Vente hors réseau de distribution sélective : l’utilité des requêtes 145 du CPC

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ZANETTE Alissia

Avocat

Cass. com., 6 décembre 2016, pourvoi n°15-12.437

L’article 145 du code de procédure civile (CPC) peut permettre d’établir la preuve d’une faute et/ou l’étendue du préjudice, à la condition que la mesure sollicitée soit raisonnablement proportionnée.

Ce qu’il faut retenir : L’article 145 du code de procédure civile (CPC) peut permettre d’établir la preuve d’une faute et/ou l’étendue du préjudice, à la condition que la mesure sollicitée soit raisonnablement proportionnée.

Pour approfondir : L’arrêt commenté illustre une nouvelle fois les difficultés à prendre en considération pour la mise en œuvre de l’article 145 du code de procédure civile (v. sur ce point, L’application de l’article 145 du CPC au droit de la distribution et de la franchise : conditions de mise en œuvre – spécificités procédurales – mesures ordonnées (Etude juin 20015)).

La société Nissan est à la tête du réseau de distribution sélective de véhicules de la marque éponyme ; seuls les membres du réseau peuvent vendre à des particuliers des véhicules neufs Nissan. Relevant qu’une société qui n’appartenait pas à son réseau vendait des véhicules de sa marque, la société Nissan a fait réaliser un constat d’huissier portant sur les données figurant sur les moteurs de certains de ces véhicules. Cela ne suffisant pas à établir la preuve de la faute commise et l’étendue de son préjudice, la société Nissan a obtenu – sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile – une ordonnance enjoignant à la société tierce de produire la liste de ses véhicules Nissan et leur facture d’achat. Cette mesure a été contestée par la société tierce.

La société tierce se plaint en effet de ce que la mesure ne serait pas strictement nécessaire à la protection des droits de la société Nissan et serait en cela disproportionnée : la mesure permettrait à la société Nissan d’avoir connaissance de la structure commerciale de sa concurrente, mais surtout elle enjoint la production de documents portant sur tous les véhicules de la marque Nissan sans se limiter aux véhicules neufs. Pour se défendre, la société Nissan indiquait que l’ordonnance ne pouvait se limiter aux véhicules neufs puisque la société tierce ne peut pas elle-même déterminer quels sont les véhicules neufs « sauf à lui permettre de déterminer sa propre faute et l’étendue du préjudice qu’elle a causé ». C’est sur ce point de discussion que l’arrêt s’avère le plus intéressant. 

Selon la Cour de cassation, les juges du fonds ont caractérisé la proportionnalité de la mesure ordonnée à ce qui était strictement nécessaire à la protection des droits de la société Nissan dès lors qu’ils ont relevé que, d’une part, la société requérante n’utilisait pas l’article 145 pour pallier sa carence à établir la preuve des agissements fautifs ; elle ne disposait pas et ne pouvait pas disposer par elle-même de preuve suffisante. En effet, le constat d’huissier réalisé par la société Nissan « ne permet pas de déterminer ni l’identité de tous les revendeurs, ni la quantité des véhicules neufs ainsi vendus, ni l’étendue du préjudice » et que, d’autre part, la mesure ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire en concernant toutes les factures d’achat puisque cela permet d’assurer le respect complet des intérêts de la société Nissan.

La difficulté est ici de demander ce qui est nécessaire, tout ce qui est nécessaire, rien que ce qui est nécessaire. L’appréciation de cette proportionnalité doit rester raisonnable ; la question de la proportionnalité est bien plus ténue dans d’autres cas tels que, par exemple, la recherche d’emails ou documents papiers au siège d’une société où, en réalité, on ne peut pas exactement viser ce que l’on recherche et où le risque d’avoir accès à des éléments qui ne sont pas strictement nécessaires est par nature plus élevé.

A rapprocher : article 146 du code de procédure civile

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