Baux commerciaux : résiliation du bail et procédure collective, stratégie d’opportunité

Cass. com, 9 octobre 2019, n°18-17.563, Publié au bulletin

Dans cet arrêt, la Cour de cassation retient que le bailleur, qui agit devant le juge-commissaire pour demander la constatation de la résiliation de plein droit du bail, n’est pas dans l’obligation de délivrer au préalable le commandement de l’article L.145-41 du Code de commerce.

En l’espèce, un preneur à bail commercial a été mis en liquidation judiciaire. Le juge commissaire a autorisé la cession de son fonds de commerce. Les loyers et charges afférents à l’occupation de l’immeuble postérieure au jugement de liquidation judiciaire n’ont pas été payés et ce, pendant plus de trois mois.

L’acte de cession de fonds de commerce comprenant le droit au bail, le bailleur, à raison du non règlement des loyers, a sollicité du juge commissaire la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers dus postérieurement à l’ouverture de la liquidation judiciaire.

Par une ordonnance, le juge commissaire a rejeté la requête en résiliation du bail.

Pour confirmer le jugement ayant rejeté le recours contre cette ordonnance, la cour d’appel de Paris a retenu que les dispositions de l’article L.622-14 du Code de commerce ne dérogent pas à celles de l’article L.145-41 du même code prévoyant, en cas de clause résolutoire, la délivrance préalable d’un commandement, le liquidateur pouvant solliciter des délais de paiement et la suspension de la clause résolutoire, tant que la résiliation du bail n’a pas été constatée par une décision ayant acquis l’autorité de la chose jugée.

Elle a ajouté que le fait pour le bailleur d’opter pour la saisine du juge-commissaire, plutôt que celle du juge des référés, ne le dispense pas de la délivrance préalable du commandement visant la clause résolutoire.

La chambre commerciale de la Cour de cassation a cassé l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris.

Selon elle, le bailleur, qui agissait devant le juge-commissaire pour lui demander la constatation de la résiliation de plein droit du bail, sans revendiquer le bénéfice d’une clause résolutoire, n’était pas dans l’obligation de délivrer le commandement exigé par l’article L.145-41 précité.

Elle estime que la cour d’appel, en ajoutant à la loi une condition qu’elle ne comporte pas, a violé les articles L.641-12, 3° et R.641-21, alinéa 2, du Code de commerce.

Cette décision s’inscrit dans la continuité puisque dans un précédent arrêt du 28 juin 2011, la Cour de cassation avait retenu que lorsque le bailleur, invoquant l’article L.622-14, 2°, du Code de commerce se fonde sur une clause résolutoire, il doit, sous peine d’irrecevabilité de sa demande, se soumettre au régime d’ordre public de celle-ci défini par l’article L.145-41 du même code.

La Cour rappelle ici la différence entre une demande de résiliation de plein droit d’un contrat de bail et une demande judiciaire de constat d’acquisition de la clause résolutoire stipulée au contrat de bail et tel que le Code de commerce le prévoit (articles L.622-14 et L.641-12, 3°). 

Si la délivrance d’un commandement de payer est obligatoire avant de pouvoir saisir le juge aux fins de faire constater l’acquisition de la clause résolutoire insérée au bail, elle ne l’est pas lorsqu’il n’est pas question de revendiquer le bénéfice d’une telle clause.

S’offre alors au bailleur une option stratégique en termes de procédure :

  • Soit il décide de revendiquer le bénéfice de la clause résolutoire qui ne produira effet qu’un mois après la délivrance d’un commandement de payer demeuré infructueux ;
  • Soit il préfère attendre l’écoulement du délai de 3 mois suivant le jugement de liquidation judiciaire pour demander la résiliation judiciaire.

En conséquence, les bailleurs devront s’interroger sur l’opportunité de délivrer ou non un commandement visant la clause résolutoire ou de s’en tenir à la résiliation par le passage du temps.

A rapprocher : L.145-41 du Code de commerce ; L.622-14 du Code de commerce ; L.641-12, 3° du Code de commerce ; R.641-21, alinéa 2 du Code de commerce ; Cass. com., 28 juin 2011, n°10-19.331, Non publié au bulletin

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