Porte-fort de ratification et porte-fort d’exécution

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GRANDMAIRE Justine

Counsel - Docteur en droit

Mise en perspective

Le porte-fort : l’arme absolue ?

On le sait, l’article 1120 du Code civil prévoit : « Néanmoins on peut se porter fort pour un tiers, en promettant le fait de celui-ci ; sauf l’indemnité contre celui qui s’est porté fort ou qui a promis de faire ratifier, si le tiers refuse de tenir l’engagement ».

On distingue porte-fort de ratification et porte-fort d’exécution.

Dans le cadre du porte-fort de ratification, le porte-fort intervient comme un représentant accomplissant un acte juridique sans pouvoir, mais qui se fait fort d’obtenir a posteriori l’habilitation qui fait défaut, sous forme de ratification.

Dans le cadre du porte-fort d’exécution, une personne se porte-fort de l’exécution par une autre de l’obligation qui lui incombe et, à défaut d’exécution par le tiers, le promettant devra indemniser le créancier. Le porte-fort garanti au bénéficiaire que le tiers va exécuter ses obligations et devient ainsi lui-même engagé à titre de débiteur principal envers le bénéficiaire de la promesse de porte-fort. En aucun cas la promesse de porte-fort ne nécessite d’être ratifiée. Le recours à l’engagement de porte-fort d’exécution est désormais fréquent (Cass. com., 20 janvier 2009, pourvoi n°08-11.141 ; Cass. civ. 1ère, 15 mai 2008, pourvoi n°06-20.806 ; Cass. com., 13 décembre 2005, pourvoi n°03-19.217 ; Cass. civ. 1ère, 25 janvier 2005, pourvoi n°01-15.926 ; Cass. com., 2 juillet 1992, pourvoi n°90-17.873 ; Cass. com., 27 février 2001, pourvoi n°98-14.502 ; CA Aix-en-Provence, 28 novembre 2003, RG n°99/06579). L’engagement de porte-fort d’exécution est une obligation de résultat pris par le porte-fort portant sur l’exécution, par le débiteur, de ses obligations. L’obligation qui incombe au porte-fort est distincte de l’obligation pesant sur le débiteur.

La promesse de porte-fort d’exécution est une garantie personnelle. La Cour de cassation reconnait le caractère personnel autonome du porte-fort d’exécution :

  • « la promesse de porte-fort est un engagement personnel autonome d’une personne qui promet à son cocontractant d’obtenir l’engagement d’un tiers à son égard » (Cass. civ. 1ère, 25 janvier 2005, pourvoi n°01-15.926, Juris-data n°2005-026634). [Nous soulignons]
  • « celui qui se porte fort pour un tiers en promettant la ratification par ce dernier d’un engagement est tenu d’une obligation autonome dont il se trouve déchargé dès la ratification par le tiers, tandis que celui qui se porte fort de l’exécution d’un engagement par un tiers s’engage accessoirement à l’engagement principal souscrit par le tiers à y satisfaire si le tiers ne l’exécute pas lui-même » [Nous soulignons] (Cass. com., 13 décembre 2005, pourvoi n°03-19.217, Juris-data n°2005-031318).

A défaut d’exécution de ses obligations par le débiteur principal, celui qui s’est porté fort ne s’engage pas à exécuter la prestation et/ou les obligations dont la charge incombe au débiteur principal mais s’engage à indemniser le créancier du préjudice subi par ce dernier du fait de l’inexécution de ses obligations par le débiteur principal. En d’autres termes, le porte-fort n’est pas appelé à se substituer au débiteur garanti, mais il doit réparer le préjudice causé au créancier du fait de l’inexécution, par le tiers garanti, de ses obligations.

A la différence de la caution qui s’engage à se substituer au débiteur défaillant dans l’exécution, « le porte-fort promet un fait : l’exécution par le tiers débiteur principal de son engagement ; le porte-fort s’oblige à indemniser la bénéficiaire de la garantie en cas d’inexécution de son obligation par le tiers »  (…) «  la caution exécute son obligation de payer la dette d’autrui alors que le porte-fort répare le préjudice causé au créancier bénéficiaire de la promesse par l’inexécution de sa propre obligation de faire qui se résout en dommages intérêts » (Art. 1120 – Fasc. unique : Contrats et Obligations – Promesse de porte-fort, M. STORCK, 02/06/2015, n°49).

L’inexécution de ses obligations par le débiteur garanti établit l’inexécution par le porte-fort de l’obligation lui incombant.

Lorsque l’obligation garantie par le porte-fort consiste dans l’obligation de payer une somme d’argent, l’obligation mise à la charge du porte-fort correspond au paiement de la dette impayée. C’est dans ce sens que se prononce la jurisprudence : « Celui qui se porte fort de l’exécution d’un engagement d’un tiers s’engage accessoirement à l’engagement principal souscrit par le tiers à y satisfaire si le tiers ne l’exécute pas lui-même ; qu’ayant constaté que M. X… s’était porté fort du paiement à la société EFI des honoraires dus par la société Addressing Technology, la cour d’appel en a exactement déduit qu’il avait ainsi contracté l’engagement de se substituer à cette dernière en cas de défaillance de sa part » (Cass. com., 18 décembre 2007, pourvoi n°05-14.328 ; Juris-data n°2007-042117).

L’article 1251 du Code civil énonce que « la subrogation a lieu de plein droit :

 1° Au profit de celui qui étant lui-même créancier, paye un autre créancier qui lui est préférable à raison de ses privilèges ou hypothèques ;
2° Au profit de l’acquéreur d’un immeuble, qui emploie le prix de son acquisition au payement des créanciers auxquels cet héritage était hypothéqué ;
3° Au profit de celui qui, étant tenu avec d’autres ou pour d’autres au payement de la dette, avait intérêt de l’acquitter ;
4° Au profit de l’héritier acceptant à concurrence de l’actif net qui a payé de ses deniers les dettes de la succession ;
5° Au profit de celui qui a payé de ses deniers les frais funéraires pour le compte de la succession. » [Nous surlignons]

La promesse de porte-fort étant une garantie personnelle, celui qui s’est porté garant dispose ainsi d’un recours subrogatoire à l’encontre des autres porte-fort dès lors qu’il a effectué un règlement qui a permis de libérer ces derniers (J-Cl. Civil Code, Art. 1120 – Fasc. unique 1120 : Contrats et obligations, Promesse de porte-fort, 06/2015, M. STORCK, § 64).

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