Aspects pratiques et juridiques du droit d’information préalable des salariés issu de la loi ESS et du décret du 28 octobre 2014

Attention : la loi ESS a été déclarée pour partie contraire à la constitution (cliquez ICI pour un commentaire de la décision rendue le 17 juillet 2015 par le Conseil constitutionnel).

Le décret n° 2014-1254 du 28 octobre 2014, dont la parution semblait devenir hypothétique, a eu pour première conséquence de rendre applicable le droit d’information préalable des salariés issu de la loi Économie sociale et solidaire du 31 juillet 2014 aux opérations conclues à compter du 1er novembre 2014 de cession de fonds de commerce ou de parts sociales, actions ou valeurs mobilières donnant accès à la majorité du capital social.

Les dispositions de la loi Économie sociale et solidaire (dite « loi ESS ») n°2014-856 du 31 juillet 2014 relatives au droit d’information préalable des salariés en cas de cession du fonds de commerce ou de la majorité des parts sociales, actions ou valeurs mobilières de « leur entreprise » s’appliquent aux cessions intervenues depuis le 1er novembre 2014 du fait de la parution du décret d’application n° 2014-1254 du 28 octobre 2014.

Pour rappel, la loi ESS (v. pour un commentaire de la loi dans son ensemble) instaure dans les entreprises de moins de 250 salariés ayant ou non obligation d’instaurer un comité d’entreprise et remplissant les critères des petites et moyennes entreprises (PME) au sens de l’article 51 de la loi n° 2008-1354 du 18 décembre 2008 (chiffre d’affaires annuel n’excédant pas 50 millions d’euros ou total de bilan n’excédant pas 43 millions d’euros), un droit d’information destiné à permettre aux salariés de formuler une offre de rachat en cas de cession de fonds de commerce (L. n° 2014-856, art. 19 ; C. com., art. L. 141-23 nouveau) ou de titres « représentant plus de 50 % des parts sociales d’une société à responsabilité limitée ou d’actions ou valeurs mobilières donnant accès à la majorité du capital d’une société par actions » (L. n° 2014-856, art. 20 ; C. com., art. L. 23-10-1 nouveau).

Le propriétaire qui envisage une telle cession a désormais l’obligation d’informer l’ensemble des salariés de son projet de cession soit au plus tard deux mois avant la réalisation de la cession (dans les entreprises de moins de 50 salariés), soit au plus tard concomitamment à l’information du comité d’entreprise (dans les entreprises de 50 salariés et plus) afin de leur permettre de formuler une offre.

La sanction du non-respect de ce droit est lourde de conséquences puisque la cession intervenue en méconnaissance du mécanisme nouveau encourt la nullité, laquelle peut être sollicitée par tout salarié dans un délai de deux mois après la cession.

Ce droit d’information a pour prolongement le mécanisme amendé et promu par la loi ESS permettant la réunion de la collectivité des salariés sous forme de société coopérative (SCOP) afin de créer la structure qui pourra procéder au rachat des droits sociaux ou du fonds de commerce.

Il est ainsi temps de faire un point global de ce dispositif : l’entrée en vigueur de la loi et désormais du décret du 28 octobre 2014 pris pour son application (I) pose des questions d’ordre pratique auxquelles le praticien va devoir se confronter (II).

 

I. – L’information transmise par le propriétaire : des modalités pratiques simples mais dont la chronologie doit être maîtrisée

A. – Forme de l’information telle qu’issue du décret du 28 octobre 2014

La loi ESS renvoyait les précisions sur les moyens admis de transmission de l’information des salariés aux dispositions réglementaires.

Le décret n° 2014-1254 du 28 octobre 2014 n’a toutefois qu’un apport limité puisqu’il rappelle le principe déjà énoncé par la loi, à savoir que l’information peut intervenir « par tout autre moyen de nature à rendre certaine la date de réception ». Le décret comporte néanmoins une liste non-exhaustive d’exemple de ces moyens :

  • « Au cours d’une réunion d’information des salariés à l’issue de laquelle ces derniers signent le registre de présence à cette réunion ;
  • Par un affichage. La date de réception de l’information est celle apposée par le salarié sur un registre accompagnée de sa signature attestant qu’il a pris connaissance de cet affichage ;
  • Par courrier électronique, à la condition que la date de réception puisse être certifiée ;
  • Par remise en main propre, contre émargement ou récépissé, d’un document écrit mentionnant les informations requises ;
  • Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. La date de réception est celle qui est apposée par l’administration des postes lors de la remise de la lettre à son destinataire ;
  • Par acte extrajudiciaire ».

