Responsabilité du franchiseur en qualité de mandataire

CA Versailles, 5 juillet 2016, RG n°14/08967

Lorsque le franchiseur est le mandataire de son franchisé pour gérer l’hôtel objet du contrat de franchise, il engage sa responsabilité à l’égard du franchisé-mandant, lorsque, chargé notamment du contrôle régulier du responsable de l’hôtel, il ne s’aperçoit pas pendant plusieurs années des détournements opérés par ce dernier.

Ce qu’il faut retenir : Lorsque le franchiseur est le mandataire de son franchisé pour gérer l’hôtel objet du contrat de franchise, il engage sa responsabilité à l’égard du franchisé-mandant, lorsque, chargé notamment du contrôle régulier du responsable de l’hôtel, il ne s’aperçoit pas pendant plusieurs années des détournements opérés par ce dernier.

Pour approfondir : L’affaire considérée concerne des circonstances particulières, où les parties avaient signé le même jour un contrat de franchise et un contrat de mandat, par lequel le franchisé mandatait le franchiseur pour la gestion de l’hôtel objet du contrat de franchise. En tant que mandataire, le franchiseur avait notamment la charge du choix et du contrôle régulier du responsable de l’hôtel. En l’occurrence, le responsable choisi par le franchiseur-mandataire avait été licencié par ce dernier 6 ans après l’embauche, pour détournement de fonds.

La procédure pénale intentée contre l’ancien responsable, qui avait abouti à sa condamnation pour abus de confiance, contrefaçon et falsification de chèques, avait révélé que les actes de détournement de fonds s’étaient déroulés sur plus de trois ans.

Les faits commis au cours de la première année étaient prescrits pénalement.

Estimant que le franchiseur-mandataire avait manqué à ses obligations, le franchisé-mandant l’a assigné afin d’obtenir que le franchiseur-mandataire soit condamné à prendre en charge le montant des condamnations prononcées à l’encontre de l’ancien responsable de l’hôtel, ainsi que les sommes correspondant à la période pénalement prescrite.

Le Franchiseur répliquait notamment que son obligation, en tant que mandataire, n’était qu’une obligation de moyen et que le franchisé était lui-même responsable, en tant qu’employeur, des actes de son employé.

La Cour d’appel de Versailles, statuant sur l’appel interjeté contre le jugement du Tribunal de commerce de Nanterre, qui avait donné droit au franchisé, a relevé les points suivants :

  • le mandat stipulait expressément, à la charge du mandataire, l’obligation de contrôler régulièrement le responsable;
  • le franchiseur-mandataire devait également, au titre du mandat, assurer le suivi et le contrôle du fonctionnement comptable de l’hôtel et des résultats de celui-ci, le responsable de l’hôtel devant lui envoyer les situations décadaires ;
  • le franchiseur-mandataire devait en outre procéder à un contrôle mensuel de gestion ;
  • selon le mandat, le comptable devait être choisi par le franchiseur-mandataire et contrôlé par lui.

La Cour a également relevé que pendant trois ans, le responsable de l’hôtel avait :

  • encaissé des chèques des clients sur son compte personnel ;
  • détourné des espèces ;
  • établi un nombre anormalement élevé de factures manuelles ;
  • changé les types de règlements ;
  • et créé des comptes clients débiteurs ;

La Cour a enfin souligné que le stratagème mis en place par le responsable de l’hôtel était particulièrement complexe.

De ces éléments, la Cour a déduit qu’un contrôle régulier du responsable de l’hôtel et un suivi du fonctionnement comptable et administratif selon les modalités précisées au contrat de mandat auraient permis de découvrir ces malversations.

La Cour a donc considéré que le Franchiseur-mandataire avait manqué à son obligation de moyen en qualité de mandataire.

Pour le calcul du préjudice, la Cour a considéré que, si le franchiseur-mandataire devait indemniser le franchisé-mandant des détournements faits à son préjudice, le montant des redevances qui auraient dues avoir été payées par le franchisé-mandant au franchiseur-mandataire si les détournements n’avaient pas eu lieu devait être déduit de la condamnation prononcée à l’encontre franchiseur-mandataire.

A cet égard, la Cour a opéré une distinction :

  • concernant le contrat de franchise, en l’espèce, la redevance de franchise était assise sur le nombre de chambres et non sur le chiffres d’affaires ; par conséquent, les détournements n’avaient eu aucune incidence sur cette redevance et aucune somme ne peut venir, à ce titre, diminuer le montant des sommes dues par le franchiseur-mandataire au franchisé-mandant ;
  • concernant le contrat de mandat, la redevance du franchiseur-mandataire était assise sur le chiffre d’affaires et le résultat brut ; en conséquence, les détournements ont diminué la redevance qui aurait dû être payée au franchiseur en sa qualité de mandataire ; la redevance ainsi perdue par le franchiseur-mandataire devait donc être déduite du préjudice du franchisé-mandant.

A rapprocher : article 1147 du Code civil

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