Promesse synallagmatique de vente et saisie immobilière

Cass. civ. 2ème, 7 déc. 2017, n°16-21356

L’article L.321-5 du code des procédures civiles d’exécution implique que le débiteur ayant consenti une promesse de vente postérieurement à la délivrance d’un commandement de payer valant saisie immobilière ne saurait se prévaloir des effets attachés à l’indisponibilité du bien découlant de l’article L.321-2 du même code.

Ce qu’il faut retenir :

L’article L.321-5 du code des procédures civiles d’exécution implique que le débiteur ayant consenti une promesse de vente postérieurement à la délivrance d’un commandement de payer valant saisie immobilière ne saurait se prévaloir des effets attachés à l’indisponibilité du bien découlant de l’article L.321-2 du même code.

 

Pour approfondir :

En l’espèce, selon l’arrêt attaqué (Fort-de-France, 16 février 2016), la société H… (la société), qui s’est vu délivrer un commandement de payer valant saisie immobilière le 3 avril 2009, a consenti le 17 avril 2012 à M. X… deux promesses de vente portant sur les biens faisant l’objet de la saisie ; la procédure de saisie immobilière a été radiée le 18 novembre 2012 et, devant le refus de la société de signer les actes authentiques de vente, M. X… l’a assignée devant un tribunal de grande instance.

Le pourvoi formé par la société faisait grief à l’arrêt de déclarer parfaites des ventes de lots immobiliers ayant fait l’objet d’une saisie et de la condamner à verser à l’acquéreur les sommes de 16 450 euros et de 14 335 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 15 juillet 2012, à titre de remboursement des loyers indûment perçus, alors que, selon le moyen, le commandement valant saisie immobilière rend le bien immobilier sur lequel il porte indisponible jusqu’à la publication de sa radiation et le contrat préparatoire à la vente conclu sur ce bien durant cette période est nul et ne peut produire aucun effet ; il résultait de l’examen des différentes pièces aux débats que les biens litigieux avaient fait l’objet d’une première procédure de saisie immobilière les ayant rendus indisponibles du 2 avril 2009 au 31 juillet 2013, tandis que les deux compromis de vente sur ces biens avaient été consentis le 17 avril 2012, c’est-à-dire pendant une période d’indisponibilité ; le pourvoi soulignait alors qu’en retenant que la première procédure de saisie immobilière avait été radiée le 18 novembre 2012 et qu’un nouveau commandement de saisie avait été délivré le 10 octobre 2013, pour en déduire que les compromis de vente signés le 17 avril 2012 avaient pris effet à compter de la radiation de la première procédure de saisie et ce jusqu’à la signification du second commandement, si bien que les ventes étaient parfaites, la cour d’appel avait violé les articles L. 321-2 et R. 321-13 du code des procédures civiles d’exécution

L’arrêt commenté retient qu’il résulte des dispositions de l’article L. 321-5 du code des procédures civiles d’exécution, que le débiteur qui a consenti une promesse de vente postérieurement à la délivrance d’un commandement de payer valant saisie immobilière n’est pas fondé à se prévaloir des effets de l’indisponibilité du bien prévue à l’article L. 321-2 du même code.

Il convient de rappeler les dispositions de l’article L.321-5 du code des procédures civiles d’exécution, selon lequel :

« La saisie immobilière est opposable aux tiers à partir de sa publication au fichier immobilier. 

Les aliénations non publiées ou publiées postérieurement et qui n’ont pas été faites dans les conditions prévues à l’article L. 322-1 sont inopposables au créancier poursuivant comme à l’acquéreur, sauf consignation auprès de la Caisse des dépôts et consignations d’une somme suffisante pour acquitter en principal, intérêts et frais, ce qui est dû aux créanciers inscrits ainsi qu’au créancier poursuivant ; la somme ainsi consignée leur est affectée spécialement. 

Sont pareillement inopposables les inscriptions du chef du saisi qui n’ont pas été prises antérieurement à la publication de la saisie, sous réserve du droit pour le vendeur, le prêteur de deniers pour l’acquisition et le copartageant d’inscrire, dans les délais prévus par les articles 2379 à 2381 du code civil, le privilège qui leur est conféré par l’article 2374 du même code ».

La solution retenue par l’arrêt commenté en conforme à la lettre de l’article L.321-5 précité, en même temps qu’elle évite d’offrir au débiteur saisi un moyen d’échapper aux conséquences d’un engagement qu’il a en définitive librement souscrit.

En ce qui concerne la promesse consentie avant le jugement d’orientation, mais après la délivrance du commandement, dépendra essentiellement du créancier poursuivant. S’il estime opportune (et que l’acquéreur entend poursuivre la vente), il sollicitera du juge de l’exécution qu’il autorise sa réitération dans le cadre d’une vente amiable, régie par les articles L. 322-3 et suivants du code des procédures civiles d’exécution. Au contraire, s’il estime ces conditions défavorables, la promesse lui sera alors inopposable, et il pourra donc solliciter la vente sur édit sur adjudication.

Ainsi que le relève la doctrine (Cass. civ. 2ème, 7 déc. 2017, n°16-21356, S. Pellet, L’essentiel droit des contrats, février 2008, p.5) : « En toute logique, les solutions devrait être identique si la promesse est consenti après le jugement d’orientation ayant ordonné l’adjudication. L’hésitation est cependant permise puisque la Cour de cassation a jugé que « le jugement d’orientation qui ordonne la vente forcée de l’immeuble saisie interdit de Procéder à la vente du bien selon une autre modalités que celle qu’il a prévue » (Cass. civ. 2ème, 9 avr. 2015, n°14-16878 : Bull. civ. II, n°96). Solution pourtant parfaitement inopportune, puisqu’elle autorise le débiteur à se délier de ses engagements en invoquant l’indisponibilité du bien à compter du jugement d’orientation, cependant que celle-ci résulte d’un événement antérieur, à savoir la publication du commandement. Il faut donc espérer que l’arrêt commenter préfigure un abandon de la contestable solution consacrée le 9 avril 2015 ».

A rapprocher : Cass. civ. 2ème, 9 avr. 2015, n°14-16878 : Bull. civ. II, n°96

 

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