Extinction du contrat de franchise et responsabilité du tiers complice du franchisé

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RICHARD Sandrine

Avocat associée

Cass. com., 9 juin 2009, pourvois n°08-16.168 et 08-17.296 – deux arrêts

Rappel des conditions de la mise en jeu de la responsabilité du tiers complice du franchisé

1. Désormais classiquement admise (v. Cass. civ. 3ème, 21 mars 1972), la responsabilité délictuelle du tiers complice de l’une des parties dans l’inexécution du contrat est recherchée de manière relativement fréquente à l’occasion de la rupture du contrat de franchise par le franchisé. Le franchiseur découvrant que son ancien franchisé arbore une enseigne concurrente de la sienne immédiatement après la rupture – régulière ou fautive – du contrat est en effet souvent tenté de poursuivre son ancien franchisé et le nouveau cocontractant de ce dernier, le plus souvent un franchiseur concurrent.

2. La chambre commerciale de la Cour de cassation a rendu le 9 juin 2009 deux arrêts dans lesquels le franchiseur, après avoir obtenu devant une instance arbitrale la condamnation du franchisé à lui payer des dommages-intérêts, recherchait devant les juridictions étatiques la responsabilité de la tête du réseau auquel appartenait désormais son ancien cocontractant.

Ces arrêts de rejet, rendus dans des cas où la faute principale – du franchisé – était bien établie, apportent des précisions sur les conditions de l’établissement de la complicité du tiers, et donc des conditions de sa responsabilité. Car c’est bien la complicité dans la faute commise par le franchisé qui fonde la responsabilité du tiers dans l’hypothèse considérée ici.

3. Le premier des arrêts faisant l’objet du présent commentaire (Cass. com., 9 juin 2009, pourvoi n 08- 16.168) rappelle ce principe.

En l’espèce, le franchiseur reprochait au nouveau cocontractant de son ancien franchisé d’avoir « contracté fautivement avec ce dernier alors qu’[il] ne pouvait méconnaître qu’il [lui] avait été lié par un contrat de franchise à durée déterminée, comportant des obligations d’enseigne et d’approvisionnement, qu’il [avait] rompu abusivement avant terme ».

Or, le fait pour le nouveau fournisseur de former un contrat avec l’ancien franchisé alors que le contrat de franchise par lequel était lié ce dernier a d’ores et déjà été rompu, ne peut constituer une faute. Le caractère fautif de la rupture elle-même est indifférent à cet égard.

La responsabilité du nouveau fournisseur aurait en revanche été retenue si l’ancien franchiseur avait établi que ledit fournisseur s’était rendu complice de la rupture fautive opérée par le franchisé ; la jurisprudence montre des exemples de telles hypothèses (v. par ex. Cass. com., 23 janv. 2007, pourvoi n 05-10.422). En l’espèce, cependant, il n’était ni allégué ni, a fortiori, prouvé que le nouveau fournisseur s’était rendu complice de la rupture effectuée par le franchisé.

4. Le second arrêt commenté rappelle les conditions de la responsabilité du tiers dans le cadre de la violation de la clause de préférence dont s’est rendu coupable le franchisé.

Cette espèce concernait une hypothèse particulière : le franchisé avait dûment dénoncé le contrat avant son terme, mais un litige était survenu sur l’éventuelle prorogation du contrat pendant les quelques mois ayant suivi le terme initialement prévu.

Pendant la période litigieuse, un concurrent du franchiseur avait donné mandat à deux de ses préposés d’acquérir le fonds de commerce du franchisé. Le franchiseur lui avait alors notifié le contrat, ce qui n’avait cependant pas fait obstacle à la cession du fonds de commerce audit concurrent.

Un an plus tard, l’instance arbitrale avait considéré que le contrat de franchise avait effectivement été prorogé. Or, il était établi que le concurrent avait pris la décision d’acquérir le fonds avant l’intervention du terme du contrat prorogé.

On sait que le contractant victime de l’inexécution d’une obligation contractuelle doit apporter la preuve que le tiers connaissait l’existence de ladite obligation, connaissance qui faisait d’ailleurs débat en l’espèce. Là ne réside cependant pas la cause de l’échec de l’action du franchiseur. En effet, s’il était établi que le tiers avait eu connaissance du conflit existant entre le franchiseur et le franchisé sur le terme du contrat, il n’était en revanche pas prouvé qu’il ait eu connaissance de l’intention du bénéficiaire de la clause de s’en prévaloir.

 

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