indemnisation : les frais engagés pour développer l’activité (tout commerçant indépendant engageant des frais pour développer son activité), les rémunérations attendues et non-obtenues par les gérants des sociétés franchisées, le passif déclaré par les sociétés franchisées, l’apport en capital au sein des sociétés franchisées, le manque à gagner.

A rapprocher : Cass. com., 17 mars 2015, pourvois n°13-24.853 et n°14-10.365

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