SAS régies par les dispositions applicables aux SA : quelle sanction en cas de non-respect de la procédure des conventions réglementées ?

Photo de profil - MONTCHAUD Patrice | Avocat associé | Lettre des réseaux

MONTCHAUD Patrice

Avocat associé

Cass. crim., 25 septembre 2019, F-P+B+I, n°18-83.113

Les statuts d’une société par actions simplifiée peuvent valablement prévoir qu’elle sera régie par les articles du Code de commerce applicables aux sociétés anonymes. Les dispositions relatives à la gouvernance des sociétés anonymes sont alors applicables, notamment la procédure renforcée de contrôle des conventions réglementées, dont le non-respect délibéré peut conduire au délit d’abus de biens sociaux.

La société par actions simplifiée (SAS) est une forme sociale caractérisée par la liberté statutaire. Le fonctionnement d’une SAS dépend en effet en grande partie de ses statuts. Les statuts de la société qui fait l’objet de l’arrêt commenté prévoyaient que cette dernière était régie par les règles applicables aux sociétés anonymes (SA), forme sociale caractérisée au contraire par un encadrement légal strict.

Or, l’article L.227-1 du Code de commerce prévoit que les SAS sont régies seulement partiellement par les règles applicables aux SA, à l’exception d’un certain nombre de dispositions dudit code, en particulier celles relatives à la gouvernance de la société. L’enjeu premier de l’arrêt était donc de savoir si les statuts pouvaient bien prévoir que la société serait assujettie à l’ensemble des dispositions applicables à la SA, en ce compris les articles expressément écartés par la loi. La Cour de cassation répond positivement en retenant l’application des articles en question. Les statuts d’une SAS peuvent donc bien prévoir que les dispositions relatives à la gouvernance des SA lui seront applicables.

Dans une SAS qui a adopté ce fonctionnement, validé par la Cour de cassation, le président du directoire a, en l’espèce, été reconnu coupable du délit d’abus de biens sociaux en signant deux règlements de retraite surcomplémentaire, fixant les conditions d’accès au bénéfice de la retraite, dont les dispositions lui étaient particulièrement favorables, et en organisant son licenciement dans le cadre d’une intégration au plan de sauvegarde pour l’emploi et au dispositif de départ anticipé à la retraite, pour un montant de 4 473 000 euros, ainsi que l’octroi d’une avance sur son indemnité de départ, pour un montant de 1 580 000 euros, sans recueillir l’accord préalable du conseil de surveillance de la société.

A l’appui de son pourvoi, le président du directoire invoquait notamment le fait que les articles L.225-86 et L.225-88 du Code de commerce, qui réglementent la procédure d’approbation des conventions réglementées dans les SA, n’étaient pas applicables car une SAS était en cause. Ce point est important car la procédure d’approbation des conventions réglementées est différente selon la forme de la société. En effet, dans une SA, les conventions réglementées sont soumises à l’autorisation préalable du conseil d’administration ou du conseil de surveillance, avant d’être ratifiées a posteriori par l’assemblée générale des associés. Or, en SAS, seule l’approbation a posteriori des associés est requise. Surtout, l’absence d’autorisation préalable du conseil d’administration ou du conseil de surveillance peut conduire à la nullité de la convention.

La Cour va au bout de son raisonnement et déclare que la société étant régie par les règles applicables aux SA, les actes et conventions en question devaient être soumis à l’approbation préalable du conseil de
surveillance. La Cour de cassation souligne que l’intéressé s’est « délibérément abstenu » de faire approuver les conventions réglementées en cause par le conseil de surveillance. Par cette formule, elle semble faire allusion au critère de la mauvaise foi, qui est l’une des conditions de caractérisation de l’abus de biens sociaux.

Enfin, cet arrêt est l’occasion pour la Cour de cassation de préciser que l’octroi au dirigeant du bénéfice d’un plan de sauvegarde pour l’emploi ou d’un dispositif de départ anticipé à la retraite constitue une convention réglementée, et nécessite donc de respecter la procédure des conventions réglementées.

A rapprocher : Art. L.225-86 du Code de commerce ; Art. L.225-88 du Code de commerce ; Art. L.227-1 du Code de commerce ; Art. L.227-10 du Code de commerce

Sommaire

Autres articles

some
Tenue des assemblées générales pendant la crise sanitaire
La loi relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire en date du 31 mai 2021 a prorogé le régime dérogatoire de tenue des assemblées générales jusqu’au 30 septembre 2021.
some
Une décision accordant au dirigeant une rémunération contraire à l’intérêt social n’est pas nulle
En l’absence de violation de la loi, de fraude ou d’abus de majorité, la seule contrariété à l’intérêt social ne suffit pas pour annuler une décision des associés qui octroie une rémunération exceptionnelle à un dirigeant.
some
La Cour de cassation renforce l’obligation de dépôt des comptes annuels auprès du greffe
En cas d’absence de dépôt des comptes annuels au greffe du tribunal de commerce, tout intéressé peut demander au président du tribunal d’enjoindre sous astreinte à une société par actions de procéder à ce dépôt, sans que ne puisse être…
some
Absence de responsabilité personnelle du dirigeant dont la démission n’a pas été publiée
L’administration fiscale ne peut invoquer l’inopposabilité de la démission non publiée d’un dirigeant pour rechercher sa responsabilité, sauf à démontrer une gestion de fait de ce dernier.
some
Etat d’urgence sanitaire et adaptation des règles relatives à la présentation et à l’approbation des comptes sociaux
Prise en application de la loi du 23 mars 2020, l’ordonnance n° 2020-318 du 25 mars 2020 procède à la prorogation de plusieurs délais s’appliquant aux personnes morales et entités dépourvues de personnalité morale de droit privé, pour la présentation...
some
Un membre du conseil de surveillance n’exerce pas une fonction de direction
Une interdiction de gérer n’est pas incompatible avec l’exercice d’un mandat de membre du conseil de surveillance d’une société anonyme car les membres d’un conseil de surveillance n’exercent qu’une mission de contrôle de la gestion de la société, et...