La sanction d’une sous-location non autorisée sur le site AirBnB

DEPOIX Cyril

Avocat

DEPOIX Cyril

Avocat

TI Paris, 6 avril 2016, n°11-15-000294

Le locataire qui consent une sous-location en violation de son contrat de bail s’expose au versement de dommages et intérêts au profit du bailleur, en contrepartie du préjudice moral subi par ce dernier.

Ce qu’il faut retenir : Le locataire qui consent une sous-location en violation de son contrat de bail s’expose au versement de dommages et intérêts au profit du bailleur, en contrepartie du préjudice moral subi par ce dernier.

Pour approfondir : L’ubérisation grandissante de la société, dont la mise à disposition de sa résidence principale par un particulier à une clientèle touristique de passage est une parfaite illustration, provoque la colère de nombreuses catégories de professionnels (taxis, hôteliers) ayant le sentiment de faire face à une concurrence déloyale.

En l’espèce, un couple, locataire d’un appartement dans le 5ème arrondissement de Paris, avait mis celui-ci en sous-location sur le site AirBnB, au mépris d’une clause du bail interdisant toute sous-location sans l’autorisation écrite du bailleur.

Le bailleur, dans le cadre d’une procédure de validation de congé pour reprise, avait également sollicité que lui soit versée la somme de 25.200 € à titre de dommages et intérêts au titre de la sous-location irrégulière des locaux, et 5.000 € au titre du préjudice moral causé par cette sous-location, la preuve de cette sous-location ayant notamment été apportée par des captures d’écran du bien proposé sur internet, et un procès-verbal de constat d’huissier.

Le Tribunal d’instance, se fondant à la fois sur l’article 8 de la loi du 6 juillet 1989 interdisant la sous-location à défaut d’accord écrit du bailleur, et sur les dispositions du bail, fait en partie droit à la demande du bailleur en condamnant le locataire à lui verser 5.000 € de dommages et intérêts au titre de son préjudice moral, aucun préjudice matériel ou financier n’étant démontré, si ce n’est que le locataire a profité du bien mis à sa disposition non pas pour l’habiter mais également afin de gagner de l’argent.

Si la condamnation d’un locataire ayant exercé un droit qui ne lui était pas accordé n’est pas contestable sur son principe, le préjudice moral, tiré de l’utilisation illicite de l’appartement par le preneur et retenu comme fondement de cette décision laisse perplexe.

Dès lors, une action dite en supplément de loyer n’aurait-elle pas été plus cohérente de la part du bailleur ?

En effet, cette action permet en matière de bail commercial ou d’habitation au propriétaire en matière de bail de solliciter de son preneur, devenu sous-bailleur, le remboursement du gain perçu par ce dernier de sous-loyers supérieurs au loyer contractuel. Cependant, pour être retenu, encore aurait-il fallu que ce fondement soit invoqué en l’espèce par le bailleur, ce qui n’a pas été le cas.

Cette décision, bien qu’incertaine sur son fondement, s’insère dans un processus de lutte contre des pratiques populaires massives jugées anticoncurrentielles par les professionnels concernés, et pose la première pierre d’un édifice instable.

A rapprocher : Article 8 de la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs 

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