Changement unilatéral de destination d’un bail commercial

Cass. civ. 3ème, 30 mars 2017, n°15-25.161

Le changement unilatéral de destination tel qu’initialement prévu au contrat de bail constitue un manquement justifiant la résiliation judiciaire du contrat.

Ce qu’il faut retenir : Le changement unilatéral de destination tel qu’initialement prévu au contrat de bail constitue un manquement justifiant la résiliation judiciaire du contrat.
 

Pour approfondir : Un bail commercial entre la société A, bailleur, et la société B, preneur, a été conclu. Le contrat portait sur la location de « locaux d’habitation dépendant d’un immeuble à usage de résidence de tourisme ».

Face à l’impossibilité d’obtenir le classement « en résidence de tourisme catégorie 3 étoiles » nécessaire à cette activité, « faute pour la structure même de l’immeuble et l’équipement des locaux de respecter les normes applicables aux immeubles touristiques devant recevoir du public », le preneur a unilatéralement modifié l’affectation de l’immeuble en centre d’hébergement d’urgence.

Le bailleur a assigné le preneur en résiliation judiciaire des baux, en raison d’une violation de la clause de destination contractuelle.

La Cour d’appel de Paris accueille la demande du bailleur en considérant, sur le fondement des articles 1719 et 1720 du Code civil, que le fait de ne pas user des lieux conformément à leur destination contractuelle est constitutif d’un manquement justifiant la résiliation du bail aux torts du preneur, quelle que soit la raison de ce changement de destination.

Elle refuse en effet de répondre aux moyens selon lesquels le défaut d’obtention dudit classement serait étranger au preneur, mais au contraire imputable à la structure même de l’immeuble, ce à quoi le bailleur aurait refusé de remédier, contrevenant dès lors à son obligation de garantir la conformité de la destination consentie au contrat de bail.

Par ailleurs, le preneur soulignait que le bailleur avait lui-même, aussitôt intervenue la résiliation des baux par le jugement entrepris, choisi de modifier l’affectation des locaux loués en centre d’hébergement et d’accueil de personnes en état de précarité.

Enfin, les moyens tendaient à faire constater l’absence de manquements par le preneur à ses obligations contractuelles, lequel était condamné à changer l’affectation afin de « maintenir la rentabilité » exigée par le bailleur.

A cela, la Cour de cassation apporte une réponse ferme et confirme l’arrêt d’appel, en énonçant que « le changement unilatéral de la destination contractuelle constituait un manquement justifiant la résiliation du bail aux torts du preneur ».  En effet, si le preneur souhaite changer d’activité ou bien la compléter, il lui est obligatoire de recueillir l’autorisation préalable du propriétaire, conformément aux articles L.145-47 à L.145-55 du Code de commerce. Plus largement, cet arrêt s’inscrit dans la lignée selon laquelle seule la volonté commune des parties peut, en principe, défaire ce que l’accord de volontés a fait.
 

A rapprocher : Articles L.145-47 à L.145-55 du Code de commerce

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