Précisions quant à la notion de bénéficiaire effectif

Décret n°2018-284 du 18 avril 2018 renforçant le dispositif français de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement de terrorisme

Le bénéficiaire effectif d’une entité ou société assujettie aux obligations de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme doit être identifié selon des critères de détention du capital ou de contrôle précisés par le décret n°2018-284.

Ce qu’il faut retenir : Le bénéficiaire effectif d’une entité ou société assujettie aux obligations de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme doit être identifié selon des critères de détention du capital ou de contrôle précisés par le décret n°2018-284.

A défaut d’identification possible selon ces critères, le décret vient également préciser la ou les personne(s) devant être considérée(s) en qualité de bénéficiaire(s) effectif(s) et déclarée(s) en tant que tel.

Pour approfondir : L’ordonnance n°2016-1635 du 1er décembre 2016, prise pour la transposition de la Directive européenne contre le blanchiment d’argent, a introduit l’obligation pour les entreprises établies sur le territoire français autres que ceux dont les valeurs mobilières sont admises à la négociation sur un marché réglementé, de déposer au greffe du Tribunal de commerce un document concernant le bénéficiaire effectif (articles L.561-46 et suivants du Code monétaire et financier). Ainsi, doit être considéré comme « bénéficiaire effectif » la ou les personnes physiques « 1° soit qui contrôlent en dernier lieu, directement ou indirectement, [la société] ; soit pour laquelle une opération est exécutée ou une activité exercée » (article L.561-2-2 du Code monétaire et financier). Cette obligation est entrée en vigueur le 1er août 2017, étant précisé que les personnes morales immatriculées avant cette date disposaient d’un délai supplémentaire courant jusqu’au 1er avril 2018 pour s’y conformer.

Un premier décret n°2017-1094 du 12 juin 2017, pris en application de l’ordonnance du 1er décembre 2016, indiquait les modalités de mise en œuvre du registre des bénéficiaires effectifs mais ne précisait pas la notion de bénéficiaire effectif, laquelle restait particulièrement floue et donc source d’incertitudes tant pour les déclarants que pour les greffiers. La publication du décret ici commenté était donc largement attendue. L’article 5 du décret n°2018-284 du 18 avril 2018 définit cette notion selon des critères de détention de capital ou de contrôle, en prévoyant une règle d’identification par défaut lorsque ces critères ne permettent pas de déterminer la personne physique bénéficiaire. Ainsi, au sein d’une société, sont considérés comme bénéficiaires effectifs, la ou les personnes physiques qui détiennent, directement ou indirectement, plus de 25 % du capital ou des droits de vote de la société, ou exercent, par tout autre moyen, un pouvoir de contrôle sur la société. Il est désormais précisé que le contrôle exercé sur la société doit se définir de manière restrictive par référence à l’article L.233-3, I, 3° et 4° du Code de commerce, soit le cas où une personne « détermine en fait, par les droits de vote dont elle dispose, les décisions dans les assemblées générales » et le cas où cette personne est (i) associé ou actionnaire d’une société et (ii) dispose du pouvoir de nommer et de révoquer la majorité des membres des organes d’administration, de direction ou de surveillance de cette société.

Un autre apport majeur du décret réside dans la détermination du bénéficiaire effectif lorsqu’aucune personne physique n’a pu être identifiée selon les critères de détention du capital ou de contrôle. Ainsi, le critère par défaut retenu est celui de la représentation légale de la société.

En effet, si les exigences des greffes et les recommandations de l’ANSA préconisaient déjà en pratique de déclarer le représentant légal de la société, en cas de difficulté d’identification du bénéficiaire effectif, le doute quant à l’interprétation du décret est désormais entièrement dissipé.

Concrètement, le ou les représentants légaux devant être déclarés en qualité de bénéficiaires effectifs seront les suivants :

  • le ou les gérants des sociétés à responsabilité limitée, des sociétés civiles, des sociétés en commandite par actions et des sociétés en nom collectif ; 
  • le directeur général des sociétés anonymes à conseil d’administration ;
  • le directeur général unique ou le président du directoire des sociétés anonymes à directoire et conseil de surveillance ;
  • le président et le cas échéant le directeur général des sociétés par actions simplifiées.

Lorsque les représentants légaux sont des personnes morales, le décret précise que le bénéficiaire effectif est la ou les personnes physiques qui représentent légalement ces personnes morales (article R.561-1, al. 7 modifié du Code monétaire et financier).

S’il vient apporter quelques précisons salutaires, le décret ne vient cependant pas mettre fin à toutes les interrogations issues du nouveau dispositif d’identification et de déclaration des bénéficiaires effectifs.

Ainsi, à titre d’exemple, la question de l’appréciation du seuil de détention capitalistique indirecte reste à ce jour sans réponse.

La date d’entrée en vigueur du décret est fixée au 1er octobre 2018, mais certains articles, dont l’article 5, sont entrés en vigueur le 21 avril 2018.

A rapprocher : Fiche pratique du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce

Sommaire

Autres articles

some
Tenue des assemblées générales pendant la crise sanitaire
La loi relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire en date du 31 mai 2021 a prorogé le régime dérogatoire de tenue des assemblées générales jusqu’au 30 septembre 2021.
some
Une décision accordant au dirigeant une rémunération contraire à l’intérêt social n’est pas nulle
En l’absence de violation de la loi, de fraude ou d’abus de majorité, la seule contrariété à l’intérêt social ne suffit pas pour annuler une décision des associés qui octroie une rémunération exceptionnelle à un dirigeant.
some
La Cour de cassation renforce l’obligation de dépôt des comptes annuels auprès du greffe
En cas d’absence de dépôt des comptes annuels au greffe du tribunal de commerce, tout intéressé peut demander au président du tribunal d’enjoindre sous astreinte à une société par actions de procéder à ce dépôt, sans que ne puisse être…
some
Absence de responsabilité personnelle du dirigeant dont la démission n’a pas été publiée
L’administration fiscale ne peut invoquer l’inopposabilité de la démission non publiée d’un dirigeant pour rechercher sa responsabilité, sauf à démontrer une gestion de fait de ce dernier.
some
Un membre du conseil de surveillance n’exerce pas une fonction de direction
Une interdiction de gérer n’est pas incompatible avec l’exercice d’un mandat de membre du conseil de surveillance d’une société anonyme car les membres d’un conseil de surveillance n’exercent qu’une mission de contrôle de la gestion de la société, et...
some
Etat d’urgence sanitaire et assouplissement des règles de réunion et de délibération des organes dirigeants et des assemblées
Pour aider les entreprises, le gouvernement a subséquemment adopté une ordonnance du 25 mars 2020 n° 2020-321 permettant un assouplissement des règles de réunion et de délibération des organes dirigeants et des assemblées pour permettre et faciliter la...