Il ne fait pas de doute que pèsera sur le débiteur de l’obligation d’information la preuve non seulement du contenu mais également de la date de réception par les salariés de l’information transmise. À ce titre, il est vraisemblable et logique, bien que le texte ne le précise pas, que le recours à l’un des moyens de communication précité est exigé ad probationem et non ad validatem : si le cédant parvient à prouver que les salariés ont effectivement reçu l’information et que les délais ont pu être respectés, rien ne doit permettre de faire encourir la nullité de la cession intervenue.

En pratique, il sera opportun de joindre à la lettre ou document d’information expédié ou laissé à disposition de chacun des salariés, un modèle type ou formulaire à remplir par lequel chaque salarié pourra exprimer en retour sa renonciation à formuler une offre et éviter ainsi le respect des délais issus de la loi ESS suspendant toute cession si tous les salariés ont effectivement renoncé (C. com., art. L. 23-10-1 nouveau et C. com., art. L. 141-23 nouveau).

Par ailleurs, le décret n° 2014-1254 du 28 octobre 2014 n’a pas levé une ambigüité s’agissant des salariés destinataires de l’information résultant de la loi ESS qui dispose que « lorsque le propriétaire d’un fonds de commerce veut le céder, les salariés en sont informés, et ce au plus tard deux mois avant la cession, afin de permettre à un ou plusieurs salariés de l’entreprise de présenter une offre pour l’acquisition du fonds » (L. n° 2014-1254, art. 19 ; C. com., art. L. 141-23 nouveau).

Le texte est ambigu en ce que les salariés dont le contrat de travail est attaché au fonds de commerce (et qui suivront donc le fonds au gré de ses changements de propriétaire en application de l’article L. 1224-1 du code du travail) ne semblent pas les seuls créanciers du droit d’information, le texte visant expressément les « salariés de l’entreprise ».

Il paraîtrait toutefois incohérent de considérer que l’information s’étend à tous les salariés de l’entreprise proprement dite et non aux seuls salariés attachés au fonds à céder. En effet, outre la lourdeur pratique considérable d’une telle interprétation littérale, l’objectif de la loi poursuivi étant de permettre aux salariés de conserver leur « outil de travail » en l’absence de repreneur, il faut considérer de façon pragmatique que seuls les salariés attachés au fonds de commerce à céder sont créanciers du droit d’information nouveau malgré l’ambiguïté malheureuse du texte (en ce sens également : ANSA, avis n° 14-056, nov. 2014).

B. – Un contenu réduit confirmé par le silence du décret d’application

Le décret n° 2014-1254 du 28 octobre 2014 n’a apporté aucune exigence particulière et supplémentaire à ce qu’édictait la loi ESS s’agissant du contenu de l’information. L’information se limitera donc à la simple expression de la « volonté » du cédant de procéder à une cession du fonds de commerce ou de ses actions, parts sociales ou valeurs mobilières et de la possibilité pour les salariés de présenter une offre d’achat. Le cédant et/ou l’entreprise n’a donc pas à donner quelques informations comptables ou financières, ou stratégiques ou encore sur la teneur d’une éventuelle offre d’achat émanant d’un tiers.

À noter que si les salariés avaient éventuellement accès à des informations plus précises, ces derniers sont légalement soumis à une obligation de « discrétion » semblable à ce que doivent respecter les membres d’un comité d’entreprise selon le texte. Il en sera de même pour les personnes limitativement énumérées par le texte pouvant assister les salariés dans le cadre de la formulation de leur offre (et dont l’identité et l’intervention doivent être renseignées par le salarié « dans les plus brefs délais »). Le salarié fautif s’expose à un motif de licenciement et d’indemnisation du cédant en cas de non-respect de ces obligations.

C. – Une chronologie stricte à respecter dans la mise en œuvre du droit d’information préalable

Le respect des délais visés dans la loi ESS se révèle essentiel compte tenu du risque de nullité résultant de leur non-respect.

Deux périodes en particulier doivent être isolées : la période pendant laquelle aucune cession ne pourra intervenir (sauf renonciation expresse de tous les salariés) et la période pendant laquelle la cession devra intervenir (sous peine de devoir procéder à une nouvelle information des salariés).

