RAPPEL : Le preneur doit être libre de se retirer de l’association d’un centre commercial

CA Paris, Pôle 5, Chambre 3, 24 mai 2017, RG n°15/15282

Dans un arrêt rendu le 24 mai 2017, la Cour d’appel de Paris, confirmant une jurisprudence bien établie, a prononcé la nullité d’une clause du bail commercial aux termes de laquelle le preneur déclare qu’il entend adhérer à l’association et qu’il s’engage à maintenir son adhésion pendant la durée du bail.

Ce qu’il faut retenir : Dans cet arrêt, la Cour rappelle que si la rédaction de cette clause n’impose pas au preneur d’adhérer à l’association du centre commercial, dès lors qu’elle prévoit que « le preneur déclare qu’il entend adhérer à l’association », elle contrevient néanmoins aux dispositions de l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme et de l’article 4 de la loi du 1er juillet 1901 en ce qu’elle dispose que le preneur entend s’y maintenir pendant toute la durée du bail. Il est en effet précisé qu’aucune clause ne peut obliger le preneur à maintenir son adhésion à une association pendant toute la durée du bail, une telle clause contrevenant à la liberté d’association.

Pour approfondir : On sait que, pour regrouper les exploitants d’un centre commercial et leur permettre de mettre en œuvre un budget commun, notamment de promotion et de publicité, deux formules sont généralement adoptées : le GIE ou l’association.

La Cour de cassation a cependant rappelé dans un arrêt rendu par l’assemblée plénière que nul n’est tenu d’adhérer à une association, ou, lorsqu’il y a adhéré, d’en demeurer membre (Cass. Ass. Plén., 9 février 2001, n°99-17.642).

Ce principe a été transposé aux baux commerciaux de sorte que la clause du bail faisant obligation au locataire d’adhérer à une association de commerçants et de maintenir son adhésion pendant la durée du bail a été jugée contraire au principe de liberté d’association et donc entachée de nullité absolue (Cass. civ. 3ème, 12 juin 2003, n°02-10.778).

L’arrêt ici commenté ne fait que confirmer cette position déjà ancienne. Il paraît cependant utile d’en faire un rappel, étant ici précisé que la clause litigieuse figurait dans un bail conclu en 2010…

En conséquence de la nullité absolue de cette clause, le preneur est bien fondé à solliciter le remboursement des cotisations versées. Réciproquement, et du fait du jeu des restitutions, il a été jugé que l’association pouvait obtenir la condamnation du commerçant adhérent à lui restituer en équivalent les prestations servies, la valeur des services dont il a bénéficié étant souverainement estimée par les juges du fond (Cass. civ. 1ère, 12 juillet 2012, n°11-17.587).

En l’espèce, la Cour d’appel de Paris a estimé que l’association, qui justifiait apparemment des coûts engagés au titre des événements promotionnels, n’apportait pas d’éléments suffisants de nature à établir la réalité de l’enrichissement résultant pour le preneur des actions menées, de sorte qu’elle a été déboutée de l’intégralité de ses demandes.

Cette insécurité doit nécessairement amener les opérateurs du secteur à s’interroger, d’une part, sur la rédaction de la clause figurant dans le bail relative à une éventuelle adhésion du preneur à une association de commerçants et, d’autre part, sur la forme juridique adéquate à donner à ces regroupements.

A rapprocher : Cass. Ass. Plén., 9 février 2001, n°99-17.642 ; Cass. civ. 3ème, 12 juin 2003, n°02-10.778 ; Cass. civ. 1ère, 12 juillet 2012, n°11-17.587

Sommaire

Autres articles

some
Baux commerciaux : la demande de renouvellement aux clauses et conditions du bail expiré vaut offre de prix du bail en renouvellement
Le bailleur ayant accepté la demande du locataire sollicitant le renouvellement aux clauses et conditions du précédent bail, la demande en fixation du loyer du bail renouvelé doit être rejetée.
some
Covid-19 et non-paiement des loyers commerciaux pour la période d’avril et mai 2020
Si bailleur et preneur, en période de Covid-19, doivent, de bonne foi, se concerter sur la nécessité d’aménager les modalités d’exécution de leurs obligations respectives, les moyens du locataire – défaut dans l’obligation de délivrance du bailleur et...
some
Précisions nouvelles sur les prêts libellés en francs suisses et les clauses abusives
La CJUE considère que les clauses prévoyant l’allongement de la durée d’un contrat de prêt et l’augmentation du montant des mensualités sont susceptibles de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.
some
[VIDÉO] Etat du marché en période de crise sanitaire, par Patrick COLOMER
Patrick COLOMER, Expert judiciaire près de la Cour d’appel de Paris et agréé par la Cour de cassation, intervient dans le cadre de contentieux locatifs et d’indemnités d’éviction.
some
Exploitation illicite : attention aux modifications apportées aux projets commerciaux en cours de réalisation !
Par un arrêt en date du 15 février 2021, la Cour administrative d’appel de Marseille, saisie par l’Association En Toute Franchise, a censuré le refus d’un Préfet de mettre en œuvre les pouvoirs de police qu’il détient en matière d’aménagement…
some
COVID-19 : Fermeture des commerces non essentiels et demande de restitution des loyers payés pendant la période de confinement
La 18ème chambre du tribunal judiciaire de Paris décide que le locataire n’est pas fondé à exciper, au soutien de sa demande de restitution de loyers payés pendant la période de fermeture administrative de son commerce de vente d’objets d’art…