Contrefaçon et usage du signe d’autrui en tant qu’identifiant commercial

Cass. com., 31 mars 2015, pourvois n°13-21.300 et 13-21.345

L’usage de la marque d’autrui ne constitue une contrefaçon que si le tiers utilise le signe à titre de marque c’est-à-dire pour identifier l’origine de ses produits. Tel n’était pas le cas dans cette affaire où la marque MOULIN ROUGE était utilisée en référence au célèbre cabaret parisien, haut lieu touristique de la capitale.

La société MOULIN ROUGE est titulaire de la marque MOULIN ROUGE pour désigner une série de produits dont la papeterie, les articles de bureau et la verrerie, produits pour la commercialisation desquels elle a concédé une licence exclusive à la société BAL DU MOULIN ROUGE qui exploite à Paris le Cabaret du même nom. Après avoir eu connaissance de la commercialisation de trousses d’écolier, tapis de souris et dessous de verre sur lesquels était reproduite la marque MOULIN ROUGE, accompagnée d’une photographie de la façade du cabaret, les sociétés respectivement titulaire et licenciée de la marque ont engagé une action en contrefaçon et en concurrence déloyale.

La Cour d’appel a écarté l’existence d’actes de contrefaçon, de parasitisme et de concurrence déloyale. Un pourvoi a donc été formé que la Cour de cassation va également rejeter.

Au cœur de cet arrêt, on retrouve la notion d’usage à titre de marque qui conditionne l’application de la sanction de la contrefaçon. Le signe en cause doit en effet être utilisé à titre de marque c’est-à-dire comme identifiant de l’origine des produits. La Haute Cour va en l’espèce approuver l’analyse des juges du fond qui ont considéré que l’usage des termes MOULIN ROUGE servait seulement à désigner le bâtiment dont la façade était reproduite dans le but d’identifier le cabaret qui fait partie du patrimoine touristique et culturel de Paris. Le pourvoi faisait grief à cette analyse de ne pas prendre en considération le fait que l’intérêt du bâtiment résidait dans les dîners spectacles, de sorte que l’identification de ce lieu revenait à identifier les produits et services exploités sous la marque MOULIN ROUGE. Le pourvoi faisait également état du fait que la marque n’a pas pour seule fonction d’identifier l’origine des produits mais constitue également un instrument de stratégie commerciale employé en particulier à des fins publicitaires ce qui justifie que son titulaire soit habilité à interdire à un concurrent de reproduire celle-ci sur tous produits identiques ou similaires aux produits dérivés que lui-même exploite afin d‘assurer sa promotion et  tirer profit de sa notoriété.

La Cour de cassation va approuver l’arrêt qui a considéré que l’usage du signe ne constitue pas un usage à titre de marque, faute de remplir la fonction distinctive. A cette fin, elle relève que la société poursuivie utilisait la dénomination MOULIN ROUGE, non pas de façon isolée pour désigner ses produits, mais en association avec l’image stylisée du moulin qui abrite le cabaret ou reproduisait l’affiche de Toulouse Lautrec réalisée pour la publicité de la revue menée par La Goulue, dans le but d’identifier le cabaret de façon indissociable du bâtiment. Aussi, la dénomination est utilisée à des fins descriptives d’un site touristique sans affecter la garantie d’origine des produits sur lesquels elle est apposée.

Le grief de parasitisme avait également été rejeté par la Cour d’appel qui est approuvée par la Cour de cassation dans cet arrêt aux motifs que la société poursuivie qui reproduit sur ses produits les principaux monuments et lieux touristiques de Paris, en les désignant par leur nom et en ce qui concerne MOULIN ROUGE sans faire référence à l’activité commerciale de cet établissement. Ainsi, selon les juges du fond, cela établit qu’elle n’a pas cherché à se placer dans le sillage de la société Le Moulin Rouge, ni à tirer profit de sa notoriété. De même, l’arrêt commenté approuve les juges du fond qui ont écarté toute concurrence déloyale aux motifs que l’absence de référence à l’activité commerciale de l’établissement MOULIN ROUGE exclut tout risque de confusion entre les activités exercées par les parties.

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