Exclusion du statut de gérant de succursales – CA Amiens, 5 mars 2013, RG n°12/03824

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SIMON François-Luc

Avocat Associé-Gérant - Docteur en droit

L’article L.7321-1 du code du travail reconnaît aux gérants de succursales le bénéfice du code du travail, sous réserve de certaines dispositions.

L’article L.7321-1 du code du travail reconnaît aux gérants de succursales le bénéfice du code du travail, sous réserve de certaines dispositions. Ce texte, qui rend applicables les dispositions du code du travail à tout type de relation contractuelle – sans impliquer de requalification du contrat considéré en contrat de travail –, suppose la réunion de quatre conditions : l’existence d’une activité de vente, la fourniture exclusive des marchandises et denrées par une seule entreprise industrielle ou commerciale, l’exercice d’une activité dans un local fourni ou agréé par celle-ci et l’existence de prix imposés.

En premier lieu, cette décision rappelle opportunément que si le gérant n’a pas l’obligation de prouver préalablement la fictivité de sa société ou l’existence d’un lien de subordination juridique pour pouvoir revendiquer le bénéfice des dispositions des articles L.7321-1 et suivants du code du travail (L.781-1 ancien) encore faut-il, pour pouvoir utilement prétendre à l’application du code du travail (et corrélativement à la compétence prud’homale), qu’il justifie des conditions d’application de l’article L.7321-2, ce qui suppose démontrée la réunion de quatre critères cumulativement exigés par le texte, à savoir :

l’existence d’une activité essentielle de vente de marchandises ou de denrées,

– la fourniture exclusive ou quasi exclusive de ces marchandises ou denrées par une seule entreprise industrielle ou commerciale,

– l’exercice de l’activité dans un local fourni ou agréé par cette entreprise,

– l’exercice de l’activité aux conditions et prix imposés par ladite entreprise.

Si quelques juridictions du fond s’étaient parfois attachées à subordonner l’application de ce texte à l’existence d’un tel lien (CA Nîmes, 30 oct. 2001, Juris-Data n°156638), la Cour de cassation considère, depuis trois arrêts du 4 décembre 2001 (Cass. soc., 4 déc. 2001 (3 arrêts), pourvois n°99-44.452, 99-43.440, et 99-41.265), que le lien de subordination ne saurait être une condition d’application de ce texte (v. aussi, Cass. soc., 21 févr. 2007, Juris-Data n°037640).

En deuxième lieu, cette décision souligne, à juste titre, qu’il résulte des dispositions qui définissent le statut de gérant de succursale que s’il l’une ou l’autre des conditions exigées cumulativement fait défaut, les dispositions du code du travail sont inapplicables ce qui exclut par voie de conséquence nécessaire la compétence de la juridiction prud’homale, sans qu’il y ait lieu de s’attacher aux énonciations des conventions passées.

En troisième lieu, et surtout, l’arrêt commenté retient en l’espèce qu’il ressort des éléments du dossier que le partenaire était lié au travers de sa société par contrats distincts à deux personnes morales différentes pour la fourniture des prestations différentes :

  • la première société assurait l’approvisionnement en marchandises sans toutefois bénéficier d’une clause d’exclusivité ; en revanche, cette société ne fournissait pas le local et n’imposait au partenaire ni ses prix de vente, ni ses conditions d’exploitation ;
  • la seconde société, qui relevait du même groupe, assurait les prestations classiques d’un franchiseur, sans fourniture de marchandises, et se contentait de conseiller des prix sans les imposer, tout en ne disposant, vis-à-vis du partenaire, d’aucune autorité ni d’aucun pouvoir de contrôle sur les conditions dans lesquelles celui-ci exerçait son activité professionnelle.

La Cour d’appel d’Amiens en tire pour conséquence qu’en l’état les conditions d’application requises cumulativement par ce texte ne sont pas réunies, et que le partenaire ne pouvait donc utilement revendiquer le statut de gérant de succursale relevant du code du travail et, partant, la compétence des juridictions prud’homales pour connaître des litiges ou différends susceptibles de l’opposer aux deux sociétés du réseau au titre de l’exécution et de la rupture de leurs relations contractuelles.

Voilà de quoi assurément nourrir la réflexion dans la configuration de certaines stratégies de réseaux.


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