Dol par réticence et nullité

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GRANDMAIRE Justine

Counsel - Docteur en droit

Cass. com., 30 mars 2016, pourvoi n°14-11.684

Avant même l’entrée en vigueur de la réforme du droit des contrats, la Cour de cassation reconnait une nouvelle fois le dol par réticence comme cause de nullité d’une convention, alors qu’aucune obligation d’information ne pesait sur les cédants…

Ce qu’il faut retenir : Avant même l’entrée en vigueur de la réforme du droit des contrats, la Cour de cassation reconnait une nouvelle fois le dol par réticence comme cause de nullité d’une convention, alors qu’aucune obligation d’information ne pesait sur les cédants ; le fait pour les cédants d’avoir ainsi gardé le silence sur une information jugée déterminante pour le consentement du cessionnaire justifie que soit prononcée la nullité de l’acte de cession conclu en présence d’un dol.

Pour approfondir : En l’espèce, les faits dont a eu à connaître la Cour de cassation étaient les suivants. Les époux X. ont cédé à la société U. les parts qu’ils détenaient dans le capital social de la société M. La société U. a assigné les époux X. en vue d’obtenir la nullité de la cession intervenue, la restitution du prix versé et l’allocation de dommages et intérêts car son consentement aurait été vicié. Les juges du fond ont fait droit à cette demande et la Cour de cassation a confirmé la position adoptée par la Cour d’appel, en dépit des arguments avancés par les époux X.

Ces derniers ont ainsi mis en avant le fait que, seul un dol incident, et non un dol principal, était caractérisé (en cas de dol principal, la victime du dol n’aurait pas contracté si elle avait eu connaissance de la réalité et, en cas de dol incident, la victime, si elle avait eu connaissance de la réalité, aurait tout de même contracté, mais à des conditions différentes, et notamment à un prix différent).

La Haute Cour relève que les époux X. ont, « par une hausse massive des prix de vente, donné une image trompeuse des résultats atteints par la société cédée au cours des mois ayant précédé la cession, et qu’ils avaient dissimulé à la société U. les informations qu’ils détenaient sur l’effondrement prévisible du chiffre d’affaires réalisé avec au moins deux des principaux clients de l’entreprise » ; de ce fait, les magistrats ont retenu que ces éléments étaient déterminants pour le cessionnaire et qu’en conséquence ce dernier n’avait pas été « en mesure d’apprécier la valeur de la société cédée et ses perspectives de développement et n’aurait pas accepté les mêmes modalités d’acquisition s’il avait eu connaissance de la situation exacte de la société ».

Le dol par réticence est ainsi de nouveau consacré par la jurisprudence au travers de cette décision, ce alors qu’aucune d’obligation d’information ne pesait sur les cédants.

On soulignera que cette décision a été rendue par la Cour de cassation avant l’entrée en vigueur de la réforme du droit des contrats, prévue le 1er octobre 2016.

Le nouvel article 1137 alinéa 2 du Code civil sera ainsi rédigé de la façon suivante : « Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie » ; le dol par réticence est ainsi pleinement reconnu.

Il suffira qu’une partie garde le silence sur une information dont elle connait le caractère déterminant pour son partenaire pour que l’acte encoure la nullité, sans qu’il y ait besoin de se référer à l’existence d’une obligation d’information.

A rapprocher : article 1116 du Code civil

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