Annulation d’une assemblée générale : dissimulation et prescription

Cass. com., 26 septembre 2018, n°16-13.917

Un associé peut agir en nullité d’une assemblée générale dans un délai de trois ans à compter de la date de la délibération. Toutefois, en cas de « dissimulation » de l’assemblée générale, le point de départ de ce délai est reporté et la prescription ne court qu’à compter du jour où l’associé a eu connaissance de la délibération sociale dissimulée.

Ce qu’il faut retenir : Un associé peut agir en nullité d’une assemblée générale dans un délai de trois ans à compter de la date de la délibération. Toutefois, en cas de « dissimulation » de l’assemblée générale, le point de départ de ce délai est reporté et la prescription ne court qu’à compter du jour où l’associé a eu connaissance de la délibération sociale dissimulée. Encore faut-il, dans cette hypothèse, caractériser la dissimulation, qui ne peut résulter de la seule absence de convocation à l’assemblée générale litigieuse.

Pour approfondir : Des associés d’une société à responsabilité limitée ont tenté de faire annuler plusieurs assemblées générales tenues entre 2002 et 2010, arguant qu’ils n’avaient pas reçu de convocation à ces réunions. La Cour d’appel de Versailles a tout d’abord jugé que leurs demandes d’annulation n’étaient pas prescrites, les associés n’ayant eu connaissance des assemblées générales litigieuses qu’en 2011 et ayant engagé leur action en nullité en 2012. La Cour d’appel a également considéré que l’absence de convocation aux assemblées générales suffisait à caractériser la « dissimulation » et à permettre aux associés de reporter le point de départ du délai de prescription à compter de la révélation des assemblées dont la validité est remise en cause. La Cour de cassation vient casser cet arrêt au visa de l’article L.235-9 du Code de commerce et aux termes de l’attendu de principe suivant :

« […] l’action en nullité des délibérations sociales se prescrit par trois ans à compter du jour où elles sont prises, sauf dissimulation entraînant une impossibilité d’agir ».

Bien que le raisonnement de la Cour d’appel soit admis par la Cour de cassation, c’est la définition du terme « dissimulation », cité dans son attendu de principe, qui est remise en cause.
En effet, tandis que la Cour d’appel considère que l’absence de convocation aux assemblées générales suffit à caractériser la dissimulation et ainsi à admettre un report du délai de prescription, la Cour de cassation semble exiger un élément intentionnel supplémentaire afin de caractériser la volonté de cacher la tenue des assemblées générales litigieuses aux associés non convoqués.

La Cour de cassation vient entériner à la fois (i) le principe selon lequel l’action en nullité des délibérations sociales se prescrit par trois ans à compter du jour où elles sont adoptées, mais également (ii) l’exception selon laquelle le point de départ du délai de la prescription est reporté en cas de dissimulation entrainant une impossibilité d’agir.

La solution retenue par la Cour de cassation nous parait être en cohérence avec l’article 2224 du Code civil selon lequel :

« les actions personnelles ou mobilières se prescrivent […] à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ».

En d’autres termes, celui qui est dans l’incapacité d’agir en justice ne peut se voir opposer de prescription.

A rapprocher : Cass. com., 4 juillet 1995, n°93-17.969

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