RUPTURE BRUTALE : Les conditions d’exécution du préavis et la nature du préjudice réparable

Cass. com., 10 février 2015, pourvoi n°13-26.414

Sauf circonstances particulières, l’octroi d’un préavis suppose le maintien de la relation commerciale aux conditions antérieures. En outre, seuls sont indemnisables les préjudices découlant de la brutalité de la rupture et non de la rupture elle-même.

Ce qu’il faut retenir :

Sauf circonstances particulières, l’octroi d’un préavis suppose le maintien de la relation commerciale aux conditions antérieures. En outre, seuls sont indemnisables les préjudices découlant de la brutalité de la rupture et non de la rupture elle-même.

Pour approfondir :

L’arrêt commenté présente deux intérêts. Le premier est de préciser les conditions d’exécution du préavis en cas de rupture d’une relation commerciale établie. Le second est de rappeler quelle est la nature du préjudice réparable en la matière.

L’exécution du préavis aux conditions antérieures de la relation

Toute rupture – totale ou partielle – doit être précédée d’un préavis suffisant et écrit, non-équivoque.

Il est d’usage de considérer que la durée du préavis doit être de l’ordre d’un mois de préavis par année de relation commerciale. En cas de dépendance économique du cocontractant subissant la rupture, la durée du préavis doit être étendue, celle-ci étant destinée à permettre une réorganisation et une recherche de solutions alternatives.

En l’espèce, alors même que le fournisseur avait accordé un préavis de douze mois à son distributeur pour mettre fin au contrat de distribution exclusive qui les liait, il est condamné à indemniser ce dernier du préjudice qu’il aurait subi du fait de la brutalité de la rupture.

De prime abord, cet arrêt peut surprendre au regard de la durée du préavis octroyé.

Toutefois, le fournisseur avait, avant même la date de fin des relations fixée, modifier les modalités de la relation contractuelle pendant la durée du préavis. Le fournisseur avait en effet retiré à son distributeur le bénéfice de l’exclusivité territoriale dont il bénéficiait.

Relevant que le fournisseur avait lui-même octroyé un préavis à son distributeur – ce qui excluait l’existence de manquements graves justifiant la fin de la relation commerciale -, les fautes reprochées par le fournisseur au distributeur, à les supposer établies, ne sauraient justifier la suppression de l’exclusivité territoriale du distributeur.

Il résulte de la position adoptée par le fournisseur que le délai de préavis a été en partie privé de son intérêt et a placé le distributeur « dans l’impossibilité de mettre à profit le préavis pour se réorganiser ».

Ainsi, la Cour de cassation confirme que l’exécution du préavis doit se faire aux conditions qui régissaient la relation jusqu’à la notification de rupture, ce « sauf circonstances particulières », exception dont les contours restent à déterminer.

Le préjudice découlant de la brutalité de la rupture : seul préjudice réparable

La Cour de cassation vient ici rappeler que seuls sont indemnisables, sur le fondement de l’article L.442-6, I, 5° du code de commerce, les préjudices découlant de la brutalité de la rupture et non de la rupture elle-même.

En l’espèce, elle estime que les juges du fond n’ont pas montré en quoi les sommes qu’ils ont allouées au distributeur, outre celles indemnisant la perte de marge brute pour la durée du préavis, découlaient de la brutalité de la rupture. L’arrêt d’appel est donc cassé sur ce volet.

A rapprocher :

Cass. com., 10 novembre 2009, n°08-18.337 ; Cass. com., 11 juin 2013, n°12-20.846 et Cass. com., 16 décembre2014, n°13-21.363.

 

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