L’approbation de la rémunération du gérant d’une EURL postérieure au versement

Cass. com., 9 janvier 2019, n°17-18.864

La rémunération du gérant d’EURL fixée par décision unilatérale, conformément aux prévisions statutaires, est valable, même si elle a été perçue par celui-ci avant la formalisation de la décision par l’associé unique.

Le gérant et associé unique d’une SARL n’a de contrepouvoir à ses prises de décisions que le formalisme que lui impose l’article L.223-31 du Code de commerce.

Ce dernier exige que les décisions unilatérales prises par l’associé soient consignées dans le registre des décisions, et notamment la décision portant sur sa propre rémunération (Cass. com., 25 septembre 2012, n°11-22.337).

Cependant, cette formalité, qui est la seule limite à la pratique de l’auto rémunération des gérants-associés d’EURL, est régulièrement assouplie par la jurisprudence, ce qui est notamment le cas dans l’arrêt du 9 janvier 2019 (Cass. com., 9 janvier 2019, n°17-18.864).

Le 12 janvier 2012, le gérant associé unique d’une EURL cède l’intégralité de ses parts sociales, et démissionne concomitamment de son mandat de gérant.

La société, par le biais de son nouveau gérant, demande par la suite le remboursement des rémunérations versées entre 2008 et 2012, arguant de ce que les rémunérations n’avaient pas été régulièrement décidées, et ce, en distinguant :

  • les rémunérations du gérant entre 2008 et 2010 dont les décisions fixant leur montant sont intervenues postérieurement à leur règlement et ;
  • les rémunérations versées en 2011 et 2012 lesquelles n’ont fait l’objet d’aucune décision d’approbation dans le registre des décisions.

La Cour de cassation va rejeter ces considérations, en se fondant tout d’abord sur le texte des statuts fixant la procédure qui fut respectée, a posteriori ; puis en examinant les circonstances de l’affaire justifiant l’assouplissement du formalisme en la matière.

Pour les rémunérations ayant fait l’objet de décisions postérieures à leur versement, les Hauts juges rappellent que les statuts de la société « prévoyaient que les gérants pourraient recevoir une rémunération qui serait fixée et pourrait être modifiée par une décision ordinaire des associés ».

Ils constatent que l’associé unique, par décision des 5 juin 2009, 28 mai 2010 et 30 juin 2011, avait approuvé les rémunérations, et les avait retranscrites dans le registre précité.

Or, la chambre commerciale est catégorique : si le respect de la procédure est obligatoire, il n’est pas nécessaire qu’il ait lieu préalablement au versement.

Quant aux rémunérations de 2011 et 2012, la nullité était envisageable au regard de l’irrespect de la procédure, mais l’article L.223-31 du Code de commerce dans son dernier alinéa dispose : « Les décisions prises en violation des dispositions du présent article peuvent être annulées à la demande de tout intéressé », octroyant un pouvoir discrétionnaire aux juges. Or, ces derniers ont décidé d’écarter cette nullité facultative au vu des circonstances, dans la mesure où le gérant, ayant cédé ses parts et démissionné de son mandat, n’avait plus la maîtrise des assemblées pour procéder à l’approbation de ses rémunérations. Dès lors, le défaut de formalisme ne pouvait lui être imputable. De plus, la société demanderesse ne pouvait pas ignorer que le gérant avait perçu des rémunérations, et elle n’a pas cherché à les remettre en cause en considérant que le montant de ces versements était excessif.

Si cette décision bienveillante de la Cour de cassation peut laisser penser à une position favorable envers l’auto rémunération, il ne faut pas écarter la réalité de l’arrêt : pour une grande partie, il s’agissait d’une appréciation sur les faits de l’affaire, et non pas sur une question de droit. Par ailleurs, les juges n’écartent pas la menace pour le gérant d’être sanctionné pour abus de biens sociaux en raison d’une gratification élevée qu’il aurait lui-même fixée.

A rapprocher : Cass. com., 15 mars 2017, n°14-17.873 ; Cass. com., 25 septembre 2012, n°11-22.754

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