Rappel sur les contours de l’obligation d’assistance du franchiseur

YVER Katia

Avocat

CA Paris, 20 décembre 2017, RG n°13/23287

La Cour d’appel rappelle que l’obligation d’assistance du franchiseur à l’égard de ses franchisés est de nature exclusivement technique et commerciale et constitue une obligation de moyens.

Ce qu’il faut retenir : La Cour d’appel rappelle que l’obligation d’assistance du franchiseur à l’égard de ses franchisés est de nature exclusivement technique et commerciale et constitue une obligation de moyens.

Pour approfondir : Une société E.S., qui exploite un réseau de franchise dans le secteur de la restauration sur place ou à emporter et la livraison de sushis et d’autres spécialités japonaises, a confié à M. J.M.C l’exploitation d’un restaurant en franchise à Montpellier.

Le 24 mars 2010, M. J.M.C a constitué la société S. Montpellier aux fins d’exploiter le restaurant sous enseigne E.S. sur la ville de Montpellier.

Le 24 novembre 2011, M. J.M.C a fait part à son franchiseur de graves difficultés rencontrées dans l’exploitation de son restaurant, tout en sollicitant une assistance de sa part.

Le 16 mars 2012, constatant des impayés de redevances, la société E.S. a mis en demeure la société S. Montpellier d’avoir à lui régler la somme de 61.454,10 €. Le 26 mars 2012, la société S. Montpellier a invoqué un manquement grave du franchiseur à ses obligations contractuelles d’assistance et de formation pour justifier la suspension des paiements de redevances de franchise. Le 9 août 2012, la société S. Montpellier a indiqué à la société E.S. qu’elle cessait toute exploitation du restaurant et toute utilisation de la marque E.S. Par acte du 11 septembre 2012, la société E.S. a assigné à bref délai la société S. Montpellier et M. J.M.C. devant le Tribunal de commerce de Paris sollicitant :

  • la résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs de la société S. Montpellier et le paiement des redevances impayées,
  • la condamnation de M. J.M.C et de la société S. Montpellier au paiement de dommages et intérêts pour rupture anticipée du contrat de franchise et pour violation de l’obligation de non-concurrence post-contractuelle.

Par jugement du 15 novembre 2013, le Tribunal de commerce de Paris a constaté la résolution du contrat de franchise au 14 août 2012 aux torts des défendeurs et a condamné la société S. Montpellier à payer à la société E.S. les sommes de 89.311,30 euros au titre des factures impayées et de 24.677 euros, à titre de dommages et intérêts pour violation de l’obligation de non-concurrence, avec exécution provisoire. La société S. Montpellier a interjeté appel de cette décision devant la Cour d’appel de Paris. Par jugement du 7 décembre 2015, la société S. Montpellier a fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire, qui a été convertie en liquidation judiciaire par jugement du 3 juin 2016.

Par jugement du 15 janvier 2016, la société E.S. a été placée en liquidation judiciaire. La Cour d’appel de Paris a, par arrêt du 20 décembre 2017, confirmé le jugement sauf en ce qu’il a constaté la résolution du contrat au 14 août 2012 et qu’il a condamné la société S. Montpellier à payer à la société E.S. les sommes de 89.311,30 euros au titre des factures impayées et de 24.677 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l’obligation de non-concurrence (en raison du défaut de déclaration de la créance de la société E.S. au passif de la société S. Montpellier).

Statuant à nouveau, la Cour a prononcé la résiliation du contrat de franchise au 14 août 2012 aux torts exclusifs du franchisé.

Cet arrêt est tout particulièrement intéressant en ce qu’il précise les obligations du franchiseur en matière d’assistance de ses franchisés, en considérant que l’assistance est de nature exclusivement technique et commerciale et constitue une obligation de moyens. Il en résulte, par conséquent, que seule l’inexécution grave de l’obligation d’assistance du franchiseur peut fonder la résiliation d’un contrat de franchise à ses torts.

La Cour d’appel de Paris a en effet considéré, sur ce point, que :

« Il y a lieu de rappeler que si pendant l’exécution du contrat, le franchiseur est tenu de procurer une assistance, celle-ci est de nature exclusivement technique et commerciale et constitue une obligation de moyens. Le franchisé est un commerçant indépendant seul responsable de la gestion de son entreprise. Les manquements du franchiseur ne se déduisent pas du seul fait de l’existence de difficultés financières rencontrées par le franchisé. En effet, l’exploitation d’un fonds est soumise à de multiples aléas dont notamment ceux liés à la gestion du franchisé et à la situation économique du marché de référence.

Le premier grief relatif à l’absence de rentabilité du réseau et du concept ne peut constituer une faute du franchiseur, en ce que le contrat de franchise n’est pas remis en question en l’espèce. L’insuffisance de marge dégagée par la société S. Montpellier ne peut caractériser une faute contractuelle imputable à la société E.S. Ainsi, seule l’inexécution grave d’obligations contractuelles du franchiseur peut fonder la résiliation d’un contrat de franchise à ses torts. L’absence de rentabilité du magasin exploité par la société S. Montpellier ne peut donc être invoquée utilement par les appelants pour motiver l’exception d’inexécution » (Nous soulignons).

Le franchiseur n’est donc pas tenu, de par son devoir d’assistance envers son franchisé, de soutenir financièrement son cocontractant, qui est un commerçant indépendant, seul responsable de la gestion de son entreprise.

Cet arrêt est à rapprocher d’une jurisprudence précédemment rendue par la Cour d’appel de Paris (CA Paris, 27 mars 2008, RG n°05/12294), qui avait considéré, en réponse au grief formulé par un franchisé, qui reprochait à la tête de réseau « un défaut d’assistance technique et commercial et de ne pas lui avoir consenti une remise de redevances pour conserver une trésorerie, alors qu’elle était en difficulté », « que le franchiseur ne peut se substituer au franchisé qui est un commerçant indépendant dans la gestion de ses affaires » (Nous soulignons).

A rapprocher : CA Paris, 27 mars 2008, RG n° 05/12294

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