Liquidation judiciaire d’un distributeur agréé et revente des produits par un tiers non agréé

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GRANDMAIRE Justine

Counsel - Docteur en droit

Cass. com., 16 février 2016, pourvoi n°14-13.017

Un distributeur agrée a fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire et les produits qu’il commercialisait ont été rachetés par un tiers, non membre du réseau… (lire la suite)

Ce qu’il faut retenir : Un distributeur agrée a fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire et les produits qu’il commercialisait ont été rachetés par un tiers, non membre du réseau qui a ensuite organisé un réseau de revente parallèle en participant ainsi à la revente des produits en dehors du réseau et ce, sans autorisation de la tête de réseau. Cette dernière a donc intenté une action à l’encontre du revendeur pour violation de l’interdiction de revente hors réseau et comportement parasitaire et les magistrats ont fait droit à cette demande.

Pour approfondir : La société G., qui était un distributeur agrée d’une célèbre marque de produits de luxe commercialisés par la société C. (les produits de la marque C.), a été placée en procédure de liquidation judiciaire. A l’occasion de la vente aux enchères organisée dans le cadre de liquidation de la société G., la société F. a acquis un stock de produits de la marque C. qu’elle a ensuite commercialisés au travers de différentes sociétés exploitant des solderies. La société C. a assigné la société F. pour violation de l’interdiction de revente hors réseau des produits de la marque C. (sur le fondement de l’article L. 442-6, I, 6° du C. com.) et pour actes parasitaires et déloyaux (sur le fondement de l’article 1382 du Code civil).

En premier lieu, s’agissant de la violation de l’interdiction de revente hors réseau, il convient de rappeler que, aux termes de l’article L.442-6, I, 6° du Code de commerce, est condamné le fait « de participer directement ou indirectement à la violation de l’interdiction de revente hors réseau faite au distributeur lié par un accord de distribution sélective ou exclusive exempté au titre des règles applicables du droit de la concurrence ». La Cour de cassation commence par rappeler, ainsi que l’avaient souligné les juges du fond, que la liquidation judiciaire ouverte à l’encontre de la société G. n’a pas pour effet de priver d’effet les dispositions du contrat de distribution sélective prévoyant notamment l’interdiction de revente des produits de la marque C. hors réseau ; le liquidateur devait donc respecter ces dispositions (il avait ainsi, dans les annonces légales de la vente aux enchères, précisé que l’acquéreur des produits de la marque C. devrait solliciter l’autorisation de la société C. pour pouvoir revendre lesdits produits). La société F. a donc acquis les produits de la marque C. en connaissant l’existence du réseau de distribution sélective et les contraintes qui en découlaient, et, en dépit de cela, la société F. a choisi de faire commercialiser les produits de la marque C. par des solderies, sans solliciter l’accord préalable de la société C. La Cour de cassation en conclut que la société F. a participé directement à la violation de l’interdiction de revente hors réseau commise par la société G. (le respect des dispositions du contrat de distribution sélective s’imposaient au liquidateur). La Haute Cour relève que la société C. a quant à elle rempli ses obligations en adressant une offre de rachat des produits au liquidateur, ce dont ce dernier avait toutefois fait fi en revendant les produits de la marque C. aux enchères publiques, à un tiers au réseau.

La société C. n’avait donc pas consenti à la revente de ses produits en dehors de son réseau.

En second lieu, s’agissant des actes parasitaires et déloyaux dont la société F. serait l’auteur, la Cour de cassation relève tout d’abord le rôle actif joué par la société F. dans la revente des produits de la marque C. et le réseau parallèle de revente organisé par cette dernière au travers de l’organisation de la revente des produits de la marque C. par plusieurs solderies.

Les magistrats relèvent ainsi que la société F. utilisait le pouvoir attractif des produits de la marque C. pour promouvoir d’autres produits et soulignent le fait que commercialiser les produits de la marque C. dans des « conditions de conservation, de transport, de stockage et de présentation des produits, mis en vente dans des hangars, exposés en vrac ou dans des agencements modestes à proximité d’articles de bas de gamme étaient incompatibles avec l’image de la marque, la notoriété et l’idée de raffinement attachées aux produits C. ».

Les magistrats considèrent également que la société F. a usé du pouvoir attractif des produits de la marque C. en les proposant à bas prix pour attirer la clientèle ; la société F. a ainsi adopté un comportement parasitaire pour lequel elle devait être condamnée.

A rapprocher : article L. 442-6 du Code de commerce

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