Ainsi, dans les entreprises de moins de 50 salariés :

– la notification au dernier salarié de l’information marquera la date de départ du délai de deux mois pendant lequel aucune cession ne peut intervenir ;

– la date d’expiration du délai de deux mois marquera la date de départ du délai de deux ans pendant lequel l’information aux salariés demeure valable et une cession pourra intervenir ; à l’issue de ce délai de deux ans, une nouvelle information aux salariés s’impose.

Dans les entreprises de plus de 50 salariés :

– la notification au dernier salarié de l’information pourra intervenir au plus tard à la date de saisine du comité d’entreprise ; 

– le délai pendant lequel aucune cession ne pourra intervenir est alors variable puisque celui-ci prendra fin lorsque le comité d’entreprise aura rendu son avis consultatif ; dès cet avis, la cession peut intervenir ;

– la date de l’avis du comité d’entreprise marquera la date de départ du délai de deux ans pendant lequel l’information aux salariés demeure valable et une cession pourra intervenir ; à l’issue de ce délai de deux ans, une nouvelle information aux salariés s’impose.

À noter que si le propriétaire n’est pas « l’exploitant du fonds » (en cas de cession de fonds de commerce) ou le « chef d’entreprise » (en cas de cession des parts sociales, actions ou valeurs mobilières) et quelle que soit la taille de l’entreprise, la chronologie reste inchangée, à charge pour « l’exploitant » ou le « chef d’entreprise » de porter sans délai la notification de l’information à la connaissance des salariés en leur précisant qu’ils peuvent formuler une offre d’achat.

Enfin, le décret du 28 octobre 2014 est venu préciser que le délai de deux mois s’appréciait « au regard de la date de cession » entendue comme la date à laquelle s’opère le « transfert de propriété » (C. com., art. D. 141-3 nouveau).

 

II. – Les questions pratiques posées par le droit d’information

A. – Les opérations exclues du champ d’application du droit d’information préalable

Outre les cessions expressément exclues du champ d’application de la loi (notamment : transmissions universelles de patrimoine s’inscrivant dans un cadre familial, cessions intervenues dans le cadre d’une succession ou liquidation d’un régime matrimonial, les opérations portant sur une société en difficulté), diverses opérations significatives non visées se révèlent en pratique également exclues, d’autres prêtant à discussion.

Pour rappel, la loi cantonne le champ d’application du droit d’information préalable aux cessions portant sur un fonds de commerce ou sur une « participation représentant plus de 50 % des parts sociales d’une société à responsabilité limitée ou d’actions ou valeurs mobilières donnant accès à la majorité du capital d’une société par actions de fonds de commerce ou de parts sociales ».

Ne seraient donc soumises au respect du droit nouveau que les « cessions ». Toutefois, dans le cadre de sa communication relative à l’entrée en vigueur du droit nouveau, l’Administration a une interprétation extensive de la notion en rappelant que la cession « est toute opération juridique par laquelle une personne, le cédant, transmet la propriété d’un bien à une autre personne, le cessionnaire », ajoutant que la cession peut donc être « notamment, une vente, une donation, une dation en paiement, une transaction, une fiducie, un échange ou un apport en société » (Droit d’information préalable des salariés en cas de cession d’entreprise – Guide pratique, oct. 2014).

Le transfert de propriété par voie d’apport partiel d’actif, scission ou fusion parait bien être exclu, le régime spécifique de ces opérations se distinguant de celui des cessions proprement dites.

Un doute existe en revanche s’agissant de « l’apport » du fonds de commerce en société et de son assimilation au sens du texte à une « cession ». Une partie de la doctrine opte pour son exclusion du champ d’application de la loi ESS au motif que les dispositions nouvelles s’insèreront dans la partie du Code de commerce relative aux cessions de fonds de commerce qui exclut de son champ les « apports » (ANSA, avis n° 14-056, nov. 2014) ; si cette position parait de bon sens au regard de la codification du texte, il ne pourra être occulté qu’en sens contraire, l’Administration a expressément assimilé les « apports en société » aux cessions visées par le texte (Droit d’information préalable des salariés en cas de cession d’entreprise – Guide pratique, préc.).

