Cass. com., 6 septembre 2016, pourvoi n°14-27.085
L’appel formé contre une décision ayant statué sur une demande fondée indistinctement sur les articles 1134 et 1184 du Code civil et L.442-6 du Code de commerce relève de la compétence exclusive de la Cour d’appel de Paris, la demande formée devant toute autre Cour d’appel étant irrecevable.
Ce qu’il faut retenir :
L’appel formé contre une décision ayant statué sur une demande fondée indistinctement sur les articles 1134 et 1184 du Code civil et L.442-6 du Code de commerce relève de la compétence exclusive de la Cour d’appel de Paris, la demande formée devant toute autre Cour d’appel étant irrecevable.
Pour approfondir :
Dans cette affaire, une société a assigné son cocontractant en paiement de ses honoraires ; ce dernier a, en réponse, formé une demande reconventionnelle en résiliation du contrat les liant, aux torts exclusifs de la demanderesse, laquelle a, en retour, demandé la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la défenderesse et le paiement de dommages et intérêts en réparation de son préjudice, ce sur le fondement à la fois des articles 1134 et 1184 du Code civil mais aussi de l’article L.442-6, I, 5° du Code de commerce.
La Cour d’appel a déclaré irrecevable la demande reconventionnelle de la demanderesse, aux motifs que celle-ci est notamment fondée sur l’article L.442-6, I, 5° du Code de commerce.
En effet, la demanderesse ayant expressément visé les dispositions de l’article L.442-6 du Code du commerce, alors, conformément aux articles L.442-6 et D.442-3 du Code de commerce, seule la Cour d’appel de Paris était compétente pour connaître de l’appel formé contre la décision rendue. Plus encore, la Cour d’appel a jugé qu’elle se trouve dépourvue « de manière absolue de tout pouvoir pour connaître de l’action de la [demanderesse] sur le fondement de l’article L.442-6 du Ccode de commerce. En statuant sur ce fondement invoqué par la [demanderesse], elle ne pouvait répondre sur le fondement des articles 1134 et 1184 du Code civil que ce moyen rendait inopérant ».
La demanderesse fait grief à l’arrêt d’avoir déclaré sa demande reconventionnelle irrecevable ; elle ne remet pas en cause le principe de compétence exclusive rappelé ci-dessus dont bénéficie la Cour d’appel de Paris ; elle soutient en revanche que ce principe n’a pas pour effet de priver toute cour d’appel autre que celle de Paris de pouvoir connaître des mêmes demandes fondées sur des dispositions autres que celles de l’article L.442-6 du Code de commerce ; en d’autres termes, la demanderesse estime que les juges du fond auraient pu trancher la demande de résiliation du contrat pour faute et celle de paiement de dommages et intérêts au regard des articles 1134 et 1184 du Code civil : « si les dispositions des articles L.442-6 et D.442-3 du Code de commerce ont pour conséquence de priver toute cour d’appel autre que celle de Paris du pouvoir de connaître des demandes fondées sur les dispositions de l’article L.442-6 du Code de commerce, elles ne privent pas toute cour d’appel autre que celle de Paris du pouvoir de connaître de ces mêmes demandes, en ce que celles-ci sont fondées sur des dispositions autres que celles de l’article L.442-6 du Code de commerce ; qu’en considérant, dès lors, que les dispositions de l’article D.442-3 du Code de commerce rendaient irrecevable la demande reconventionnelle formée, sur le fondement des dispositions 1134 et 1184 du Code civil, par la [demanderesse] tendant à ce que soit ordonnée la résiliation du contrat conclu par la [défenderesse] et par la [demanderesse] le 12 novembre 2007 pour faute de la [défenderesse] et tendant à la condamnation de la [défenderesse] à lui payer des dommages-intérêts, la Cour d’appel a violé les dispositions des articles L.442-6 et D.442-3 du Code de commerce et des articles 1134 et 1184 du Code civil ».
La Cour de cassation déboute la demanderesse ; la Haute juridiction a estimé que la demanderesse n’ayant formé qu’une seule et même demande, fondée indistinctement sur les articles 1134 et 1184 du Code civil et L.442-6, I, 5° du Code de commerce, c’est à bon droit que la Cour d’appel de Poitiers a déclaré la demande irrecevable, la Cour d’appel de Paris étant seule investie du pouvoir de statuer sur les appels formés contre les décisions rendues dans les litiges relatifs à l’application de l’article L.442-6 du Code de commerce.
A rapprocher : Cass. com., 24 septembre 2013, pourvoi n°12-21.089 ; Cass. com., 7 octobre 2014, pourvoi n°13-21.086