Du point de départ des intérêts sur le prix de loyer renouvelé – Cass. civ. 3ème, 18 juin 2014, pourvoi n°13-14.715

Le point de départ des intérêts moratoires en cas de renouvellement de loyer.

Le point de départ des intérêts dus au terme d’une procédure de fixation du loyer renouvelé entre le nouveau loyer du bail renouvelé et le loyer provisionnel a suscité une importante controverse en jurisprudence amenant la Cour de cassation à changer et faire évoluer sa position.

L’article 1155 du Code civil prévoit que :

« les revenus échus, tels que fermages, loyers, arrérages de rentes perpétuelles ou viagères, produisent intérêt du jour de la demande ou de la convention. »

La Cour de cassation avait, dans un premier temps, considéré que les intérêts sur les loyers fixés judiciairement étaient dus à compter du jour de la demande en fixation du nouveau loyer, c’est-à-dire à compter de l’assignation (Cass. civ. 3ème, 20 mars 1969).

Elle avait ensuite fait évoluer sa position en fixant le point de départ des intérêts du nouveau loyer à compter de la date d’effet du renouvellement du bail et au fur et à mesure des échéances mensuelles (Cass. civ. 3ème, 23 mars 1988).

Quelques années plus tard, dans un arrêt relativement médiatisé, la Cour de cassation abandonnait cette solution pour revenir à sa première position en décidant que les intérêts moratoires attachés aux loyers courent, en l’absence de convention contraire relative aux intérêts, « du jour de la demande en fixation du nouveau loyer par le seul effet de la loi » (Cass. civ. 3ème, 3 octobre 2012).

Par l’arrêt présentement commenté, la Cour de cassation opère une distinction selon que l’initiative du renouvellement relève du bailleur ou du preneur.

En l’espèce, le preneur avait demandé le renouvellement de son bail commercial à compter du 1er avril 2009, moyennant un prix de loyer renouvelé par application des indices du coût de la construction. Le bailleur avait expressément accepté le principe du renouvellement le 10 avril 2009 mais avait demandé un loyer déplafonné. Les parties ayant échangé leur mémoire, le preneur avait pris l’initiative d’assigner devant le juge des loyers commerciaux par acte du 21 juillet 2010.

Le bailleur avait notifié un mémoire en réponse le 10 septembre 2010.

Les juges du fond avaient condamné le preneur à payer au bailleur les intérêts légaux sur le montant des arriérés des loyers judiciairement fixés à compter du 10 avril 2009.

L’arrêt d’appel retient que les intérêts moratoires attachés au loyer courent, en l’absence de convention contraire, du jour de la demande en fixation du nouveau loyer, soit en l’espèce le 10 avril 2009, c’est-à-dire la date à laquelle le bailleur avait accepté le principe du renouvellement.

La Cour de cassation censure cet arrêt en énonçant que les intérêts dus sur la différence entre le nouveau loyer du bail renouvelé et le loyer provisionnel courent à compter de la délivrance de l’assignation introductive d’instance en fixation du prix lorsque le bailleur est à l’origine de la procédure, et à compter de la notification du premier mémoire en défense lorsque c’est le preneur qui a saisi le juge.

Une telle solution non seulement a le mérite d’être pragmatique mais elle permet également d’atténuer le montant des intérêts dus par le bailleur ou le preneur.

Il peut en effet s’écouler un délai important entre la demande de renouvellement formée par le preneur ou l’acceptation du principe du renouvellement du bailleur et la saisine du juge des loyers commerciaux qui peut intervenir près de deux ans plus tard, dans le cadre du délai de prescription prévu à l’article L.145-60 du Code de commerce.

S’y ajoutent également les délais de la procédure et d’expertise qui peuvent placer les bailleurs et les preneurs, qui n’ont pas pris soin de provisionner une somme suffisante au titre des intérêts, dans une situation financière délicate lorsque la différence entre le nouveau loyer du bail renouvelé et le loyer provisionnel est importante.

Par cet arrêt, la Cour de cassation devrait ainsi mettre fin aux discussions qui avaient lieu entre preneur et bailleur sur ce sujet qui avait eu tendance à « polluer » certaines affaires de renouvellement de loyer.

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