Doivent par ailleurs être exclues du champ d’application de la loi les opérations de cession de parts sociales, actions ou valeurs mobilières ne donnant pas accès au capital dans une proportion suffisante au sens de la loi ESS. Sont donc notamment exclues :

– les cessions progressives de blocs minoritaires intra-groupes, que ce soit de filiale à filiale ou entre société filiale et société mère ; 

– les cessions menées de concert par plusieurs propriétaires représentant certes collectivement une majorité du capital social mais individuellement une minorité de ce même capital social ; ce dernier point, s’il est discuté (notamment, ANSA, avis n° 14-056, nov. 2014), ne doit pas faire de doute, le texte ne visant à aucun moment une collectivité de propriétaires mais bien « le propriétaire ».

Par ailleurs, les augmentations de capital en numéraire ou consécutives à l’exercice d’une valeur mobilière donnant accès au capital sont exclues du champ d’application du droit nouveau applicable aux seules « cessions » (en ce sens : Guide pratique préc.).

Ainsi et en pratique, les cessions d’actions de préférence, d’obligations convertibles ou de bons de souscription d’actions ne portant que sur une minorité de capital mais donnant accès potentiellement à la majorité du capital en cas de conversion ne semblent pas devoir être sujettes au respect du droit d’information préalable des salariés.

Doivent enfin être exclues au sens du texte :

– les opérations de cession de titres donnant accès à la majorité du capital social d’une société étrangère qui détient une société française ;

– la cession de la holding – et par voie de conséquence la transmission de ses filiales – qui ne dispose d’aucun salarié, faute précisément de salarié à informer dans la structure cédée.

B. – Les conséquences du droit nouveau d’information préalable sur l’acte de cession

L’entrée en vigueur du droit d’information préalable n’impose pas selon nous la stipulation de conditions suspensives spécifiques dès lors que les salariés ne bénéficient d’aucun droit d’opposition ou de préemption ; rien ne peut s’opposer à la cession, sa survenance se trouvant simplement décalée par le respect des délais issus de la loi ESS.

Toutefois et eu égard à la sanction sévère du non-respect des délais ou formes du droit d’information faisant encourir la nullité de l’opération de cession, il sera souhaitable dans les avant-contrats, notamment dans le cadre de la promesse de cession, de prévoir une obligation pour le cédant ou une condition suspensive permettant au cessionnaire d’obtenir la preuve que le cédant s’est correctement acquitté de son obligation d’informer les salariés.

Il conviendra par ailleurs de s’assurer que la date de conclusion définitive de la cession n’intervienne pas avant l’expiration du délai de deux mois visé dans la loi ESS ou avant l’avis consultatif du comité d’entreprise, à moins que le cédant n’ait obtenu de tous les salariés dûment informés leur renonciation expresse à formuler une offre au sens des articles L. 141-23 ou L. 23-10-1 nouveaux du code de commerce.

C. – Le droit nouveau d’information préalable confronté au droit de préemption ou d’agrément prévu au pacte d’associés ou aux statuts

La loi ESS n’a créé qu’une simple obligation d’information pesant sur le cédant à destination des salariés et non une obligation de vendre à ces derniers, quand bien même ils auraient collectivement formulé une offre « mieux disante » (Rép. min. à QE n° 42725, JOAN Q 24 juin 2014). Les salariés ne tirent donc de la loi aucun droit de préférence sur le rachat. Le cédant demeure libre de céder à qui il souhaite. Le droit des salariés n’entre donc pas en concurrence avec les droits des éventuels bénéficiaires d’un droit de préemption issu d’un pacte d’associés ou des statuts. À noter que le droit d’information préalable nouveau n’a pas plus d’effet sur un éventuel droit d’agrément.

Inversement, le cédant ne pourra faire jouer la concurrence d’une offre plus intéressante formulée par les salariés pour échapper à des conditions moins favorables qui résulteraient de l’exercice du droit de préemption.

En pratique, il conviendra néanmoins de s’assurer que les modalités d’exercice du droit de préemption définies dans le pacte ou les statuts soient compatibles avec le droit d’information des salariés.

Le débiteur du droit de préemption s’engagera ainsi dans le pacte ou les statuts :

– à  purger le droit d’information préalable des salariés dans le cadre de l’exercice du droit de préemption si la cession à intervenir entre dans le champ d’application du droit d’information des salariés au sens de la loi ESS ;

– à justifier auprès du créancier du droit de préemption de la parfaite information des salariés dans les délais et formes légales ou réglementaires ;

– à indemniser le créancier du droit de préemption de toutes les conséquences de la nullité de la cession intervenue à son profit consécutivement à l’exercice de son droit de préemption si cette nullité est due au non-respect des règles issues de la loi ESS sur le droit d’information préalable des salariés.

