Responsabilité du franchiseur mise en cause par l’ancien dirigeant-associé – TC Rouen, 19 oct. 2012, RG n°2011/012280

Après la cessation anticipée d’un contrat de franchise par la signature d’une transaction, un second contrat est conclu pour l’exploitation d’un point de vente sous la même enseigne mais qui ne rencontre pas le succès souhaité.

Un franchisé avait conclu un premier contrat de franchise pour exploiter un point de vente sous une enseigne de distribution. Le franchisé ayant rencontré des difficultés dans l’exploitation de son magasin, les parties avaient décidé d’y mettre un terme anticipé, moyennant la signature d’une transaction.

Postérieurement, le franchisé avait choisi de conclure un second contrat de franchise afin d’exploiter un nouveau point de vente sous la même enseigne dans un autre secteur géographique. Seulement, l’exploitation du second magasin ne rencontra pas le succès souhaité, la société franchisée fut placée en liquidation judiciaire. Le liquidateur judiciaire et l’ancien gérant-associé majoritaire de la société franchisée décidaient ensuite d’assigner le franchiseur.

Ils reprochaient au franchiseur, s’agissant du premier contrat, la violation de la clause d’exclusivité territoriale stipulée au contrat en raison de l’implantation d’un magasin sous une autre enseigne développée par une société appartenant au même groupe que celui de la société franchiseur. Ils soutenaient pour ce faire que la transaction signée entre les parties était nulle pour (i) défaut de cause en raison d’une absence de concession réciproque et (ii) pour avoir été signée sous la violence économique.

S’agissant du second contrat, le liquidateur et l’ancien dirigeant-associé soutenaient que le franchiseur avait manqué à son obligation précontractuelle d’information en fournissant des prévisionnels erronés et sollicitaient à ce titre des dommages-et-intérêts conséquents.

Le Tribunal de Commerce de Rouen, dans un jugement rendu le 19 octobre 2012, a entièrement débouté les demandeurs de leurs demandes.

S’agissant du premier contrat de franchise signé, le Tribunal a relevé que la transaction signée entre les parties prévoyait, d’une part, l’engagement du franchiseur de réduire sur une certaine période le taux de la redevance de franchise et, d’autre part, l’engagement du franchisé de proroger la durée du contrat de franchise de plusieurs mois par rapport à son terme initial. Il en a conclu que la réalité des concessions était incontestable.

Le Tribunal a retenu que la preuve d’un abus dans la conclusion de la transaction ou la preuve d’une violence économique n’étaient pas rapportées. Le Tribunal a ainsi validé la transaction et de ce fait a déclaré l’action intentée par le liquidateur judiciaire irrecevable.

Statuant sur la demande faite par l’ancien dirigeant-associé, le Tribunal a constaté que ce dernier ne démontrait en rien avoir subi un préjudice distinct de celui subi par la société franchisée pour le déclarer irrecevable.

S’agissant du second contrat de franchise, le tribunal de commerce de Rouen a considéré, au titre des demandes formulées par le liquidateur judiciaire, que la responsabilité du franchiseur ne pouvait être recherchée :

– s’agissant du choix du local, le tribunal relève que le franchiseur ne s’était en effet engagé que sur un rôle d’assistance dans sa prospection et s’était borné à conseiller le franchisé dans son choix. Le tribunal considère également que le franchisé a pris seul la décision de signer le bail commercial du local dans lequel il a exploité son activité sous l’enseigne ;

– s’agissant des prévisionnels, le franchisé ne rapportait pas la preuve que les prévisionnels avaient été établis par le franchiseur ; les comptes annexés au dossier bancaire émanaient d’un cabinet d’expertise comptable ; enfin, le franchiseur fournissait des chiffres d’affaires de commerces similaires validant les hypothèses des comptes prévisionnels du franchisé ;

– s’agissant de l’exécution du contrat, le tribunal retient que le franchiseur a assisté le franchisé par des visites régulières sans que ses conseils sur la tenue du magasin du franchisé et sa dynamisation ne soient suivis par le franchisé.

S’agissant de la demande de l’ancien dirigeant-associé visant à obtenir une indemnisation résultant de la non-perception d’une rémunération dans le cadre de l’exploitation de son magasin, le Tribunal rappelle qu’il lui appartenait de rapporter la preuve d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité. Considérant que le franchiseur n’avait commis aucune faute, le tribunal a donc débouté l’ancien dirigeant-associé de ses demandes.


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