Comptes prévisionnels : CA réel égal à 25% du CA prévisionnel – CA Douai, 19 déc. 2013, RG n°11/04264

Par cette décision, la Cour d’appel de Douai rappelle que si les des dispositions prévues aux articles L.330-3 et R. 330-1 du code de commerce n’imposent pas au franchiseur de fournir au candidat franchisé une étude de marché local ou un prévisionnel d’activité du magasin en projet, il doit néanmoins donner au futur franchisé des informations loyales et sincères, tant sur le montant de l’investissement à réaliser que sur les comptes prévisionnels et sur l’état général et local du marché des produits ; c’est l’état du droit positif.

Par cette décision, la Cour d’appel de Douai rappelle que si les des dispositions prévues aux articles L.330-3 et R. 330-1 du code de commerce n’imposent pas au franchiseur de fournir au candidat franchisé une étude de marché local ou un prévisionnel d’activité du magasin en projet, il doit néanmoins donner au futur franchisé des informations loyales et sincères, tant sur le montant de l’investissement à réaliser que sur les comptes prévisionnels et sur l’état général et local du marché des produits ; c’est l’état du droit positif. Plusieurs aspects de la motivation ayant conduit à l’arrêt commenté mérite d’être soulignés.

La Cour d’appel de Douai retient en effet que le franchiseur étant « le mieux placé » pour donner des informations précises sur son réseau et ses perspectives de développement, il doit respecter ces obligations pré contractuelles quelle que soit l’expérience antérieure du candidat franchisé ; en l’espèce, les appelants prétendaient que les documents d’information pré contractuels remis par le franchiseur ne comportent pas d’état du marché local, ni de renseignements actualisés sur le marché général, les données datant de 2002 et 2004, et que les chiffres qu’il a communiqués dans ce cadre ne sont ni sérieux, ni prudents.

S’agissant du magasin franchisé d’environ 300 m² ouvert à OYONNAX le 5 mars 2008, le contrat de franchise datant du 30 novembre 2007, les éléments de la procédure révélaient que la société franchiseur avait remis un document d’information précontractuel daté de juin 2007; ce document d’information pré contractuel présentait le réseau, retraçait son évolution jusqu’en 2007, les résultats des sites pilotes mentionnant des chiffres d’affaires stables, des résultats d’exploitation en augmentation, faisait un historique du marché de la literie, précisait les avantages du concept et son contenu, l’investissement moyen pour un magasin en fonction de sa surface, et donnait enfin des exemples de compte de résultat en fonction du chiffre d’affaires réalisé et de la surface du magasin (300m², 450 m² ou 600 m²) aux termes desquels le budget publicité préconisé est de 7% à 8% la première année, et de 5% du chiffre d’affaires les années suivantes. Cependant, l’historique fait sur le marché général de la literie porte sur les années 2002 à 2004 exclusivement, sans aucune mise à jour sur la période postérieure alors que le document d’information pré contractuel, avait été remis en juillet 2007 ; quant à l’état du marché local des produits et ses perspectives de développement sur la durée du contrat, il n’en n’était pas question aux termes de ce document.

Le compte de résultat prévisionnel ne faisait aucune référence à l’état local du marché de la literie (ce qui en soi n’est pas critiquable), mais annonçait pour la première année d’exploitation un chiffre d’affaires de 324 000 euros, un résultat d’exploitation avant impôt de 8000 euros, des frais de publicité à hauteur de 27 000 euros, et pour la deuxième année d’exploitation un chiffre d’affaires de 350 000 euros ainsi qu’un résultat avant impôt de 14 600 euros. Ce document précisait que le gérant ne serait rémunéré qu’à compter de mai 2008, et préconisait l’emploi d’une vendeuse à mi-temps, prévoyant à ce titre des charges de salaires de 27 000 euros pour la première année, de 36 000 euros pour la deuxième année, des charges sociales de 10500 euros pour la première année et de 14 000 euros pour la seconde année.

La Cour d’appel de Douai souligne que :

  • les chiffres indiqués dans les comptes de résultat inclus dans le document d’information pré contractuel remis au franchisé sont encore plus optimistes tant en termes de chiffres d’affaires que de résultats escomptés ;
  • la comparaison entre les bilans, et les chiffres prévisionnels fournis par le franchiseur révèle que la société franchisé avait réalisé à peine 26% du chiffre d’affaires prévisionnel la première année, et un peu moins de 20% la seconde année d’exploitation, soit une baisse au lieu de l’augmentation prévue ; de même, les résultats avant impôt prévus n’ont rien à voir avec ceux qui avaient été réalisés, puisque des pertes ont été subies deux années de suite, alors qu’il n’y a eu aucune charge de rémunération ;
  • en revanche, et alors que l’écart constaté entre les chiffres prévus et ceux réalisés dépasse la marge habituelle d’erreur en la matière, le franchiseur n’explique pas les chiffres de son compte de résultat prévisionnel, qui n’ont manifestement pas été élaborés avec sérieux.

Pour ordonner la nullité du contrat de franchise, la Cour d’appel de Douai retient que les chiffres prévisionnels annoncés par la société franchiseur pour ce magasin étaient « manifestement déloyaux et irréalistes au regard de l’importance des écarts constatés, de l’absence de référence à l’état du marché local et à ses perspectives », et que « le consentement du franchisé, a nécessairement été vicié, par l’effet d’une erreur substantielle, dans la mesure où il s’est engagé dans la franchise dans la perspective de réaliser des gains similaires à ceux annoncés par le franchiseur, lesquels l’ont amené à commettre une erreur tant sur la rentabilité de l’entreprise que sur le calcul des risques encourus, ce qui justifie l’annulation du contrat de franchise ».

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