En particulier, l’exercice du droit de préemption issu du pacte ou des statuts devra pouvoir être exercé sans entrer en contrariété avec les délais légaux impératifs issus de la loi ESS.

Dans les entreprises de moins de 50 salariés, la loi ESS impose un délai de deux mois – entre le jour où l’information du projet de cession a été effectivement portée à la connaissance des salariés et la cession effective du fonds ou des titres pendant lequel aucune cession effective ne pourra intervenir sauf si « chaque salarié a fait connaître au cédant sa décision de ne pas présenter d’offre » (C. com., art. L. 23-10-1 et L. 141-23 nouveaux).

Ce délai impératif impose donc que les droits ou obligations issus du pacte pour l’exercice par exemple du droit de préemption ou de la clause de sortie forcée ne puisse imposer une cession effective avant l’expiration du délai de deux mois.

Rien n’empêche toutefois que la procédure de préemption ou de sortie forcée ou encore d’agrément ne puisse être mise en œuvre pendant le cours de ce délai de deux mois, seule devant être exclue la cession effective pendant ce dernier délai.

À titre d’exemple, la clause de sortie stipule usuellement que son exercice est conditionné à la réalisation de la cession des titres sous un délai maximal. Il conviendra de stipuler un délai qui ne soit pas inférieur au délai impératif de deux mois prévus dans la loi ESS sous peine de rendre la clause de sortie forcée impossible à exercer (sauf à obtenir la renonciation – aléatoire – expresse et anticipée de chacun des salariés à formuler une offre).

Ce délai de deux mois n’a pas été repris en revanche pour les entreprises de plus de 50 salariés entrant dans la catégorie des PME au sens de la loi n° 2008-476 du 4 août 2008. Dans cette hypothèse et pour rappel, la cession ne pourra intervenir avant que le comité d’entreprise n’ait rendu son avis consultatif.

Les délais stipulés dans les clauses statutaires ou du pacte devront tenir compte également du délai maximal de validité de l’information transmise de deux ans après notification au dernier salarié informé ou saisine du comité d’entreprise, toute cession à intervenir après ce délai étant soumise à nouveau au respect du droit d’information préalable des salariés (C. com., art. L. 141-27 et L. 141-31 nouveaux ; C. com., art. L. 23-10-5 et L. 23-10-11 nouveaux).

Toutefois, la question se pose du nouveau respect par le cédant du droit d’information lorsque le créancier du droit de préemption a notifié son intention de préempter. Il est acquis que le cédant ayant reçu une offre qu’il envisage d’accepter doit se conformer à son obligation d’information. Toutefois, si la notification de cette offre a été suivie de l’exercice du droit de préemption issu du pacte, le débiteur du droit d’information doit-il à nouveau s’y conformer ?

Pratiquement, cela impliquerait de repousser à nouveau la cession effective au profit du créancier du droit de préemption de deux mois et de prévoir dans la clause de préemption un mécanisme respectant ce nouveau délai exceptionnel.

Il nous semblerait artificiel toutefois de prévoir un nouveau droit pour les salariés issu de l’exercice du droit de préemption, dès lors que l’élément déclencheur du droit d’information est uniquement « la volonté du cédant de procéder à une cession » (Guide pratique préc.), peu important les conditions de prix, d’objet, d’identité du cédant puisque ces conditions n’ont pas à être divulguées aux salariés.

Enfin, le pacte devra clairement exiger du débiteur du droit de préemption qu’il respecte à nouveau la procédure ouvrant droit à la préemption (ou l’agrément) s’il acceptait l’offre de rachat formulée par les salariés. Cette nouvelle cession envisagée aux salariés doit ainsi permettre au créancier du droit de préemption (ou d’agrément) de faire valoir son droit de préemption (ou d’agrément) que la loi ESS n’a pas paralysé.

Dans une telle hypothèse, le praticien sera exigeant sur le contenu des informations contractuellement exigées sur l’identité du (ou des) cessionnaire(s) et notamment, sur la forme sociale du cessionnaire (SCOP, etc.) afin que le créancier du droit de préemption ou d’agrément soit pleinement en mesure d’apprécier les conséquences et conditions d’une cession au profit des salariés.

 

NB : Le présent article a fait l’objet d’une publication à la Revue LAMY (Collection droit des affaires) en décembre 2014.

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