Crédit immobilier et nouvelles dispositions du Code de la consommation

Cass. civ. 1ère, 1er juin 2016, pourvoi n°15-15.051

La déchéance des intérêts peut être requise, dans le cadre d’un prêt immobilier, lorsque l’établissement de crédit n’a pas rempli son devoir de mise en garde, mais pas lorsqu’elle manque à son obligation d’informer l’emprunteur du capital restant dû…

Ce qu’il faut retenir : La déchéance des intérêts peut être requise, dans le cadre d’un prêt immobilier, lorsque l’établissement de crédit n’a pas rempli son devoir de mise en garde, mais pas lorsqu’elle manque à son obligation d’informer l’emprunteur du capital restant dû. La nouvelle codification, en vigueur depuis le 1er juillet 2016, vient préciser ce devoir de mise en garde, et le régime du crédit immobilier en général.

Pour approfondir : Le crédit immobilier est sujet à diverses démarches à entreprendre, de la part de l’emprunteur comme du prêteur, d’autant plus lorsque ce dernier est un établissement de crédit. L’arrêt rendu par la Cour de cassation vient apporter quelques précisions utiles et justifiées sur ces dispositions.

En l’espèce, une banque octroi à des particuliers un prêt immobilier avec intérêts à taux variable plafonné, et un prêt personnel. Leur ayant ensuite notifié la déchéance du terme, les emprunteurs l’assignent en déchéance du droit aux intérêts et en indemnisation pour manquement, requête rejetée par la Cour d’appel.

Trois grands principes peuvent être relevés :

  1. Le premier grief a trait au délai de réflexion octroyé aux emprunteurs avant l’acceptation du prêt. La Cour précise qu’en respectant le délai de 10 jours prévu par l’article L.1312-10 du Code de la consommation (art L.313-34 depuis le 1er juillet 2016), et en envoyant l’offre par une simple lettre, le document répondait aux exigences dudit article : l’acceptation du prêt immobilier n’est pas illégale, dès lors que l’acceptation n’est pas renvoyée à la banque avant le onzième jour suivant la réception. Le cachet de la poste suffit à prouver le respect du délai.
     
  2. Le second grief est lié au devoir de mise en garde de l’emprunteur profane, des risques liés au crédit immobilier, en particulier liés à l’endettement excessif. Ce devoir est à la charge du banquier. La Cour rejette le moyen  au  motif  que  ce  devoir « n’existe qu’en cas de risque d’endettement excessif de l’emprunteur », et que la banque n’a pas à vérifier l’exactitude des informations que fournissent les emprunteurs sur leur situation financière, à partir du moment où il n’y a pas d’anomalies manifestes (Cass. civ. 1ère, 25 juin 2009, n°08-16.434 ; Cass. civ. 1ère, 30 octobre 2007, n°06-17.003). 

    Ce devoir de mise en garde est désormais codifié dans le Code de la consommation, par l’ordonnance n°2016-351 du 25 mars 2016 et son décret d’application n°2016-607 du 13 mai 2016, entrés en vigueur le 1er juillet dernier. L’article L.313-12 du Code de la consommation impose ce devoir de mise en garde, et les articles L.341-27, L.341-31, et L.341-33 précisent les sanctions associées à son non-respect : déchéance des intérêts, 30 000€ d’amende, et peines complémentaires. L’article L.313-16, quant à lui, codifie l’examen de solvabilité indispensable préalablement à l’offre et acceptation du crédit immobilier. Le prêteur doit ainsi « procéder à une évaluation rigoureuse de la solvabilité de l’emprunteur ». La banque aura d’ailleurs aussi à sa charge de prévenir l’emprunteur de la nécessité de lui fournir des éléments exacts et complets (article R.312-0-6, Code de la consommation) ; il peut lui-même requérir de la part de l’emprunteur des précisions sur les informations reçues.
     

  3. En revanche, contre l’arrêt d’appel, la Cour de cassation reconnait la possibilité pour les emprunteurs d’obtenir des dommages intérêts en réparation du manquement de la banque à son obligation de les informer, tous les ans, du capital restant dû au titre de leurs prêts (article L.312-14-2 du Code de la consommation, devenu article L.313-46 au 1er juillet 2016). Elle souligne que la déchéance des intérêts n’est pas recevable à ce titre – et ne l’est toujours pas avec les nouvelles dispositions entrées en vigueur le 1er juillet puisque celles-ci ne prévoient aucune sanction particulière en cas de manquement à cette obligation. Mais une indemnisation est de rigueur, sur le fondement de la responsabilité contractuelle (à condition de prouver l’existence d’un préjudice). Les nouvelles dispositions du Code de la consommation n’envisagent la déchéance des intérêts que dans les conditions prévues à l’article L.341-45.

A rapprocher : Sur la responsabilité du prêteur, voir notre commentaire sur Cass. com., 27 mars 2012, pourvoi n°10-20.077

Sommaire

Autres articles

some
Baux commerciaux : la demande de renouvellement aux clauses et conditions du bail expiré vaut offre de prix du bail en renouvellement
Le bailleur ayant accepté la demande du locataire sollicitant le renouvellement aux clauses et conditions du précédent bail, la demande en fixation du loyer du bail renouvelé doit être rejetée.
some
Covid-19 et non-paiement des loyers commerciaux pour la période d’avril et mai 2020
Si bailleur et preneur, en période de Covid-19, doivent, de bonne foi, se concerter sur la nécessité d’aménager les modalités d’exécution de leurs obligations respectives, les moyens du locataire – défaut dans l’obligation de délivrance du bailleur et...
some
Précisions nouvelles sur les prêts libellés en francs suisses et les clauses abusives
La CJUE considère que les clauses prévoyant l’allongement de la durée d’un contrat de prêt et l’augmentation du montant des mensualités sont susceptibles de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.
some
[VIDÉO] Etat du marché en période de crise sanitaire, par Patrick COLOMER
Patrick COLOMER, Expert judiciaire près de la Cour d’appel de Paris et agréé par la Cour de cassation, intervient dans le cadre de contentieux locatifs et d’indemnités d’éviction.
some
COVID-19 : Fermeture des commerces non essentiels et demande de restitution des loyers payés pendant la période de confinement
La 18ème chambre du tribunal judiciaire de Paris décide que le locataire n’est pas fondé à exciper, au soutien de sa demande de restitution de loyers payés pendant la période de fermeture administrative de son commerce de vente d’objets d’art…
some
Etendue de la destination contractuelle d’un restaurant et vente à emporter
L’adjonction d’une activité ne peut donner lieu à déplafonnement du loyer s’il s’agit d’une activité dite incluse, c’est-à-dire se rattachant naturellement à la destination contractuelle initiale et à son évolution en fonction des usages ou pratiques...