Clauses limitatives de responsabilité

Eléments de droit comparé

Elements de droit comparé : Allemagne, Belgique, Espagne et amérique latine, Angleterre, Etats-Unis et Québec.

Allemagne : le BGB interdit seulement au débiteur de s’exonérer par avance de la responsabilité qu’il encourt en raison de son fait intentionnel (§.276 al.2) : le débiteur peut donc librement s’exonérer de ses fautes même si elles sont grossières (le §.278 BGB prévoit même, dans le cadre de la responsabilité contractuelle du fait des préposés, que le débiteur peut s’exonérer des fautes intentionnelles ou de négligence des personnes dont il se sert pour l’exécution de ses obligations). Néanmoins, la jurisprudence prive d’efficacité les clauses d’irresponsabilité se rapportant à la faute lourde du stipulant lui-même ou de l’un de ses employés dirigeants. Cette solution a été renforcée par la loi de 1976 relative à la validité des conditions générales d’affaires prohibant désormais toute clause excluant ou limitant la responsabilité en cas de faute lourde quel que soit l’auteur de celle-ci, le stipulant ou l’un de ses auxiliaires, même non dirigeant (§.11 n°7). Le champ d’application est extrêmement large, englobant tout type de contrat, même à titre gratuit), tout type de violation du contrat et tout type de clauses limitatives (limitant le montant des D&I, excluant certains dommages, raccourcissant le délai de prescription). La faute lourde est définie par la jurisprudence comme le manquement d’une manière extrêmement grossière à la diligence nécessaire.

Belgique : une jurisprudence constante déclare inefficaces les clauses exonératoires de responsabilité qui ont pour effet de « détruire l’objet du contrat », de porter atteinte « à une obligation essentielle du contrat » ou de « vider la convention de sa substance ». La qualification d’obligation essentielle, au regard de l’intention des parties ou de la nature du contrat, et la contrariété de la clause relèvent du pouvoir souverain des juges du fond, qui apprécient parfois de manière laxiste que la clause « vidait le contrat d’une bonne partie de sa substance », le caractère essentiel de l’obligation étant douteux.

Espagne et Amérique latine : les clauses d’exonération partielle ou totale de responsabilité sont en principe valables, l’a.1102 du code civil excluant néanmoins leu jeu en cas de faute intentionnelle ou de faute lourde (de même que les a.1102 CC bolivien, a.1328 CC péruvien, a.507 CC argentin).

Angleterre : les exclusion or limitation clauses applicables pour les actes intentionnels, frauduleux ou irresponsables sont annulées, sur le fondement de l’ordre public. Elles sont au contraire valables au seul cas de négligence (faute légère, par opposition à la faute lourde) en ce qu’il n’y a pas d’intention de ne pas exécuter le contrat. Toutefois, la jurisprudence a un temps considéré que dans les contrats d’adhésion où il existe une inégalité de pouvoir de négocier, les clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité doivent être réputées non écrites sur le fondement d’une contradiction apparente entre la clause et la promesse. Tout d’abord, seules les clauses de non-obligation ont été réputées non écrites, par application de la théorie de la repugnancy, selon laquelle il est « répugnant » de promettre de faire quelque chose et dans le même temps de s’exonérer de sa responsabilité au cas d’inexécution, ce qui fait appel à la notion d’équité et aux principes moraux. La théorie de la repugnancy était ainsi étendue au-delà de son domaine initial : la contradiction entre deux clauses, en général entre une clause standard et une clause particulière. Ensuite, la contradiction entre la clause limitative ou élusive de responsabilité et la promesse a été sanctionnée par application du concept de fundamental breach : l’inexécution d’un fundamental term privant le créancier de l’avantage essentiel envisagé, elle constitue toujours un fundamental breach. Partant, les clauses limitant la responsabilité au cas d’inexécution d’un fundamental term révèlent la contradiction entre la clause et la promesse et sont privées d’effet (R. Sefton-Green, La notion d’obligation fondamentale, comparaison franco-anglaise, LGDJ 2000). Toutefois, la jurisprudence était hésitante quant à la portée de cette solution, des décisions l’appliquant seulement aux clauses exonératoires de responsabilité, d’autres l’étendant aux clauses d’effet équivalent. Cette théorie a été condamnée par un arrêt de la Chambre des Lords de 1980 (aff. Photo production ltg c/ Sécuricor). Depuis, pour les contrats du droit de la consommation réglementés par l’Unfair contract terms act 1977, les clauses sont valables à condition qu’elles soient équitables et raisonnables et que le consommateur en ait été averti.

Etats-Unis : de même qu’en droit anglais, le droit de la consommation réglemente les clauses relatives à la responsabilité (disculpation clauses), alors qu’elles sont valables en droit commun au cas de simple negligence, mais pas en cas de faute intentionnelle ou grossière.

Québec : en principe valables depuis un arrêt de revirement de la Cour suprême de 1897, les clauses élusives ou limitatives de responsabilité sont privées d’effet lorsqu’elles s’appliquent au préjudice corporel ou moral (a.1478 CC) et en cas de faute lourde ou intentionnelle (a.1474 CC). Ces clauses doivent avoir été librement consenties par le contractant, la jurisprudence procédant, avant la création de la disposition suivante, à une application sévère de cette condition dans les contrats d’adhésion, notamment en exigeant qu’elles soient très apparentes (a.1475 et 1476 CC). Pour les contrats d’adhésion ou de consommation en effet, l’a.1437 CC, inspiré de la jurisprudence antérieure, consacre expressément l’obligation essentielle en qualité de limite aux clauses exonératoires de responsabilité : est abusive, notamment, « la clause si éloignée des obligations essentielles qui découlent des règles gouvernant habituellement le contrat qu’elle dénature celui-ci ». Les tribunaux qui font application de cette disposition aux clauses exonératoires se bornent à constater qu’elles sont abusives, sans relever qu’elles privent le créancier du bénéfice fondamental attendu du contrat.

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